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Le photovoltaïque s'expose au Japon


Du 27 au 29 février 2008 s'est tenue à Tokyo la toute première édition de PV EXPO, une exposition internationale consacrée au photovoltaïque (PV).

Une belle occasion pour la New Energy and Industrial Technology Development Organization (Nedo), la principale agence de financement du PV au Japon, et pour le National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (AIST), le centre de recherches publiques le plus actif en la matière dans le pays, de présenter leurs stratégies de développement technologique. L'occasion également pour la recherche académique et les industriels nippons de mettre en avant quelques progrès significatifs, notamment dans les domaines des cellules de Grätzel et des panneaux de mieux en mieux intégrés aux bâtiments.

Depuis le début de l'initiative "Sunshine" en 1974, le Japon mène, à l'échelle nationale et avec l'appui de la New Energy and Industrial Technology Development Organization (Nedo) des programmes de recherche sur le photovoltaïque (PV). Objectifs : accroître l'efficacité des cellules PV et en réduire les coûts de production. Ainsi, la Nedo compte atteindre, en 2030, un coût de production équivalent à celui du thermique, soit 4 centimes d'euro par kilowatt. Et l'agence de financement annonce d'ores et déjà son ambition : d'ici 25 ans, le Japon devrait produire 10% de son électricité grâce à l'énergie photovoltaïque. C'est dans cette optique qu'à eu lieu en ce début d'année à Tokyo, la première édition de PV EXPO, une exposition internationale sur le photovoltaïque. L'occasion pour plus de 300 exposants issus de 17 pays de débattre sur de nombreux thèmes parmi lesquels celui des matériaux et alliages, celui des instruments de mesure et d'évaluation, celui de la production, celui des cellules et des modules et celui des systèmes intégrés dans le bâtiment BIPV (building-integrated photovoltaics).

Les stratégies de développement technologique

Les responsables de la Nedo et du National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (AIST), le centre chargé des recherches de base sur le photovoltaïque, ont profité de PV EXPO pour présenter les enjeux du photovoltaïque et la place du Japon en la matière à l'occasion d'une conférence intitulée "Technology development strategies and future visions for the broad popularisation of photovoltaïc power generation". Le Japon occupe d'ores et déjà une place de leader dans le domaine du PV grâce aux programmes de recherche et développement menés depuis le milieu des années 1970. Le coût d'un système de production a ainsi été divisé par 30, passant de 20 millions de yens par kilowatt (soit environ 125.000 euros par kilowatt) en 1974 à 660.000 yens par kilowatt (soit environ 4 100 euros par kilowatt) en 2005. En 2007, la part de marché des fabricants japonais était par ailleurs de 36,8%. Pour Takahiko Yamamoto, vice-président de la Nedo, la priorité doit rester la réduction des coûts jusqu'à atteindre l'équivalent de ceux des systèmes thermiques, soit quelque 100.000 yens par kilowatt d'ici 2030. Pour cela, il faudra diminuer la quantité de silicium utilisée par cellule ou opter pour des matériaux meilleur marché, optimiser les processus de fabrication et augmenter les taux de conversion. Le second enjeu présenté est celui de la diminution de la surface nécessaire à la génération d'électricité qui passera par une augmentation des rendements avoisinant les 20%.

Pour Michio Kondo, directeur du Research Center for Photovoltaïcs, les enjeux technologiques sont non seulement le coût et la taille mais aussi la durabilité et la fiabilité des cellules. Le fonctionnement des cellules semble notamment affecté par les conditions extérieures et plus exactement par le climat. Actuellement, les modules japonais montrent des signes de vieillissement après une dizaine d'année de fonctionnement contre une vingtaine, voire une trentaine, à l'étranger. La possibilité de stocker l'électricité produite par les modules représente également, selon Michio Kondo, un point essentiel. Le développement de nouveaux procédés comme l'utilisation du silicium sous d'autres formes lui semble aussi capital. Concernant les cellules sur couches minces, le directeur du Research Center for Photovoltaïcs a tenu à préciser le double intérêt écologique de l'alliage CdTe (tellure de cadmium) qui pourtant ne jouit pas d'une bonne image au Japon.

En effet, le cadmium est un sous-produit des industries et, plutôt que de servir dans des batteries produites en grande quantité et mal recyclées, il peut être utilisé de manière plus rationnelle dans le PV. Le tout, d'après Michio Kondo, étant que les technologies soient utilisées selon les besoins et les moyens. Ainsi, les voitures haut de gamme pourraient exploiter les cellules en silicium monocristallin, les plus onéreuses, les véhicules de gamme moyenne celles en silicium polycristallin, de meilleur marché, et enfin les voitures bas de gamme des cellules organiques, les plus économiques.

La recherche académique

Les innovations présentées par la recherche académique lors de PV EXPO se rapportaient principalement aux cellules DSC (Dye-sensitized Solar Cell ou cellule de Grätzel). Insertion d'une fine grille métallique dans le film plastique scellant la cellule afin d'augmenter la conductivité électrique du matériau (Peccell-Fujimori), mise au point d'un nouveau colorant photosensible permettant d'obtenir un taux de conversion de 9,2% (Shimane Institute for Industrial Technology) voir même de 10% en laboratoire (laboratoire du professeur Arawaka de la Tokyo Université of Science), utilisation d'une résine sous séchage UV (Shimane Institute for Industrial Technology) ou encore remplacement de l'électrolyte par des nanotubes de carbone imbibés d'une solution ionique pour renforcer la structure (Peccell), les idées ne manquent pas. Concernant les modules en silicium cristallin, SANVIC a développé, en collaboration avec l'AIST, un procédé spécial permettant de transformer les rayons UV en lumière rouge et d'augmenter ainsi le taux de conversion électrique. Le traitement est appliqué au matériau d'encapsulation, l'EVA (ethylene vinyl acetate), qui se trouve généralement entre la cellule et le verre protecteur. Mais pour l'heure, le gain d'électricité reste insuffisant eu égard à la hausse du coût de production.

Les innovations industrielles

Aux côtés de la recherche académique, cinq des huit plus grands producteurs japonais de cellules photovoltaïques étaient présents à Tokyo pour PV EXPO. L'occasion pour eux de montrer leurs produits phares aussi bien que leurs dernières innovations. Et toutes les technologies étaient représentées : le silicium amorphe, monocristallin et polycristallin, les cellules tandem et multijonctions, les cellules de type CIGS et enfin les DSC ((Voir "Cellules photovoltaïques : les différentes technologies" en fin d'article).

Sharp, qui depuis plus de 50 ans fabrique toute sorte de produits électroniques de grande consommation, a notamment présenté des modules PV façon "vitres teintées". Des cellules en couches minces sont disposées sur un substrat de verre, avec un espacement entre chacune, pour laisser passer une partie de la lumière à l'intérieur du bâtiment et de ce fait donner une certaine transparence. Les cellules sont ensuite placées entre deux vitres de verre trempé avec une résine transparente intermédiaire. De quoi donner toute la résistance nécessaire à l'ensemble. Le boîtier permettant de récupérer l'énergie électrique, de son côté, est placé à l'extrémité du module, permettant ainsi de dissimuler les câbles électriques dans l'encadrement des fenêtres pour un meilleur rendu visuel. Sharp a également présenté un prototype de feuillet flexible composé de cellules multijonctions de type InGaP/GaAs pour des applications spatiales, un lampadaire nouvelle génération émettant très peu de lumière ultraviolette, celle qui attire les insectes, et un système de concentration de la lumière à l'aide de lentilles qui orientent la lumière du soleil directement vers la cellule PV.

Kyocera, l'un des leaders mondiaux dans le secteur de la production de panneaux PV, présentait, de son côté, deux innovations. Les modules de type "back-contact" dans lesquels les câbles électriques sont transférés à l'arrière du dispositif afin d'augmenter la surface exposée à la lumière et un système "dust free" intégrant des canaux d'écoulement dans le cadre entourant le module photovoltaïque et permettant ainsi à l'eau de pluie de chasser la poussière.

Mitsubishi Heavy Industries (MHI), société traditionnellement productrice de biens haut de gamme (automobile, chimie, électronique, photographie), présentait quant à elle deux types de modules en silicium : un module en silicium amorphe sur couches minces et un module tandem microcristallin-amorphe micromorphe. L'avantage du premier étant l'économie de silicium mais aussi une plus grande résistance à la chaleur et donc une fiabilité sur le long terme. Le rendement et la puissance sont par contre plus élevés pour le module tandem : 10% et 130 W contre 7% et 100 W pour le module amorphe.

Honda Soltec, l'entité créée dernièrement par Honda dans le but de donner à la société une activité PV, n'a débuté sa production de cellules photovoltaïques qu'en novembre 2007. Honda Soltec présentait donc sur PV EXPO ses premiers modules CIGS destinés à l'intégration dans le bâtiment. Reliés en parallèle, ces modules permettent de continuer à fournir de l'électricité même si une partie se trouve à l'ombre.

Fuji Electric Systems, société spécialisée dans l'équipement industriel, présentait son Fwave, des modules tandem de silicium amorphe aSi/aSiGe sur substrat plastique flexible. Une particularité qui permet d'envisager de recouvrir des surface courbes et d'intégrer le PV dans des architectures modernes, voire futuristes.

Peccell, société essaimée de l'université Toin de Yokohama, présentait également des modules sur substrats plastiques flexibles mais de type DSC. Des matériaux bon marché et un procédé d'impression en flux continu permettent d'en réduire les coûts. Peccell proposait également un chargeur solaire muni d'une batterie Li-ion de 3,7 V et qui permet de recharger de petits appareils comme les lecteurs MP3 par exemple.

Kyosemi, société spécialiste des semi-conducteurs, présentait Sphelar, une cellule sphérique de 1 à 2 millimètres de diamètre composée de silicium monocristallin. Cette forme sphérique lui permet de capter les rayons lumineux provenant de toutes les directions et donc de fournir plus d'électricité. Une sphère fournit ainsi une puissance de 0,5 V sur 0,6 mA. La production étant encore manuelle, le coût reste relativement élevé.

Enfin, Kindness Intelligence Solar Service (Kis) présentait une cellule élémentaire composée d'une sphère placée au foyer d'un réflecteur. Les sphères de silicium ont un diamètre d'un millimètre et sont reliées à l'électrode positive. Le réflecteur mesure 2,5 millimètres de diamètre à son entrée et abrite l'électrode négative. La forme hexagonale du réflecteur permet d'agencer les cellules élémentaires en "nid d'abeille" pour former une cellule compacte à fort rendement. De quoi obtenir un produit flexible, léger et qui peut être placé entre des plaques de verre tout aussi bien qu'entre deux films plastiques.

Le point sur :

Cellules photovoltaïques : les différentes technologies

Il existe actuellement sur le marché plusieurs technologies employées pour la réalisation de cellules photovoltaïques.

Les cellules utilisant du silicium monocristallin sont des cellules de première génération. Leur taux de rendement se situe aux alentours des 15% mais leur production est difficile et donc coûteuse. Les taux de rendement des cellules au silicium polycristallin se situent à peine au dessus des 10% mais leur coût de production est moins élevé. Enfin les cellules basées sur l'usage de silicium amorphe sont encore meilleur marché car utilisant des couches très minces de silicium mais leur rendement est inférieur à 10%. Ce sont les cellules que l'on trouve le plus souvent dans les petits produits de consommation courante comme les calculatrices et les montres.

Les cellules dites tandem sont composées de deux cellules simples, l'une en couche mince de silicium amorphe, l'autre de silicium cristallin. Les deux cellules absorbent dans des domaines spectraux se chevauchant. De quoi améliorer, théoriquement du moins, le rendement par rapport à celui de cellules simples. Mais, l'utilisation de deux cellules superposées en augmente aussi le prix.

Les cellules multijonctions ont été inventées pour s'adapter aux spécificités des applications spatiales. Elles sont constituées de plusieurs cellules simples empilées. Chacune convertit en électricité une partie différente du spectre solaire exploitant ainsi au maximum le flux de lumière reçu.

Les cellules CGIS (Copper Indium Gallium diSelenide), exploite les possibilités d'un nouveau matériau semi-conducteur comprenant du cuivre, de l'indium, du gallium et du sélénium. Il est utilisé sous forme de couche mince polycristalline. Là où les cellules au silicium exploitent les jonctions "p-n", ces nouvelles cellules reposent sur le principe de jonctions complexes ou hétérojonctions. Ces cellules ne présentent pas un meilleur rendement que les cellules cristallines mais pourraient se révélées plus économiques car n'utilisant pas de silicium.

Enfin, les cellules DSC (Dye-sensitized Solar Cell), encore appelées cellules photoélectrochimiques à colorant ou cellules de Grätzel en l'honneur de leur inventeur suisse, reposent sur l'absorption des photons dans un matériau nanostructuré, le plus souvent en oxyde de titane. Pour lui permettre d'absorber la lumière, on lui ajoute un colorant et un électrolyte. Avantage : ces cellules sont utilisables des deux côtés et sont transparentes ce qui pourrait permettre de les intégrer dans des vitres.


Source :

Technologies Internationales 145 (17/06/2008 ) - ADIT

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