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La Banque mondiale dévoile son rapport "Les Femmes, l'Entreprise et le Droit"


Les gouvernements de 65 économies ont pris des mesures afin d’améliorer la participation économique des femmes. Au total, 87 réformes législatives et règlementaires ont été adoptées au cours des deux dernières années, indique l’édition 2018 du rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit, publié aujourd’hui par le Groupe de la Banque mondiale.

Cependant, de nombreux obstacles juridiques empêchent encore les femmes d’accéder à certains emplois, de diriger une entreprise (en raison notamment d’un accès limité au crédit) et de contrôler l’utilisation qui est faite des biens matrimoniaux, explique le rapport, qui paraît tous les deux ans et qui couvre désormais 189 économies. Par exemple, dans 104 économies, les femmes n’ont pas le droit de travailler la nuit ou d’occuper certains emplois dans des secteurs spécifiques (activités manufacturières, construction, énergie, agriculture, eau et transports, en particulier), ce qui restreint les perspectives d’emploi de plus de 2,7 milliards d’entre elles.

« Aucune économie ne peut atteindre son plein potentiel économique sans la participation pleine et entière des hommes et des femmes, souligne Kristalina Georgieva, directrice générale de la Banque mondiale. Et pourtant, dans plus de la moitié des économies du monde, les femmes ne peuvent toujours pas exercer certains emplois uniquement parce qu’elles sont des femmes. Le rapport révèle que là où le droit du travail garantit l’égalité entre les sexes, les femmes travaillent plus et sont rémunérées davantage que les hommes. Les femmes devraient avoir autant de chances que les hommes de subvenir à leurs propres besoins et d’offrir à leurs enfants le meilleur départ possible dans la vie. »

Ce rapport, qui en est à sa cinquième édition, comporte pour la première fois un système de notation d’une échelle allant de 0 à 100, afin de mieux éclairer l’avancement des réformes. Chaque économie obtient un score pour chacun des sept indicateurs mesurés : accès aux institutions, jouissance de la propriété, obtention d’un emploi, incitations au travail des femmes, accès à la justice, accès au crédit et protection des femmes contre la violence.

Aucune économie n’obtient la note maximale de 100 pour ces sept indicateurs. Les économies les mieux notées sont le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l’Espagne. Pour la plupart des indicateurs, ce sont généralement les économies de l’OCDE à revenu élevé qui affichent le meilleur score moyen.

Protéger les femmes contre la violence, au travers de lois sur la violence domestique et le harcèlement sexuel dans le milieu du travail ou dans l'enseignement, reste aujourd’hui un domaine dans lequel il y a encore beaucoup à faire. Sur les 189 économies examinées par le rapport, 45 n’ont pas de loi sur la violence domestique et 56 n’ont pas de loi sur le harcèlement sexuel dans le milieu du travail. Globalement, 21 économies obtiennent un score de 0 pour l’indicateur sur la protection des femmes contre la violence. Nombre d’entre eux sont situés en Afrique subsaharienne et dans la région Moyen-Orient/Afrique du Nord.

Bien que la grande majorité des économies aient adopté des lois contre la discrimination sexuelle au travail, seulement 76 garantissent l'égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, et 37 n’ont aucune disposition légale interdisant le licenciement des travailleuses enceintes.

Il existe également une marge d'amélioration importante en matière d’accès au crédit pour les femmes. Seulement 72 économies interdisent légalement la discrimination fondée sur le sexe dans l’accès aux services financiers, et 79 obtiennent une note de 0 pour cet indicateur mesurant l’accès au crédit. Les économies à faible revenu sont particulièrement peu performants dans ce domaine, avec un score moyen de 8.

« L’égalité des chances entre les femmes et les hommes est un impératif moral et économique, et l’abrogation des lois discriminatoires constitue une première étape essentielle dans cette direction. Nous espérons que la publication des données recensées par le projet Les Femmes, l’Entreprise et le Droit sera utile pour apporter les changements nécessaires qui permettront aux femmes de faire les meilleurs choix pour elles-mêmes, pour leur famille et pour leur communauté », indique Shanta Devarajan, directeur principal de la vice-présidence chargée de l’Économie du développement de la Banque mondiale.

Le rapport cite des recherches montrant que les inégalités hommes/femmes entraînent une perte de revenus de 15 %, en moyenne, dans les économies de l’OCDE, et que 40 % de ce manque à gagner est imputable aux inégalités dans l’entrepreneuriat. Cette perte de revenus est estimée encore plus élevée dans les économies en développement. La discrimination juridique fondée sur le sexe réduit aussi le taux de participation féminine au marché du travail et compromet la croissance économique. Selon la recherche, les inégalités entre les sexes expliquent parfois une grande partie des écarts de production par habitant, et nombre d’économies peuvent accroître leur performance en luttant contre les dispositions légales discriminatoires, notamment en matière d’emploi.

« Malheureusement, la législation discrimine souvent les femmes à travers le monde. Il faut que cela change. Il n’y a aucune raison d’exclure les femmes de certains emplois ou de les empêcher de diriger une entreprise. Notre message est simple : pas de croissance économique sans les femmes », explique Sarah Iqbal, responsable du projet Les Femmes, l’Entreprise et le Droit.

Cette année, le rapport comporte une étude de cas sur l’inclusion financière des femmes, qui analyse l’impact des lois discriminatoires sur la demande de services financiers dans la population féminine. Par exemple, faute d’accès aux biens et de contrôle sur ces biens, les femmes ne sont pas en mesure d’apporter une garantie pour obtenir un prêt.

Le rapport met par ailleurs en évidence le nombre important de réformes adoptées dans les économies en développement suivantes : l’Iraq, le Kenya, la République démocratique du Congo, la Tanzanie et la Zambie.

Les économies de la région Asie de l’Est et Pacifique ont adopté 11 des 87 réformes mises en œuvre dans le monde au cours des deux dernières années. Parmi les réformes marquantes, peuvent être cités la Chine, qui a étendu le bénéfice du congé de maternité rémunéré aux femmes de moins de 25 ans ; Kiribati, où un nouveau code du travail a supprimé toutes les restrictions à l’emploi des femmes, et la Malaisie, qui permet désormais aux victimes de harcèlement sexuel d’intenter une action en justice au civil. Globalement, cette région affiche de bons résultats pour l’indicateur relatif à l’« accès aux institutions », avec un score moyen de 95, car la plupart des économies qui la composent n’opèrent pas de différenciation entre hommes et femmes pour l’accomplissement de diverses formalités administratives : enregistrement d’une société, ouverture d’un compte bancaire ou obtention d’une carte nationale d’identité, par exemple. Les économies d’Asie de l’Est et du Pacifique obtiennent également de bons scores pour l’indicateur relatif à la « jouissance de la propriété » (note moyenne de 83), du fait de régimes matrimoniaux qui autonomisent les femmes. En revanche, le score moyen régional n’est que de 19 en ce qui concerne l’accès au crédit, ce qui témoigne des difficultés des femmes à accéder à un financement: 13 des 25 économies de cette région affichent un score de 0 pour cet indicateur. En outre, la région protège peu les femmes contre les violences (note moyenne de 44).

Quinze des réformes introduites au cours des deux dernières années ont été adoptées dans la région Europe et Asie centrale. Les réformes marquantes ont été mises en place par la Bosnie-Herzégovine, qui a mis fin à de nombreuses restrictions à l’emploi des femmes, en autorisant notamment leur accès aux emplois considérés comme pénibles ou dangereux, ainsi qu’aux emplois nécessitant de travailler sous l’eau ; par la Bulgarie, où toutes les restrictions à l’emploi des femmes ont été supprimées, et par le Tadjikistan, qui a éliminé la restriction au travail de nuit des femmes. Globalement, les 25 économies de la région enregistrent de bons résultats pour la plupart des indicateurs, atteignant le score maximal de 100 pour la jouissance de la propriété, et de 99 pour l’accès aux institutions. Cependant, les restrictions juridiques à l’emploi des femmes restent très répandues dans la région, qui obtient une note moyenne de 77 pour l’accès à l’emploi. Seules la Lettonie et la Lituanie affichent le score maximal pour l’accès des femmes à l’emploi. Le score le plus faible de la région Europe et Asie centrale est relatif à l’indicateur sur l’accès au crédit, avec une note moyenne de 33, dans la mesure où sept économies obtiennent un score de 0 et deux seulement le score maximal de 100. Les résultats régionaux en matière de protection des femmes contre la violence sont également insuffisants (score moyen de 59), près d’un quart des économies de la région ne disposant pas de législation sur le harcèlement sexuel au travail.

Les économies de la région Amérique latine et Caraïbes ont mis en œuvre un total de 8 réformes sur les deux dernières années. D’importantes réformes ont été adoptées par la Colombie, où la Cour constitutionnelle a levé toutes les restrictions juridiques à l’emploi des femmes, et l’Équateur, qui a instauré l’égalité d’accès des hommes et des femmes à la propriété (désormais, un mari ne peut plus imposer à son épouse des décisions relatives à la gestion des biens matrimoniaux). Cette région obtient d’excellents scores en matière de jouissance de la propriété et d’accès aux institutions, avec respectivement un score moyen de 98 et 97. Pour ces deux indicateurs, toutes les économies d’Amérique latine obtiennent le score maximal, et les îles des Caraïbes affichent des scores variables. En revanche, la région pourrait améliorer ses résultats pour l’indicateur relatif à l’emploi des femmes. Sur les 32 économies de cette région qui sont étudiées par le rapport, moins de la moitié respectent la norme fixée par l’Organisation internationale du travail (OIT) pour la durée du congé de maternité, à savoir un congé minimum de 14 semaines.

Dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, 10 réformes ont été introduites au cours des deux dernières années. Avec quatre réformes à son actif, l’Iraq fait aujourd’hui partie des cinq économies du monde à avoir adopté le plus grand nombre de réformes. Ces réformes portent sur l’accès aux institutions, l’emploi, les incitations au travail et la protection des femmes contre la violence. En matière d’emploi, l’Iraq a allongé le congé de maternité rémunéré de 72 à 98 jours, et son nouveau Code du travail interdit toute forme de discrimination fondée sur le sexe. Cependant, ce texte autorise les employeurs à résilier le contrat de travail lorsque le salarié atteint l’âge de la retraite, or cet âge est inférieur de cinq ans pour les femmes. En réalité, 58 % des 20 économies de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord ont instauré un âge de la retraite différent selon le sexe. C’est également dans cette région que les femmes sont les moins bien protégées contre les violences : plus d’un tiers des économies obtiennent un score de 0 pour cet indicateur. En outre, il n’existe aucune législation sur le harcèlement sexuel au travail dans 70 % des économies de la région. Les scores moyens régionaux sont les plus faibles pour quatre des indicateurs.

En Asie du Sud, quatre réformes ont été mises en œuvre ces deux dernières années. Les réformes marquantes ont été adoptées par l’Afghanistan, où le harcèlement sexuel dans le milieu du travail et dans l’éducation est désormais interdit et où des sanctions pénales et des recours en matière civile sont dorénavant prévus pour lutter contre les cas de harcèlement sexuel au travail. En Inde, le congé de maternité rémunéré a été allongé de 84 à 182 jours, mais, étant donné que ce sont les employeurs qui financent intégralement ce dispositif, l’emploi des femmes en âge de procréer risque d’en pâtir. Le Bangladesh a introduit de nouvelles restrictions quant au type de travail que les femmes peuvent accomplir (interdiction de porter ou de soulever des charges lourdes). Avec une moyenne de 39, l’Asie du Sud est la région du monde qui obtient le plus faible score pour l’emploi des femmes. En outre, il s’agit de la région qui affiche les résultats les plus faibles pour l’accès au crédit, avec une note moyenne de 9 seulement. En revanche, les huit économies d’Asie du Sud offrent aux femmes une bonne protection contre la violence, avec un score moyen de 85, qui surpasse même celui des économies de l’OCDE à revenu élevé (75). Toutes les économies d’Asie du Sud disposent aujourd’hui de lois interdisant le harcèlement sexuel au travail.

L’Afrique subsaharienne compte quatre des cinq économies du monde qui ont introduit le plus de réformes au cours des deux dernières années. Avec 13 réformes adoptées par le Kenya, la République démocratique du Congo, la Tanzanie et la Zambie, cette région compte un total de 34 réformes à son actif. Près d’un tiers de ces réformes concernent l’accès au crédit, un point faible dans le monde entier, y compris dans les économies de l’OCDE à revenu élevé. Avec un score moyen de 19, l’Afrique subsaharienne fait jeu égal avec la région Asie de l’Est et Pacifique en matière d’accès au crédit. Elle a aussi mis en œuvre près de la moitié des 13 réformes adoptées dans le monde pour protéger les femmes contre la violence. En revanche, sur les 45 économies du monde qui n’ont aucune législation sanctionnant les violences conjugales, 19 se trouvent en Afrique subsaharienne, d’où une moyenne régionale de 46 pour cet indicateur. La région affiche de bons résultats pour l’accès aux institutions, avec un score moyen de 87. Sur les 47 économies couvertes par le rapport, 20 ont obtenu le score de 100, et aucune le score de 0. La jouissance de la propriété est un autre point fort dans cette région, avec une moyenne de 76 et la note maximale de 100 pour 16 économies.

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