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Europe de l'Est : la peste porcine africaine soulève une inquiétude grandissante



  • L’Europe de l’Est ressemble de plus en plus à un cheval de Troie de la peste porcine africaine, importée de Chine où elle fait des ravages. La Roumanie et la Bulgarie multiplient les cas de contamination, la Hongrie se barricade. De nombreuses questions restent en suspens.

    Les médias français font encore la fine bouche, mais la presse internationale fait déjà ses Unes sur l’évolution du marché de la viande porcine : ces huit derniers mois, le prix au kilo s’est envolé, les pays de l’Asie du sud-est se sont lancés dans une politique d’abattage des cheptels contaminés par la peste africaine. Depuis des semaines, des cas de contamination sont recensés un peu partout en Europe. Et cela commence à prendre de vraies proportions sur le flanc est de l’Union. La contamination peut se faire par contact éventuel entre des aliments animaliers exportés de Chine et du matériel industriel où une contamination aurait eu lieu. Les dysfonctionnements sur la traçabilité sont légion, entre la Chine et certains pays de l’Union européenne. A Bruxelles, la commission semble dépassée ; entre Sofia et Bucarest, c’est la crise. 

    Roumanie vs. Bulgarie, à qui la faute ?

    Le 5 août dernier, les autorités bulgares ont accusé directement des touristes roumains d’être les vecteurs de contamination de la peste porcine africaine, appelée en anglais African Swine Fever (ASF). Bucarest s’est dit outré des accusations, Sofia campe sur ses positions. Le Premier ministre bulgare, Boyko Borissov a même insisté sur la volonté délibérée « d’aider à propager la maladie ». La querelle est sérieuse. « Chaque jour, 57000 voitures traversent la Roumanie pour se rendre en Bulgarie, avance le Premier ministre. Je suis sûr que les touristes roumains ont apporté la maladie porcine. Ils mangent sur le bord de la route et jettent les restes de nourriture, ce qui aide à propager le virus. Nous ne pouvons rien faire contre cela. »

    La Bulgarie est confrontée à une situation sanitaire difficile : ces deux dernières semaines, elle a procédé à l’abattage de 130000 porcs. La Roumanie, quant à elle, a identifié plus de trois cents foyers de contamination en juillet 2019. Mis à part les contaminations techniques à cause du matériel ou des compléments alimentaires made in China, le virus se propage grâce aux sangliers sauvages qui traversent le Danube en nageant. A Sofia, le gouvernement dit avoir « mis toutes les mesures possibles pour contrôler la propagation de la peste porcine africaine, conformément au Code terrestre de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et à la loi sur la santé de la CE de 2016 ». Les contrôles frontaliers ont été renforcés, des tracts d’informations sont généreusement distribués, les autorités « recommandent aux voyageurs de ne pas transporter de grandes quantités de produits alimentaires à base de porc ». Selon les scientifiques, le virus de la peste porcine peut survivre plusieurs mois dans la viande fraîche ou transformée. Ce qui, évidemment, constitue un risque de transmission accru d’autant que l’un des vecteurs de propagation principaux reste la nourriture donnée aux porcs, constituée de restes de nourriture non cuits et contaminés.

    La Hongrie, rien à signaler (jusqu’à présent)

    La Hongrie voisine regarde le psychodrame entre la Roumanie et la Bulgarie avec beaucoup d’intérêt. Pour l’instant, elle se dit préservée, aucun cas de contamination n’ayant été révélé jusqu’à présent (au 5 août 2019). Les Hongrois ont choisi de travailler directement avec les autorités chinoises pour contrôler les exportations. Les officiels hongrois sont donc sur le terrain, en Chine. « La population de porcs domestiques n’est pas touchée par la fièvre africaine », a assuré, le lundi 5 août, Lajos Bognar, vétérinaire en chef à l’ambassade de Hongrie. En Asie, ce sont les sangliers sauvages – venus de Russie – qui ont été pointé du doigt pour la contamination, les Hongrois craignent que le scénario se répète en Europe de l’Est, comme cela a dû être le cas entre la Roumanie et la Bulgarie. Le risque de propagation en Hongrie est donc élevé.

    Des mesures viennent d’entre en vigueur : les chasseurs hongrois sont obligés de brûler les carcasses de sangliers morts et de tuer les animaux ayant les symptômes de la peste africaine. Les autorités hongroises, par la voix de Lajos Bognar, demandent aux éleveurs de faire particulièrement attention au nettoyage et à la désinfection du fourrage et de la paille à litière, et aux contrôles systématiques en cas de transport de bétail, au point de départ et au point d’arrivée. Les contrôleurs vétérinaires hongrois sont sur les dents.

    L’accusé principal – le sanglier sauvage – est également pris très au sérieux par les autorités sanitaires françaises et luxembourgeoises : la Belgique voisine serait un foyer de contamination. Français et Luxembourgeois ont commencé l’édification de clôtures le long de leur frontière avec la Belgique.

    Mais rien ne dit si se barricader derrière des clôtures sera suffisant pour protéger les élevages européens d’une catastrophe annoncée. Car si l’Union Européenne a effectivement renforcé les mesures de contrôle des importations d’animaux et de produits animaux et germinaux en provenance de Chine, de nombreux pays à travers le monde pays s’alarment désormais du risque de contagion via l’alimentation animale et certains équipements agricoles. L’Agence Canadienne d’Inspection des Aliments, dans une note d’information aux importateurs, explique ainsi que la peste porcine africaine « peut être transmise par des aliments ou des ingrédients pour aliments pour animaux importés d'autres pays où la maladie est présente. » Et de préconiser, dans ses consignes de biosécurité à destination des élevages : « Assurez-vous de bien choisir vos sources d’approvisionnement en animaux, en aliments pour animaux et leurs ingrédients, et tout produit qui entre en contact avec vos porcs. »

    En décembre dernier, Reuters rapportait en effet que des poudres de protéines destinés à l’alimentation animale et fabriquées dans une usine de Tianjin, en Chine, étaient contaminées par le virus. Reste donc à savoir où finiront ces excédents de stock de produits de nutrition animale, puisque dans certaines provinces les pertes de cheptel s’élèvent à… 80%.

     

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