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Journée continue au primaire, un souffrance supplémentaire pour les enfants



  • « Il m’arrive à certains moments de me demander si vraiment les autorités de notre pays sont imprégnés des réalités du pays lorsque je me retrouve face à ces décisions prises concernant l’application de la journée continue au sein des écoles primaires, en cette période de canicule, elle qui sont dans un environnement entièrement climatisé, du domicile au véhicule jusqu’au bureau, elles baignent dans un climat de 20°C. Cette journée continue, on en veut pas ». Ce sont là les propos d’un enseignant que nous avons nommé abusivement Pierre car ayant requis l’anonymat.
    Cette autre enseignante en stage de formation sur le même sujet nous dit : « Moi je trouve que c’est bien de pouvoir arriver à la maison pendant qu’il fait jour, et de satisfaire tôt aux besoins de ma famille. Je trouve qu’on peut mieux faire en réduisant la pause d’une heure. Ainsi on pourrait descendre à partir de 15 heures au lieu de 16 heures. »
    C’est dire que l’application de la journée continue dans les établissements d’enseignement primaires est diversement appréciée par les acteurs du système. En rappel, par arrêté conjoint no 2015-0004/MENA/MFPTSS du 11 janvier 2016, une journée continue a été instituée dans l’administration scolaire à l’instar de cette de l’administration publique dure depuis la mi- octobre 2015.
    Les nouveaux horaires vont de 7h30 à 16h avec une première pause de 30 mn de 10h à 10h30, et une autre de deux heures allant de 12h00 à 14h.
    En décidant d’instaurer cette mesure de journée continue dans les écoles du préscolaire et du primaire, la motivation de l’Etat a été de façon claire, celle d’adapter les horaires scolaires aménagements consenti aux autres travailleurs de l’Administration publique. Malheureusement, il s’est simplement rendu auteur d’une atteinte grave au principe de la satisfaction de l’intérêt général, en créant une confusion entre le moyen de mise en œuvre du service public (les agents publics) et l’objet de l’intérêt général (l’enfance) vers qui doit être destinée cette éducation pour construire l’avenir du pays.
    Et comme le disait Ousmane DJIGUEMDÉ dans sa publication du mercredi 13 avril 2016 du lefaso.net, « Dans le cadre de l’enseignement de base, ce service public spécifique consiste, dans sa fonction, à garantir, conformément à l’engagement de l’État, à tout enfant de 6 à 16 ans, le droit d’être éduqué selon les normes et standards internationalement admis. Il se soulève ici une question de droit qui exige de clarifier, dans un contexte conflictuel d’intérêts, ce qu’il convient de concevoir comme intérêt général, dans le cadre de l’accomplissement d’un service public administratif (celui de l’éducation) aussi inconfortable à déterminer par un gestionnaire public stratégique. À défaut de pouvoir concilier deux logiques, dans la recherche de la satisfaction de l’intérêt général, au sens de celui des bénéficiaires et l’intérêt général au sens des acteurs chargés de sa mise en œuvre, l’État a simplement voulu faire des économies sur le dos des enfants, sans tenir compte des préjudices qu’ils sont susceptibles de subir. Du coup, il a rendu la mise en œuvre de cette disposition assez problématique dans un État de droit véritable. En effet, la garantie de continuité du service public exige des dispositions qui excluent toute discontinuité gênante ou pénalisante pour le bénéficiaire du service public. »
    En outre, nous rappelons que l’une des conditions de l’instauration de cette journée continue était la création des cantines dans les différentes établissements afin d’éviter les scènes déplorables qui se rencontrent de nos jours : des enfants, sous une canicule de plus de 40°C rejoignent le domicile pour juste le temps de prendre le repas.

    En d’autres termes, on peut dire que l’Etat a manqué ici de discernement pour comprendre que l’intérêt général doit être exclusivement rattaché à l’intérêt général ayant suscité la création du service public de l’éducation, c’est-à-dire l’intérêt général plus pragmatique de l’enfant, au lieu de le lier à l’intérêt des acteurs de sa mise en œuvre.
    Il est nécessaire d’approfondir la réflexion, et en tout état de cause, l’intérêt de l’enfant doit être au centre de des réflexions et les décisions se feront au bénéfice de l’enfant.

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