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Lettre des Aires Protégées d'Afrique - Juillet 2015



  • Le numéro 88 de la lettre NAPA poursuit et termine notre série sur la gouvernance des aires protégées en Afrique : cette fois-ci, ce sont des exemples illustrant la gouvernance partagée qui sont présentés. C’est un sujet très important et cette NAPA mérite vraiment toute votre attention. La lettre propose aussi diverses lectures et offres d’emploi…

    Le numéro 88 de la lettre NAPA

    Edito : Geoffroy MAUVAIS Coordinateur du Papaco

    Pendjari – la preuve par l’échec

    Le parc national de la Pendjari est une sorte de célébrité locale en Afrique de l’Ouest. Non que ce soit le plus grand, ni le plus beau des parcs du coin. Ce n’est pas non plus le plus riche en biodiversité et ce n’est pas non plus le plus visité de la sous-région. Mais, au fil du temps, c’est un parc  qui  a  acquis  une  certaine  réputation  de sérieux et de réussite en matière de conservation.

    Cela ne s’est pas produit par hasard : appuyé de façon continue et durable par la coopération allemande, l’Etat béninois a su créer là les conditions nécessaires pour une gouvernance réussie. Notamment en instaurant progressivement de bonnes relations avec ses voisins, que ce soient les concessionnaires privés des zones de chasse alentours ou, de façon encore plus déterminante, en aidant la structuration des communautés riveraines pour qu’elles contribuent et bénéficient des retombées du parc (les fameuses associations villageoises de gestion des ressources fauniques, AVIGREF).

    Le  parc  a  ainsi  su  passer  d’une  gestion monolithique  par  l’Etat  à  une  gouvernance partagée  entre  plusieurs  acteurs,  condition préalable à toute forme de succès durable. Voilà des années qu’on le dit et qu’on le répète, et voilà des années que les archaïsmes de systèmes nationaux à bout de souffle, et ceux qui les incarnent, contrecarrent cette évolution. Il est tellement plus reposant de (mal) gérer tout seul...
     
    Le parc a eu son âge d’or. Petit à petit, la confiance s’est installée entre les hommes. Les intérêts de chacun et de tous ont été pris en compte, discutés, revisités, parfois compromis mais tout cela a débouché   sur   un   système   efficace   dont   les premiers   effets   ont   été   le   redressement  des effectifs  de  faune.  L’on  croyait  cela  solide  et durable et on avait, en théorie, raison. A plus d’une occasion, j’ai pris ce parc en modèle pour l’Afrique de l’Ouest où les exemples d’une gouvernance à trois ou plus sont si rares !

    Et puis les hommes ont changé (c’est toujours nécessaire après un certain temps n’est-ce pas ?). Et  le  système  en  place  s’est  grippé,  les  vieux conflits  d’acteurs  ont  resurgi,  les  intérêts particuliers ont supplanté l’intérêt de tous ; le parc n’était plus un bien commun mais une proie pour chacun,  et  une  proie,  cela  ne  se  partage  pas. Quelle qu’en soit la raison, et chacun avait la sienne, le dialogue s’est arrêté et on est revenu à l’affrontement habituel entre ceux chargés de la protection et ceux supposés convoiter le parc, sans trop savoir d’ailleurs qui appartient réellement à quelle catégorie. L’affaire a dépassé les frontières du  Bénin  et  a  fait  le  tour  de  la  blogosphère, suscitant des milliers de signatures dans une pétition mondialisée…

    C’était, pour tous les détracteurs de nos efforts sur la gouvernance, la démonstration par l’exemple : même partagée, la gouvernance ne peut rien pour un parc et la seule bonne recette qui marche encore, c’est bien l’AK-47 et le dialogue imposé au fusil !

    Je ne crois pas : ce que cet exemple démontre, c’est  tout  l’inverse.  Quand  la  gouvernance  est bonne (et elle le fût), ça marche. Premier acquis. Pour  que  la  bonne  gouvernance  dure,  il  faut simplement passer des hommes aux structures, c’est-à-dire consolider le processus pour qu’il ne soit plus simplement une affaire de quelques bonnes volontés, mais deviennent la philosophie, la raison d’être de tous. Le parc de la Pendjari a été victime de son succès, et abandonné trop tôt à son sort, avant qu’un système solide de gouvernance ne soit vraiment institutionnalisé… cela ne remet pas en cause la nécessité de travailler sur la gouvernance, simplement la façon de le faire.

    Ce n’est pas pour rien que notre feuille de route pour les aires protégées d’Afrique associe gouvernance et durabilité car elles sont intrinsèquement liées. Nous avons besoin d’une gouvernance construite, solide, représentative, transparente, éthique, responsable, légitime etc. mais avant tout bâtie sur le long terme… et les moyens techniques, l’argent, les politiciens, les militaires n’y feront rien tout seuls. C’est aussi pourquoi nous avons publié dans les NAPA, depuis mars, les analyses et les études de cas conduites sur la gouvernance, globale, étatique, privée ou encore  partagée,  dans  la  présente  édition,  des aires protégées du continent. On le dit et on le répète,  et  on  le  répètera  encore :  changer  la gouvernance des aires protégées en Afrique est inévitable si l’on veut enfin réussir… mais encore faut-il le faire bien.

    Cette étude sur la gouvernance partagée nous donnera certainement matière à réfléchir...

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