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Statoil : une compagnie pétrolière verte?



  • Par Alix Ruhlmann, étudiante à la maîtrise en gestion de l’environnement à l’Université de Sherbrooke et ex-administratrice de la coopérative de vélo La Déraille

    Demandez à bon nombre de Québécois ce qu’ils pensent de la Norvège et de la Scandinavie en général et c’est bien souvent une impression positive qui se dégagera de leur réponse : systèmes d’éducation et de santé gratuits et d’excellente qualité, pays « vert » où le vélo est roi… Il y a donc des risques que la découverte du fait que la Norvège soit un important extracteur et exportateur de pétrole vienne ternir ce portrait et déçoive les écolos-amateurs-de-métal-norvégien.

    Pourtant, la principale compagnie norvégienne, Statoil, dont 67% appartiennent à l’État norvégien, ne se contente pas d’exploiter sans scrupule les ressources du pays. (Statoil, 2016) En effet, elle met régulièrement en place de nouvelles initiatives pour faire sa part dans la lutte contre les changements climatiques en dépit de ses activités principales qui sembleraient pourtant laisser craindre le pire.

    Captation du carbone et énergies vertes

    Ainsi, depuis quelques années, Statoil investit dans des domaines comme la captation du carbone (CCS), l’énergie éolienne maritime et terrestre ainsi que dans le développement de nouvelles technologies d’énergie renouvelable. (Statoil, 2017) La captation du carbone est un concept qui vise à récupérer le CO2 directement dans l’atmosphère ou à l’intercepter moment de son rejet avant d’aller l’enfouir sous terre ou dans les mers. D’ailleurs, Statoil mène présentement des études de faisabilité relative à l’enfouissement de carbone dans la croute continentale norvégienne. Tout le concept derrière cette technologie de capture est aujourd’hui fortement critiqué à cause du fait qu’elle ne remet pas en question les modes de production ni les modes de vie actuels. De fait, capter le CO2 présent dans l’atmosphère est une solution limitée qui ne pourra pas être perpétuée à tout jamais étant donnée la limite des puits de carbone sur Terre. En conséquence, une telle solution se doit de n’être que temporaire étant donné qu’elle ne fait que reporter à plus tard les transformations radicales qui devront un jour ou l’autre affecter les sociétés. Malgré tout, une telle captation n’est pas inutile en soi, car elle permet de réduire dès à présent la quantité de GES émis ou présents dans l’atmosphère telle que le recommandait le rapport de la dernière COP, à Marrakech. (COP 22, 2016a)

    Le financement et le développement d’énergie verte qui font également partie des activités de Statoil répondent également aux objectifs de Marrakech dont les conclusions recommandaient entre autres aux pays de « s’engager dans l’économie bas carbone ». (COP 22, 2016b) En septembre dernier, l’entreprise a posé les derniers câbles nécessaires pour la connexion d’un parc d’hydroliennes au réseau écossais (4Coffshore, 2017). Bien qu’il soit vrai que la « simple » production d’électricité basse en carbone ne suffise pas pour atteindre un tel objectif, il s’agit certainement d’une étape nécessaire. Sans faire directement sortir le pétrole des habitudes de vie des gens, la production d’électricité « verte » et son exportation devraient aider l’Europe à réduire la proportion d’électricité d’origine fossile sur laquelle repose son économie. De fait, il est intéressant de noter qu’en 2016, la Norvège tirait déjà 97% de son électricité de l’hydro-électricité, tandis qu’en 2014, encore 46% de l’électricité produite par les pays membres du European Network of Transmission System Operators for Electricity (ENTSO-E) étaient d’origine fossile (US-EAI, 2016 ; ENTSO-E, 2015).

    Des actes suffisants ?

    Il faut se rendre à l’évidence, Statoil est donc une compagnie qui pose des gestes concrets visant la lutte contre les changements climatiques. Malgré tout, les plus radicaux soulèveront sans aucun doute le point suivant : est-ce que le geste le plus efficace pour lutter contre les changements climatiques de la part d’une compagnie pétrolière ne serait-il pas simplement de fermer ses portes et de laisser le pétrole dans le sol ? Certes, cette solution pourrait apparaitre comme la plus sage. Cependant, lorsque l’on réalise à quel point Statoil contribue aux revenus étatiques norvégiens, la situation prend une tout autre complexité ; la fermeture de l’entreprise semble tout de suite plus compliquée. Marrakech soulevait d’ailleurs le fait que la lutte contre les changements climatiques passait en grande partie par la lutte contre pauvreté. Et en effet, les revenus de Statoil ont permis à la Norvège de mettre en place d’excellents programmes sociaux et environnementaux grâce au Fonds souverain norvégien et de prendre la place importante qu’elle occupe actuellement en Europe.

    À long terme, il est certain que l’idée de laisser les réserves de pétrole dans le sol fera partie de la solution finale. Mais dans les circonstances et les conditions actuelles, dans un monde où l’Homme est prioritaire face au bien-être de la planète, les actions mises en place par Statoil sont certainement utiles et permettent de balancer en partie les conséquences de l’extraction de pétrole. De plus, elles font assurément partie des options les plus réalistes dans le contexte actuel dans l’optique de la lutte contre les changements climatiques… Bien que certains n’auront de cesse de rappeler qu’on ne peut oublier que ces belles actions sont financées par l’argent « sale » de l’industrie pétrolière...

    Bibliographie

    4Coffshore. 2017. « Events on Hywind Scotland Pilot Park », [en ligne] http://www.4coffshore.com/windfarms/project-dates-for-hywind-scotland-pilot-park-uk76.html

    COP 22. 2016a. « Marrakech Action Proclamation for our Climate and Sustainable Development », [en ligne] http://cop22.ma/wp-content/uploads/2016/11/MARRAKECH-ACTION-PROCLAMATION-FRENCH-VERSION.pdf (page consultée le 17 septembre 2017), p.1.

    COP 22. 2016b. « Les enjeux de la COP », [en ligne] http://cop22.ma/fr/#whatscop/post/165 (page consultée le 17 septembre 2017).

    ENTSO-E. 2015. « Electricity in Europe 2015 : Synthetic overview of electric system consumption, generation and exchange in the ENTSO-E Area», [en ligne], https://www.entsoe.eu/Documents/Publications/Statistics/electricity_in_europe/entsoe_electricity_in_europe_2015_web.pdf (page consultée le 17 septembre 2017).

    Statoil. 2016. « Our Shareholders », [en ligne] https://www.statoil.com/en/investors/our-dividend/our-shareholders.html (page consultée le 17 septembre 2017).

    Statoil. 2017. « New energy solutions », [en ligne] https://www.statoil.com/en/what-we-do/new-energy-solutions.html (page consultée le 17 septembre 2017).

    US Energy Information Administration. 2016. « Country Analysis Brief: Norway», [en ligne] https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-pt-vue/norway.pdf (page consultée le 17 septembre 2017).

    À propos de l'initiative jeunesse

    L'initiative jeunesse de lutte contre les changements climatiques a pour objectif de sensibiliser les jeunes francophones aux changements climatiques. Elle permet également de faire connaître les actions et l’engagement de la jeunesse francophone pour lutter contre les changements climatiques sous la forme d’une série d’articles publiés et relayés sur le portail Médiaterre de même que dans les réseaux sociaux.

    Ce projet est mené par ENvironnement JEUnesse en collaboration avec l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD), organe subsidiaire de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Pour en savoir plus, veuillez consulter la page dédiée au projet sur le site web d'ENvironnement JEUnesse.

    [IJLCC]

     

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