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La Chine, une transition écologique particulièrement polluante


Depuis le 1er janvier, la Chine s’est dotée d’une nouvelle taxe écologique : les entreprises publiques et privées devront désormais payer des amendes sur les émissions polluantes dans l’eau, l’air et le sol. Une politique fiscale révélatrice de la nouvelle stratégie de Pékin : miser sur une croissance plus « verte ». Un changement annoncé en fanfare à la communauté internationale et qui s’avère finalement tout aussi nocif pour l’environnement.

« L’Usine du monde » tente depuis plusieurs années de se muer en champion de l’écologie. Pour cela, la Chine accélère la fermeture des mines les plus polluantes sur son sol : dans les principales régions minières chinoises, où les règlementations sont souvent inexistantes ou peu appliquées, les niveaux de pollution sont effroyables. Les usines rejettent leurs effluents toxiques directement dans les sols et le taux de cancer parmi les habitants est anormalement élevé. Une situation qui a forcé l’État central à réagir et à prendre une série de mesures.

Mais l’Empire du Milieu reste extrêmement dépendant d’une pléiade de minerais pour assurer son développement. Car la Chine est contrainte de se maintenir à un taux de croissance élevé pour juguler les tensions sociales qui parcourent le pays. Tributaire de certaines matières premières qui soutiennent son économie, la Chine continue d’assurer son approvisionnement auprès de pays étrangers.

La filière aluminium chinoise, la plus importante du monde, dépend ainsi des réserves de bauxite, concentrées dans trois pays : le Brésil, l’Australie et la Guinée. Et les entreprises chinoises ont emporté avec elles dans ces pays leurs méthodes d’exploitation peu recommandables.

Il y a quelques mois, le géant mondial de l’aluminium China Hongqiao Group a signé des accords avec le gouvernement guinéen et la Société guinéenne du patrimoine minier (Soguipami) afin de sécuriser l’approvisionnement en bauxite.

L’afflux de sociétés minières a drainé une main-d’œuvre étrangère qui a fait augmenter le coût de la vie et rendu insuffisantes les capacités d’accueil (services, logements) des principales régions concernées. Elle a en outre contribué à faire augmenter le taux de chômage chez les jeunes guinéens.

Mépris social et environnemental

À Boké, épicentre de l’exploitation de la bauxite guinéenne, « 70 % des jeunes ne travaillent pas », selon les associations locales. Les espaces cultivables se réduisent, plusieurs cours d’eau sont pollués et les poissons fuient leur zone de reproduction. Les taux de concentration de particules fines sont entre 5 et 8 fois plus élevés que la normale, ce qui augmente considérablement les risques de maladies respiratoires et diminue la fructification des plantes.

Connus pour leur mépris des normes sociales et environnementales, les industriels chinois sont vus comme des envahisseurs. Les tensions montent. En avril 2017, la mort d’un conducteur de mototaxi percuté par un camion de transport de bauxite a fait descendre les habitants dans la rue. Des semaines d’émeutes révélatrices des dégâts causés par les industriels chinois dans la région.

Les terres rares, un monopole chinois

La transition énergétique et la numérisation de nos sociétés ont conduit à une explosion de la demande en « métaux rares ». En effet, les batteries électriques, les éoliennes, les téléphones portables, la fibre optique ou encore les voitures électriques et hybrides ont la particularité d’être extrêmement gourmands en métaux rares, ces minerais présents en quantité infime dans la croûte terrestre souvent mélangés à d’autres métaux plus abondants.

Depuis janvier 2017, certains éléments des terres rares (où l’on trouve ces fameux métaux) ont vu leur prix augmenter de plus de 80 %. Alors que la demande est de plus en plus forte, l’offre mondiale, à 90 % issue de la Chine, s’est progressivement restreinte. Le « virage vert » entrepris par l’empire du Milieu s’est traduit par la fermeture de nombreuses mines et la limitation de la production de métaux rares sur son sol. Une matière première toujours exploitée, mais désormais dans des pays étrangers.

Mais là encore, il ne faut pas s’en féliciter : en plus des normes d’extraction particulièrement nocives pour l’environnement des groupes chinois, les métaux rares représentent eux-mêmes une source importante de pollution. Dans son ouvrage « la Guerre des métaux rares », le journaliste Guillaume Pitron dénonce une transition écologique « en trompe-l’œil » : « Un fabuleux marketing nourrit l’illusion que les énergies renouvelables sont vertes. Nous oublions sciemment qu’elles sont tributaires de l’extraction de métaux sales. Nous avons juste délocalisé la pollution et faisons semblant de faire du propre ». Si « derrière un courriel se cachent des milliers de kilomètres de câbles de cuivre », un véhicule électrique « génère presque autant de carbone qu’un diesel » précise le journaliste dans les pages de Libération.

La Chine, qui souhaite remplacer son économie industrielle et polluante par un modèle plus connecté, moderne, digital, est au cœur de cette mascarade écologique. Car remplacer les véhicules à essence par des voitures autonomes électriques à grand renfort de métaux rares va s’avérer tout aussi couteux pour l’environnement.

Productrice et consommatrice de ces précieux minerais, la Chine masque derrière son discours environnemental une nouvelle forme d’exploitation de la nature. Une fois de plus, l’Empire du Milieu ne combat pas la pollution, mais la déplace.

Alice Mondet

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