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Le projet d'éducation au développement durable d'un homme fait la différence au Cameroun



  • « L’expérience a été douloureuse, mais j’ai dû en passer par là. » Voici Hilary Ewang Ngide, un étudiant de recherche en doctorat de 31 ans de l'université de Buéa, Chef du Centre pour la régénération et le développement des communautés (CCREAD), un des lauréats de l’édition 2016 du Prix UNESCO-Japon d’éducation en vue du développement durable.

    Hilary est né en 1986 à Ekanjoh-Bajoh, petit village dans la vaste forêt tropicale du Sud-Est du Cameroun. Ses parents étaient pauvres, « très pauvres » précise-t-il. Il travaillait à la ferme avec eux. Au moment des récoltes, il transportait sur sa tête des charges de plantains ou de cocoyam et il parcourait ainsi 20 kilomètres, pieds nus, pour aller à la ville de marché la plus proche de Bangem. « Je faisais tout ce chemin par des sentiers de brousse jusqu’à Bangem, pieds nus » dit-il. « C'était le seul moyen de gagner un peu d’argent pour que mes parents puissent acheter les fournitures scolaires de base et payer mes frais d’inscription. Je n’ai eu ma toute première paire de chaussures en cuir qu’au moment d'entrer à l'école secondaire. »

    Aujourd'hui, les épreuves rencontrées par Hilary dans son enfance laborieuse le rapprochent des jeunes qui connaissent une détresse similaire dans leur propre vie. Il utilise l’éducation au développement durable (EDD) pour procurer des capacités, de la concentration et de l’espoir aux jeunes socialement et économiquement défavorisés de son pays. 

    Une aide pour améliorer des vies dans sa communauté

    Hilary a entamé sa campagne d’acteur du changement en devenant bénévole en matière d’hygiène et d’assainissement dans sa communauté. À l'université, il a été bénévole pour des ONG. Galvanisé par ses expériences, Hilary a décidé en 2004 de créer sa propre plate-forme – CCREAD – pour aider à améliorer la vie des défavorisés, des « marginalisés » et des vulnérables. Soutenu par cette ambition, il a créé un contenu complet pour le programme EDD du Cameroun. Cela inclut l’EDD à l’école et dans les communautés ; l’éducation sexuelle et le planning familial ; l’éducation à l'environnement ; l’adaptation au changement climatique et la résilience ; l’entreprenariat ; le leadership et la bonne gouvernance, ainsi des formations à l’agriculture durable. « Grâce à ce programme complet, nous voulons sensibiliser autant de personnes, dans autant de secteurs, que possible ; donner une chance à tous les jeunes, dans tous les domaines de la vie » dit Hilary.

    Le succès du programme à ce jour est impressionnant, avec 39000 élèves dans 147 écoles, 260 enseignants et administrateurs et 3640 ménages. Hilary s’explique à propos de la « magie » qui se cache derrière un tel exploit obtenu avec si peu de moyens :

    « En tant qu’organisation, la mise en œuvre des projets ne dépend pas entièrement du financement. Nous donnons la priorité à l'énergie émanant des groupes bénéficiaires pour apporter un changement, avec ou sans appui externe. L'organisation joue plutôt un rôle de facilitateur du processus d’autonomisation des jeunes. Nos principaux acteurs sont donc les groupes de jeunes locaux, l'administration municipale, les chefs villageois traditionnels, les organisations partenaires locales et les partenaires internationaux qui apportent l’appui de base nécessaire au développement et à la consolidation de nos interventions. »

    L’approche qui consiste à positionner des jeunes comme principaux acteurs du processus de leur propre changement a « régénéré » et a transformé la vie de beaucoup, en profondeur et de façon durable. 

    Une formation qui transforme la vie des bénéficiaires

    L'histoire d'un couple de bénéficiaires atteste du pouvoir transformationnel du programme EDD au Cameroun. Njoh Ivy Grace, 28 ans, est titulaire d’un Master en Relations internationales de l'université de Séoul en Corée du Sud et son mari, Njoh Njih Keka, 31 ans, a un Master en Administration publique de l'université de Buea au Cameroun. D’après les normes locales, ils sont tous deux considérés comme ayant très bien réussi dans leurs études et ils pourraient travailler pour le gouvernement dans la capitale Yaoundé. Ils sont toutefois devenus agriculteurs, maraîchers pour être précis, afin de surmonter le défi du chômage. 

    Ivy Grace a été la première à recevoir l’appui du programme EDD. « À la fin de mes études universitaires, j'étais sans emploi et je n’avais plus de détermination, d’amour-propre et de dignité »  dit-elle. « On m’a parlé du CCREAD et j'ai décidé de suivre une série de formations EDD sur les pratiques agricoles durables. » Son mari Keka, également au chômage, n’était pas encore convaincu, mais il a toujours aimé l’agriculture. Après les formations et les conférences, Ivy Grace lui a expliqué le concept et il s’y est immédiatement intéressé. Le couple a opté pour l'agriculture biologique.

    Keka s’est mis à réfléchir et à faire de grands projets pour leur nouvelle aventure dans l’agriculture biologique à visée commerciale. « Le CCREAD nous a transmis un savoir-faire par la formation et nous a aussi procuré des outils agricoles et des semences » dit-il. Le couple a commencé par la culture de tomates. Le revenu des ventes leur rapporte de quoi vivre, mais ils veulent se développer et s’engager dans la production écologique à grande échelle de fèves de soja, de maïs et de poivre. « Nous voulons bâtir une entreprise agricole écologique et durable afin d’employer d'autres personnes et de contribuer au développement de notre société : il nous faut seulement des terres » dit-il, rayonnant d’espoir.

    Grâce à cette expérience, Ivy Grace qui avait pensé à quitter le pays a reçu une leçon durable. « Grâce à Dieu, le programme EDD nous a fait comprendre que la réponse au chômage n’était pas de partir en Europe et en Amérique du Nord à la recherche de pâturages économiques plus verts, comme le font tant de jeunes Africains qui périssent parfois en route » dit-elle. En tant que couple, les Njohs sont maintenant installés dans l'abri solide de leur ferme d’Ekona, une petite localité au pied du flanc oriental du Mont Cameroun.

    Hilary est tout sourire lorsqu’il regarde Keka et Ivy Grace, autrefois diplômés au chômage, qui récoltent maintenant dans la joie des tomates à vendre au marché. Il philosophe sur une vérité éternelle : « Quand vous participez au succès de quelqu'un, vous en retirez de la joie, une joie profonde et réelle ». Hilary est l’un des lauréats de l’édition 2016 du Prix UNESCO-Japon d’éducation en vue du développement durable.

    L'éducation au développement durable (EDD) autonomise les populations et leur permet de changer leur façon de réfléchir et de travailler pour un avenir durable. L'UNESCO vise à améliorer l'accès à une éducation de qualité en vue du développement durable, à tous les niveaux et dans tous les contextes sociaux.

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