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Pourquoi les énergies fossiles restent surprotégées dans le bâtiment ?



  • Malgré leur forte responsabilité dans les émissions de carbone, les énergies fossiles sont encore massivement utilisées, à l’instar du charbon qui compte pour 35% dans la production de l’énergie des pays du G20. La France réalise des efforts notables en fermant progressivement ses centrales thermiques. Dans le secteur du bâtiment, responsable de près d’un quart des émissions de CO2, le gaz et le fioul demeurent cependant favorisés par les normes actuelles et à venir.

    Fin 2014, les combustibles fossiles représentaient encore près de 80 % de la consommation énergétique finale mondiale, alors même qu’ils sont responsables de 80 % des émissions totales de CO2. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, le charbon émet 384g de Co2/Kwh, quand le fioul domestique en émet 300. Ces énergies fossiles sont particulièrement visées par l’Accord de Paris sur le climat, adopté en décembre 2015 par 195 pays. Lequel prévoit de réduire leur usage au profit d’énergies moins polluantes. Ce qui implique des changements de comportements, dans tous les secteurs, la production électrique devant faire la part belle au solaire, à l’éolien ou au nucléaire.
    Pour participer à l’effort mondial, la France a entrepris de mettre fin à l’usage du fioul dans la production énergétique (en 2016, le parc des centrales électriques au fioul représentait 6.7% des capacités de production). La fermeture des centrales au fioul vient d’ailleurs de connaître une accélération, puisque EDF a annoncé – le 1er mai - la mise à l’arrêt de plusieurs unités. Celle de Porcheville (Yvelines), ainsi qu’une tranche de celle de Cordemais (Loire-Atlantique) ont ainsi été fermées.

    Diminuer la part des énergies fossiles pour abaisser les émissions de CO2

    Dans le même temps, en dépit de quelques aléas de calendrier, la France entend réduire ses émissions carbones en fermant ses cinq dernières centrales à charbon d’ici cinq ans. EDF s’est également séparé en mai 2017 de ses quatre tranches de la centrale à charbon de Rybnik (Pologne), illustrant sa volonté de renoncer progressivement aux énergies polluantes.
    Dans le bâtiment – 44 % de la consommation énergétique nationale – de nouvelles normes sont censées favoriser la baisse des émissions carbone.

    Le bâtiment, un quart des émissions de CO2 en France

    Le bâtiment représente, en additionnant le résidentiel et le tertiaire, 23% de la quantité totale de carbone émise en France. Les pouvoirs publics entendent donc imposer des baisses drastiques d’émissions de CO2 à ce secteur. Les constructions neuves comme anciennes sont concernées. Pour le bâti existant, les rénovations doivent tenir compte de la règlementation thermique 2005 (RT2005), dont le but affiché est de réduire la consommation énergétique des bâtiments et ainsi diminuer leurs émissions de carbone.

    Dans la même logique, la réglementation thermique 2012 (RT 2012) a fixé une valeur maximale de 50 kWh/m2/an pour les nouveaux bâtiments, de manière à abaisser considérablement leur consommation d’énergie. Mais elle vient renforcer une inégalité générée par la RT2005. Celle-ci impose des coefficients qui incitent les propriétaires et les professionnels à privilégier le fioul et le gaz, particulièrement pour le chauffage. Ces énergies fossiles dites primaires - sont ainsi gratifiées d’un coefficient de 1, contre 2.58 pour l’électricité au motif qu’elle n’existe pas à l’état naturel. Un logement qui consomme 50 kWh de fioul, sera donc dans la norme puisque le coefficient est de 1, contrairement à un logement équivalent équipé à l’électricité, qui en consommant 50 kWh, dépassera le plafond autorisé car le coefficient de 2.58 lui fera atteindre une note de 129.

    La RE2018, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2020, concerne les bâtiments neufs comme rénovés, avec le même objectif de réduction des émissions de CO2. Elle doit permettre qu’un bâtiment, dont la durée est estimée à 50 ans, parvienne à une production d’énergie excédentaire par rapport à sa consommation. Il s’agira alors d’un bâtiment à énergie positive (BEPOS). Mais cette norme s’appuie sur ces mêmes coefficients, qui ignorent qu’en France, l’électricité est essentiellement produite via le nucléaire (72.3% en 2016), l’hydroélectrique (12%) ou encore l’éolien (3.9%), dont l’empreinte carbone est dérisoire.

    La France est engagée dans le développement des énergies renouvelables avec un objectif de 23% en 2020, fixé par une directive européenne. La part du solaire, et plus encore de l’éolien (ouverture programmée de parcs français d’éoliennes offshore) dans la production d’électricité va donc augmenter, ce qui diminuera d’autant l’empreinte carbone de cette énergie dite secondaire. L’inégalité de traitement entre énergies primaires et secondaires, apparaîtra donc encore plus évidente dans trois ans. Avec la nécessité évidente de revoir à la baisse le coefficient appliqué à l’électricité.

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