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Le développement minier responsable : préoccupations et recommandations de la jeunesse francophone


Le 1er Forum international des jeunes leaders en développement minier responsable s'est tenu du 11 au 15 novembre 2013 au Centre des congrès de Québec, dans le cadre du volet international de Québec Mines 2013 (1). 37 jeunes provenant de dix pays francophones et issus de différents milieux (gouvernements, établissements d'enseignement, entreprises, ONG, etc.) y ont participé et ont échangé sur les meilleures pratiques, actuelles et possibles, en matière de développement minier responsable. Sans doute l'événement le plus marquant de ce forum, la table ronde du 14 novembre a été l'occasion pour les jeunes leaders de mettre de l'avant leurs expériences et leurs idées, afin de formuler des recommandations touchant aux enjeux d'un tel développement, aux actions et aux moyens à mettre en oeuvre pour le réaliser et pour encourager l'émergence d'une relève dans le secteur minier, plus sensible aux objectifs du développement durable.

D'une manière générale, les participants au forum ont reconnu que l'industrie minière peut contribuer à l'amélioration des conditions de vie. Le développement minier doit cependant être raisonné, maîtrisé, et rien n'est moins certain à ce jour. Les questions de participation, d'information et d'encadrement ont été au coeur des discussions. Ainsi, selon les participants, il est primordial de mettre en place des mécanismes démocratiques de participation, qui permettraient aux populations de contribuer à la décision d'acceptation d'un projet minier selon qu'il leur soit bénéfique ou non. Un tel processus est encore loin d'être systématique dans la plupart des pays, malgré ses avantages pour l'ensemble des parties. Ne pourrait-on pas croire, par exemple, qu'une population consultée soit plus encline à dire " oui " à un projet, si elle a effectivement la possibilité de lui dire " non "?

En outre, les participants trouvent inquiétant que, trop souvent encore, il appartienne aux entreprises minières de fournir au public les informations sur la nature et les impacts de leurs activités. Ce rôle reviendrait plutôt au gouvernement ou à un organisme indépendant, pour garantir une information neutre, transparente et crédible. L'importance d'une information facilement accessible et vulgarisée, pour le public et les gouvernements eux-mêmes, a aussi été soulignée. En effet, un obstacle au développement minier responsable dans certains pays réside dans une asymétrie de l'information : contrairement aux entreprises minières présentes sur leur territoire, certains gouvernements ignorent le potentiel de leur sous-sol, ce qui infirme sérieusement leur capacité de négociation face à ces entreprises. Il est donc essentiel de disposer d'experts capables de fournir ces données géophysiques, d'où l'importance de la formation, sinon de la coopération technique concernant les pays où cette expertise fait défaut.

L'insuffisance de l'encadrement normatif préoccupe également les jeunes leaders, les conduisant à recommander des normes environnementales plus sévères et de codes miniers plus structurés. Certains participants ont toutefois insisté sur la nécessité de trouver l'équilibre entre une réglementation suffisamment stricte sans être dissuasive pour l'investissement, afin d'éviter d'entraver un développement socioéconomique qui reste nécessaire. Par ailleurs, au titre de la réglementation proposée figure l'intégration du secteur minier, dans le but de créer des synergies entre les entreprises du secteur et avec les autres secteurs économiques. S'il faut exploiter les ressources minérales, autant le faire efficacement et minimiser les résidus. Autrement dit, par le biais d'une réglementation appropriée, les gouvernements doivent s'assurer que les entreprises valorisent jusqu'aux minerais secondaires extraits, ou sinon, qu'elles établissent des partenariats avec d'autres entreprises susceptibles de le faire. De cette façon, la rentabilité et ses retombées peuvent être maximisées, sans imposer des impacts supplémentaires (déchets) à l'environnement.

Enfin, les participants ont soulevé l'importance de l'innovation pour des techniques d'exploitation plus propres. À cette fin, ils ont suggéré la création d'un fonds pour la formation et la recherche, alimenté par les redevances minières, dans le but de créer et soutenir l'émergence d'une expertise locale qualifiée. Pour eux, la mine du futur serait dirigée par des techniciens formés à la fois à la géologie et aux sciences de l'environnement (gestion de l'environnement, responsabilité sociale, gouvernance, etc.). À long terme, il est aussi nécessaire de canaliser les ressources et les retombées du développement minier pour faire décoller d'autres secteurs économiques porteurs, et éviter ainsi une dépendance de l'économie envers ce secteur. S'agissant d'une activité finie, le véritable défi pour le Québec et les pays de l'espace francophone est d'utiliser le secteur minier comme un levier de développement qui profitera durablement à l'ensemble de l'économie et aux populations.

En définitive, le point fort du forum a résidé dans la belle diversité des participants et la capacité de consensus dont ils ont su faire preuve. Ce fut un excellent exercice de compréhension mutuelle et de compromis qui gagnerait à être reproduit par les acteurs du secteur minier, pour réellement faire changement. Les points de vue, parfois très divergents, ont pourtant permis à chacun d'apprécier les enjeux du développement minier responsable avec un regard plus large et de s'enrichir des expériences et des idées des autres participants. Le dialogue leur a également permis de s'entendre sur les actions et les moyens à poser pour plus de responsabilité dans le secteur minier. Effectivement, tous s'accordaient à dire que si l'exploitation des ressources minières peut-être véritablement bénéfique, il faut pour cela qu'elle soit réalisée dans les meilleures conditions. Autrement dit, le développement minier ne devrait pas se faire à n'importe quel prix. Un pays devrait être suffisamment prêt et outillé (stabilité politique, encadrement suffisant, etc.) avant de se lancer dans le développement minier. Dans le cas contraire, il peut être préférable d'attendre.

Les recommandations formulées par les participants au 1er Forum des jeunes leaders en développement minier responsable ont été consignées dans un document (2) porté à l'attention de l'Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) et du Réseau Normalisation et Francophonie (RNF), et qui sera soumis aux décideurs étatiques lors du prochain Sommet de la Francophonie à Dakar en novembre 2014. Ce Sommet verra la mise en place des nouveaux cadre stratégique, programme et stratégie économique de la Francophonie, dans lesquels le développement responsable et durable aura une place de choix.

 

Références :

(1) Ministère des Ressources naturelles, 2013. Québec Mines international [en ligne]. Québec, Ministère des Ressources naturelles. http://quebecmines.mrn.gouv.qc.ca/international/ [consulté de 31 janvier 2014]

(2) Ministère des Ressources naturelles, 2013. Recommandations des jeunes leaders en matière de développement minier responsable [en ligne]. Québec, Ministère des Ressources naturelles. http://quebecmines.mrn.gouv.qc.ca/documentation/Recommandations_FJL.pdf [consulté le 31 janvier 2014].

Auteur : Lynda Hubert Ta, doctorat en études internationales, Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval

Source: L'Interdisciplinaire, journal étudiant de l'Institut EDS 

[Journallinterdisciplinaire]

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