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Afrique de l'Ouest: Le nouveau défi : Réaliser les bénéfices de la paix



  • 19 mars 2004. Après avoir souffert pendant 4 ans des effets dévastateurs du conflit et de la mauvaise gouvernance, les 245 millions d'habitants de l'Afrique de l'Ouest peuvent commencer à espérer que l'avenir sera plus prospère.

    Avec le retour de la démocratie au Nigeria, un accord de paix encore fragile au Libéria et un processus de réconciliation en cours en Côte d'Ivoire, un regain d'optimisme balaie la région qui a vu l'effritement de ses conditions de vie au cours d'années de conflits.

    Il faut donner à la région le maximum de chances de tirer parti de cette stabilité nouvellement retrouvée. Cette préoccupation est au cœur même de l'agenda de discussions des leaders africains qui se sont réunis le week-end dernier au Ghana pour le sommet de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).

    La CEDEAO a joué un rôle important dans la résolution de certaines des crises politiques, notamment dans des pays comme le Libéria et la Sierra Léone. C'est vers elle que se tournent aujourd'hui les espoirs d'une plus grande intégration dans la région, encouragés par des initiatives prises par le Nouveau partenariat pour le développement africain (http://www.nepadforum.com/v2/index.php).

    Les leaders de la CEDEAO discutent à l'heure actuelle l'établissement d'une zone de libre échange et l'élimination des barrages routiers qui taxent lourdement et ralentissent le commerce sur l'axe très fréquenté Abidjan-Lagos.

    Le Chef économiste pour la région Afrique de la Banque mondiale, Monsieur Alan Gelb, souligne que l'existence d'une zone de libre échange ne pourra qu'aider au développement de la région. Les pays forment en effet « un ensemble de petites économies fortement enclavées », dont le développement requiert un espace économique plus large.

    Il ajoute que les coûts énergétiques sont également très élevés en Afrique de l'Ouest, de sorte que « des mécanismes coopératifs de mise en commun de l'énergie, dans le cadre d'un programme d'intégration économique, pourraient avoir un effet très important ».

    Le Nigeria est un autre facteur essentiel pour l'avenir de la région, vu que la moitié des habitants de l'Afrique de l'Ouest y vivent.

    Le Président de la Banque mondiale, Monsieur James Wolfensohn, qui vient de faire une visite officielle dans ce pays, a exprimé sa confiance dans le programme préparé par le Gouvernement pour le développement économique et la réforme. Il a annoncé que la Banque se tenait prête à investir jusqu'à un milliard de dollars au cours des deux prochaines années pour appuyer cet effort.

    En s'adressant aux hautes personnalités des pouvoirs publics et de l'Assemblée nationale, Monsieur Wolfensohn a félicité l'équipe économique du Gouvernement nigérian pour sa récente Stratégie nationale d'indépendance économique et de développement, connue sous son acronyme anglais NEEDS.

    Cette stratégie a parmi ses objectifs essentiels une croissance économique de 7% à l'horizon 2007, une augmentation de l'alphabétisation des adultes de 57% à 65%, une diminution de moitié des taux de prévalence du VIH et un accès accru à l'eau potable et salubre. Sa mise en oeuvre va exiger une gestion plus rigoureuse et plus transparente des ressources publiques. Le gouvernement a déjà pris des mesures importantes à cet effet.

    Le Président de la Banque mondiale a également souligné l'importance de la réussite de ce programme, non seulement pour le Nigeria, mais également pour l'Afrique tout entière, vu qu'un africain sur cinq vit au Nigeria

    « Si le Nigeria réussit, comme je m'y attends et comme je l'espère, le sort de l'Afrique sera changé, » a-t-il ajouté.

    Monsieur Wolfensohn a également souligné l'importance pour le gouvernement de faire preuve de détermination en s'attaquant à la corruption. « La corruption est le cancer du pays, » a-t-il dit aux ministres et aux leaders de l'Assemblée nationale. « Vous pouvez prétendre vivre avec le cancer, mais en fin de compte, il vous tuera ».

    Les défis que doit relever le nouveau régime nigérian sont énormes. Le pays a en effet la réputation d'être le deuxième pays le plus corrompu de la planète par le mouvement Transparence internationale, une association de surveillance de la corruption au niveau international.

    Plus de 80 millions de nigérians vivent dans la pauvreté. Les taux de mortalité infantile et maternelle du pays sont parmi les plus élevés d'Afrique et plus d'un tiers de ses habitants n'ont pas accès à de l'eau salubre.

    Les défis actuels
    Les défis que doit relever le Nigeria sont semblables à ceux qu'on retrouve dans tous les autres pays de la région de l'Afrique de l'Ouest : Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Mali, Niger, Sénégal, Sierra Léone et Togo.

    Deux problèmes en particulier handicapent l'Afrique de l'Ouest : la région est très fragmentée sur le plan géographique et économique, et elle n'a pas la réputation d'être favorable à l'investissement.

    Elle a été dévastée par des années de conflits. Les troubles qu'ont connu le Libéria et la Sierra Léone se sont étendus à d'autres pays tels la Guinée et la Côte d'Ivoire.

    Les troubles de Côte d'Ivoire, en particulier, ont été lourds de conséquences pour la région : ses facilités portuaires sont en effet essentielles aux exportations et importations des 6 pays de l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'Ouest (UEMOA) qui ont vu leur croissance moyenne tombée de 3,7% à 1,2% en 2003.

    Rien que pour 1999, on estimait à 800 millions de dollars les montants détournés du développement pour alimenter les conflits.

    L'Afrique de l'Ouest a pris beaucoup de retard dans la réalisation de ses Objectifs de développement du millénaire. La croissance économique a avoisiné 2,5% en moyenne au cours des 3 dernières années, et plus de la moitié de la population de la région vit dans une misère affreuse. L'espérance de vie est de moins de 50 ans et plus de la moitié de la population de la région ne peuvent ni lire, ni écrire.

    Un équilibre fragile
    L'intégration commerciale, l'infrastructure, la paix et la sécurité sont au centre des priorités régionales. Utiliser la paix encore fragile qui règne aujourd'hui pour renforcer l'intégration économique pourrait avoir des répercussions importantes sur la croissance. Une zone économique plus large et plus ouverte peut en effet produire des économies d'échelle, améliorer la concurrence, attirer les investissements et finalement étouffer l'émergence de nouveaux conflits.

    La Banque encourage le développement d'un marché commun de la CEDEAO, et en particulier la création d'une zone de libre échange. (Elle vient d'approuver récemment un financement de 400 millions de dollars EU pour aider l'UEMOA à développer et à intégrer ses infrastructures et marchés financiers).

    Ses initiatives dans la région sont multiples, comprenant notamment l'étude de nouveaux instruments pour permettre une allocation régionale de ses financements, la préparation de projets d'appui à la démobilisation, au désarmement et à la réintégration dans plusieurs pays, et le financement de grands projets d'infrastructures.

    Source: Banque Mondiale
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