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La situation des femmes, des filles et des communautés progressera grâce à l'éducation



  • D’après un rapport publié en mai 2014 par la Banque mondiale, les filles les moins instruites sont beaucoup plus susceptibles d’être victimes de violences ou d’être mariées encore enfants

    Lorsque les filles sont peu ou pas instruites, elles risquent bien davantage d’être mariées alors qu’elles ne sont encore que des enfants, de subir des violences domestiques, de vivre dans la pauvreté et de ne pas avoir leur mot à dire sur les dépenses du ménage ou sur leurs propres soins de santé, ce qui leur nuit, bien sûr, mais nuit aussi à leurs enfants et à la communauté, constate un nouveau rapport du Groupe de la Banque mondiale.

    La proportion de femmes dans le monde qui sont mariées alors qu’elles ne sont encore que des enfants, n’ont aucune maîtrise sur les ressources du ménage et admettent les violences conjugales atteint environ 65 % chez celles qui ont fréquenté, au mieux, l’école primaire, contre 5 % chez les femmes ayant achevé un cursus d’enseignement secondaire, souligne le rapport Voice and Agency: Empowering Women and Girls for Shared Prosperity.

    Cet ouvrage plaide, dans la perspective d’une prospérité partagée, pour la nécessité de garantir aux femmes et aux filles la capacité d’agir et de se faire entendre. S’appuyant sur d’abondantes données et sur des centaines d’études, il apporte un nouvel éclairage sur les problèmes auxquels se heurtent les femmes et les filles à travers le monde : des violences dont elles sont victimes et qui atteignent des proportions faramineuses aux lois et normes sociales non équitables qui les empêchent de devenir propriétaires, de travailler ou de prendre des décisions concernant leur propre vie.

    Selon ce rapport, dans 18 des 20 pays affichant la plus forte prévalence de mariages d’enfants, ce type d’union concernait jusqu’à six fois plus les filles non instruites que celles ayant fait des études secondaires. Parallèlement, dans les pays en développement, près d’une jeune fille sur cinq tombe enceinte avant l’âge de 18 ans ; or, dans le monde en développement, la majorité des décès de jeunes filles entre 15 et 19 ans sont liés à la grossesse : c’est la cause de près de 70 000 morts chaque année.

    « Les difficultés et privations persistantes qui empêchent nombre de femmes de réaliser leur plein potentiel ont des conséquences colossales pour les individus, les familles, les communautés et les pays, rappelle Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale. Il est essentiel de renforcer la capacité des femmes à prendre des décisions et à exploiter les opportunités qui s’offrent à elles pour qu’elles puissent avoir une vie meilleure et pour rendre meilleur le monde que nous partageons. »

    « Si l’on veut mettre fin à l’extrême pauvreté et faire en sorte que la prospérité soit partagée par tous, il faut absolument la participation entière et égale des femmes et des hommes, des filles et des garçons, sur toute la planète », souligne-t-il.

    Malgré des avancées récentes sur des aspects importants de la vie des filles et des femmes, celles-ci continuent de faire face à de grandes difficultés, qui découlent fréquemment de privations et d’entraves généralisées. Souvent, les droits les plus élémentaires des femmes sont bafoués et ces problèmes sont amplifiés et démultipliés par la pauvreté et le manque d’instruction.

    Dans toutes les régions, les femmes plus instruites ont tendance à se marier plus tard et à avoir moins d’enfants. « Une explication essentielle du retard de croissance moins fréquent chez les enfants de femmes plus instruites tient à la plus grande capacité d’agir de ces femmes — on entend par là leur aptitude à prendre des décisions et à agir en conséquence. En effet, les mères qui ont fait davantage d’études disposent de plus d’autonomie pour prendre des décisions et ont davantage de pouvoir pour agir pour le bien-être de leur enfant », observe Jeni Klugman, directrice en charge des questions de genre et de développement au sein du Groupe de la Banque mondiale.

    En Éthiopie, par exemple, les enfants d’un an dont la mère a été à l’école primaire et s’est rendue à des consultations prénatales ont 39 % moins de risques de souffrir d’un retard de croissance. Au Viet Nam, ce risque est 67 % moindre pour les nourrissons dont la mère a suivi un enseignement secondaire du premier cycle.

    Voice and Agency, qui s’appuie sur le Rapport sur le développement dans le monde 2012, détaille plusieurs axes qui sont cruciaux pour conférer davantage de pouvoir aux femmes : lutte contre la violence, maîtrise de leurs droits et de leur santé sexuels et génésiques, propriété de la terre et du logement et contrôle des biens fonciers et immobiliers, ainsi que capacité de se faire entendre et action collective. Il explore le poids des normes sociales, qui dictent ce que les hommes et les femmes peuvent ou ne peuvent pas faire, dissuadant les femmes, par exemple, de posséder un bien foncier ou de travailler, même quand la loi les y autorise, sous peine de se voir exclues.

    Dans 128 pays, les lois ne traitent pas de la même manière les hommes et les femmes, de sorte qu’il est impossible pour une femme, par exemple, d’obtenir une carte d’identité sans la présence d’un homme, d’être propriétaire d’un bien foncier ou d’en disposer, d’avoir accès à un prêt ou d’obtenir un emploi.

    Faits marquants :

             La violence à l'encontre des femmes est un phénomène mondial, et dans la plupart des régions, aucun endroit n’est moins sûr pour une femme que son propre foyer : plus d’une femme sur trois subit des violences, perpétrées pour la grande majorité par leur époux ou leur petit ami. On parle ici de 700 millions de femmes, ce qui représente quasiment la population entière de l’Afrique subsaharienne.

             De plus en plus de filles achèvent un cursus scolaire et universitaire, mais le choix de métiers qui s’offre à elles reste limité par la législation et/ou par les normes sociales, qui dictent s’il est adéquat de travailler et quels emplois sont appropriés pour les femmes. Le manque à gagner sur le plan de la productivité et des revenus est énorme.

             Beaucoup de femmes voient leurs droits sexuels et génésiques bafoués. Les données issues de 33 pays en développement font apparaître que près d’un tiers des femmes ne peuvent pas refuser d’avoir des rapports sexuels avec leur partenaire — cette proportion atteignant 7 sur 10 chez les femmes nigérianes, maliennes et sénégalaises — et que plus de 41 % des femmes dans ces 33 pays affirment ne pas pouvoir demander à leur partenaire d’utiliser un préservatif.

             Chaque année, dans les pays en développement, près d’une fille de moins de 18 ans sur cinq accouche. C’est en Asie du Sud que se produisent près de la moitié des grossesses chez les moins de 20 ans dans le monde en développement. Et dans les pays en développement, la majorité des décès de jeunes filles de 15 à 19 ans sont liés à leur grossesse ; cela représente près de 70 000 morts par an. En Ouganda, le coût d’opportunité des grossesses adolescentes ramené sur la durée de vie totale de la mère, mesuré par le manque à gagner au niveau des revenus, se monte à 30 % du produit intérieur brut (PIB).

             Les femmes et les filles pâtissent d’inégalités marquées dans l’accès aux technologies de l’information et des communications (TIC), dans leur utilisation et dans la possession d’un équipement technologique. En Afrique subsaharienne, les femmes sont 32 millions moins nombreuses que les hommes à avoir accès à Internet. Ce différentiel s’élève à 25 millions en Asie du Sud, et à 18 millions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

             La pauvreté creuse les inégalités entre hommes et femmes. La probabilité de se marier jeune est presque deux fois plus grande pour les filles issues d’une famille pauvre que pour celles qui viennent d’un milieu plus aisé. La violence perpétrée par le conjoint est plus fréquente et plus extrême dans les ménages pauvres ; cela se vérifie dans des contextes aussi variés que l’Inde et le Nicaragua.

             Les groupes de défense des femmes et l’action collective jouent un rôle crucial pour donner l’impulsion à des réformes progressistes. La présence de puissants mouvements féminins s’accompagne de l’existence de politiques générales de lutte contre la violence faite aux femmes. Et lorsque davantage de femmes sont élues, la politique publique reflète mieux les priorités des familles et des femmes, d’où une plus grande réactivité face aux besoins des citoyens.

    Urgences et priorités

    Les responsables politiques et autres acteurs concernés doivent prendre ces problèmes à bras le corps, s’appuyer sur les données qui démontrent ce qui fonctionne et suivre de manière systématique les progrès sur le terrain. Il faut commencer par réformer les lois discriminatoires, puis mettre en place des politiques concertées et des actions publiques, notamment avec des approches multisectorielles qui mobilisent les hommes et les garçons et qui remettent en cause les normes sociales délétères.

    Si les opportunités offertes aux femmes et aux filles sont multipliées et qu’elles peuvent mieux faire entendre leur voix, ce ne sera pas un jeu à somme nulle. En effet, l’égalité hommes-femmes est porteuse d’importants dividendes de développement, dont bénéficieront à la fois les hommes et les garçons, les familles et les communautés. À l’inverse, si la capacité d’agir des femmes est restreinte par la limitation des emplois auxquels elles peuvent prétendre ou par l’acceptation des violences à leur encontre, les pertes économiques peuvent être énormes, et les efforts de développement entravés.

    Depuis longtemps, l’augmentation du taux de scolarisation et l’élimination des disparités entre les sexes dans l’enseignement figurent parmi les grands objectifs de développement. Aujourd’hui, il est crucial de permettre aux filles de fréquenter l’enseignement secondaire. Ce qui se passe à l’école est tout aussi vital : il faut que les filles comme les garçons quittent l’école en sachant lire, écrire et compter, mais aussi que le système scolaire, par les valeurs qu’il transmet, favorise l’égalité entre les sexes et protège les enfants contre la maltraitance.

    Les avancées sur le plan de la santé sexuelle et génésique nécessitent généralement des actions multisectorielles : l’accès à la contraception est capital, de même que la sensibilisation, la formation aux compétences nécessaires dans la vie courante, le mentorat et la formation par les pairs, et les clubs d’activité et le sport.

    Il est possible de renforcer les droits fonciers des femmes, l’un des socles de leur capacité d’agir, au moyen de réformes juridiques progressives et d’une amélioration de la gouvernance. L’obligation de titres de propriété conjoints pour les époux est utile, et il convient d’harmoniser les régimes statutaires, coutumiers et religieux, avec une exigence de consentement claire pour le transfert ou la vente de terres.

    Il faut disposer de données plus nombreuses et de meilleure qualité afin de mesurer les avancées et de demander des comptes aux pouvoirs publics et aux agences de développement, comme la Banque mondiale. Les indicateurs clés sur le genre, récemment définis à l’échelon international, forment une base précieuse, de même que les indicateurs statistiques et lignes directrices convenus pour mesurer la violence à l’encontre des femmes. Comme le montre le rapport, il est également nécessaire d’évaluer plus rigoureusement ce qui fonctionne, en particulier concernant la capacité d’expression collective, l’évolution des normes sociales et la conception des programmes.

     

    [FMFFeduc] 

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