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La CNUCED publie son Rapport sur le commerce et le développement, 2014


UNCTAD/PRESS/PR/2014/031

Genève, Suisse, (10 septembre 2014)

À l’heure où la communauté internationale entreprend de définir une nouvelle série d’objectifs de développement, il est vital que les pays disposent d’une marge d’action suffisante pour être en mesure de répondre aux ambitions plus élevées de tout programme à venir. La CNUCED insiste sur ce point dans son Rapport sur le commerce et le développement, 20141: Gouvernance mondiale et marge d’action pour le développement, publié aujourd’hui. De nouveaux objectifs de développement durable de grande ampleur ont déjà été présentés à New York, mais le programme de développement pour l’après-2015 ne pourra pas être mené à bien si les décideurs ne disposent pas de plus de moyens et de latitude pour agir.

La CNUCED montre que les politiques commerciales et industrielles volontaristes ont un rôle à jouer dans le programme de développement pour l’après-2015 et met en relief diverses mesures qui, dans la nouvelle dynamique de l’économie mondiale, pourraient contribuer à une croissance soutenue du revenu, au plein emploi, à la réduction de la pauvreté et à d’autres résultats socialement souhaitables.

En ce qui concerne le commerce, la CNUCED estime que les négociations concernant l’élaboration de règles doivent être recentrées sur des accords multilatéraux qui tiennent compte des préoccupations légitimes des pays en développement. Certes, les règles et disciplines multilatérales mettent un frein aux politiques économiques autocentrées − les politiques mercantilistes, par exemple − qui, mises en œuvre par des pays influents, peuvent nuire aux résultats économiques d’autres nations. Pour autant, les accords multilatéraux ne devraient pas encourager ou contraindre des pays en développement à renoncer à des politiques qui favorisent leur développement économique. Si les accords multilatéraux existants maintiennent certaines flexibilités pour tous les membres de l’Organisation mondiale du commerce et comportent des dispositions de traitement spécial et différencié pour les pays les moins avancés, ils contiennent aussi des restrictions d’application pour un nombre croissant de mesures commerciales et industrielles.

De plus, les pays en développement devraient bien réfléchir à la marge d’action qu’ils sacrifient lorsqu’ils concluent des accords de commerce et d’investissement bilatéraux et régionaux. Ces accords sont souvent assortis d’engagements plus stricts que les engagements multilatéraux applicables aux mêmes domaines ou d’engagements de plus grande portée, obligeant les décideurs à se priver d’instruments qui ont contribué efficacement à l’industrialisation d'autres pays. Parmi les idées reçues, il en est une selon laquelle les pays en développement doivent absolument prendre des engagements plus stricts sur le plan politique et réglementaire s’ils veulent attirer les investissements étrangers directs et permettre à leurs entreprises de participer aux chaînes de valeur mondiales. La CNUCED montre au contraire que si, à court terme, ces engagements peuvent avoir des effets bénéfiques sur le commerce et l’emploi, à long terme, ils risquent de piéger les producteurs dans des enclaves de production primaire ou des activités manufacturières à faible valeur ajoutée. Elle appelle aussi l’attention sur les problèmes que posent le cadre actuel de l’investissement international et les tribunaux d’arbitrage ad hoc compétents en la matière, qui exercent des fonctions normatives importantes relevant ordinairement des États. Outre le manque de transparence et de cohérence souvent observé dans leurs activités, ces tribunaux sont constitués sur le modèle des instances de règlement des différends commerciaux entre acteurs du secteur privé, si bien qu’ils n’ont aucune raison de prendre en considération les intérêts plus larges du pays d’accueil et sa stratégie de développement.

Le Rapport sur le commerce et le développement, 2014 met en avant quatre éléments qui permettraient de choisir, d’élaborer et de mettre en œuvre les politiques nécessaires à la réalisation du nouvel ensemble d’objectifs de développements selon une démarche plus souple:

• Premièrement, la politique industrielle a son importance; même les pays développés admettent de nouveau qu’elle contribue à la hausse de la productivité, à l’innovation et à la création d’emplois décents. Dans ce domaine, la CNUCED relève l’approche des États-Unis, souvent considérée comme non interventionniste mais qui associe un «État entrepreneur» et un «État coordonnateur» afin d’exploiter habilement la marge d’action laissée par les règles internationales et les engagements sectoriels pour prendre des mesures en faveur de son activité manufacturière. Le cas de l’Union européenne montre comment une approche plus horizontale − touchant l’économie dans son ensemble − risque de compromettre la réalisation d’objectifs de plus grande envergure.

• Deuxièmement, dans les pays tributaires des produits de base, pour que les rentes tirées des ressources naturelles se traduisent par une croissance soutenue et une transformation structurelle, il faudra accélérer l’industrialisation en réalisant des investissements élevés et en encourageant la création d’un cercle vertueux entre commerce et accumulation de capital. Une politique industrielle qui aiderait les entreprises à identifier des créneaux prometteurs dans le secteur manufacturier et à développer leurs activités en conséquence pourrait grandement faciliter ces efforts de diversification.

• Troisièmement, la participation aux chaînes de valeur mondiales, qui sont en pleine expansion, peut ouvrir de nouvelles perspectives de développement et de création d’emplois industriels pour les pays en développement, à condition qu’ils ne se bornent pas à aligner leurs mesures sur les intérêts des entreprises chefs de file. Les éléments d’appréciation permettant d’affirmer que la participation aux chaînes de valeur est un moteur d’industrialisation sont au mieux discutables. Les épisodes de transformation structurelle, même lorsqu’ils sont d’abord fructueux, ne débouchent souvent que sur une industrialisation superficielle, offrant peu de possibilités d’amélioration de la situation économique et sociale. Le risque d’être piégés en bas de la chaîne de valeur peut être trop grand pour que les pays renoncent à utiliser des instruments d’industrialisation qui ont fait leurs preuves. Selon le rapport, même en Chine, qui a su mettre à profit les chaînes de valeur pour accroître son commerce dans le secteur de l’électronique, les entreprises locales ne perçoivent que 3 % des bénéfices mondiaux de ce secteur.

• Enfin, de manière plus générale, les stratégies de croissance axées sur les exportations semblent avoir moins d’impact sur le développement depuis la grande récession, du fait du ralentissement de la croissance des pays développés et d’une moindre élasticité de leur demande d’importations en provenance des pays en développement. Pour éviter une forte contraction de leur croissance, les pays en développement voudront peut-être rééquilibrer leurs stratégies en la matière en cessant de privilégier les exportations vers les pays développés et en se recentrant sur la demande intérieure et régionale. L’application de politiques commerciales et industrielles volontaristes pourraient aider à ajuster comme il convient les capacités productives des pays en développement.

Son cinquantième anniversaire coïncidant avec les 70 ans des institutions de Bretton Woods, la CNUCED s’intéresse aussi à la manière dont, après la deuxième guerre mondiale, la communauté internationale a tenté de bâtir un nouvel ordre économique international, plus équitable et plus durable, autour de disciplines et de soutiens multilatéraux, sans trop empiéter sur la marge d’action indispensable à la réalisation de nouveaux objectifs économiques et sociaux. Si l’on à cœur de réussir dans cette entreprise, il faudra que les efforts déployés aujourd’hui pour garantir aux États une marge d’action suffisante dans le système commercial mondial s’accompagnent d’une véritable réforme de l’architecture financière mondiale, qui assurera aux pays pauvres un financement à long terme plus stable, à la fois public et privé.

Pour télécharger le rapport: http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/tdr2014_en.pdf

 

 

 

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