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L'égalité homme-femme : puissant levier économique



  • L'égalité, facteur de croissance ? C'est ce que soutient un récent rapport du McKinsey Global Institute. Parmi les zones qui gagneraient le plus à intégrer les femmes sur le marché du travail, l'Afrique subsaharienne. Plusieurs initiatives s'y développent d'ailleurs pour exploiter ce potentiel.

    Accroissement de la croissance mondiale de 11 %

    Selon le rapport publié en septembre, si tous les pays du monde arrivaient à une égalité parfaite entre les femmes et les hommes, le gain de croissance mondiale atteindrait 26 % (soit 28 000 milliards de dollars) en plus des prévisions de croissance habituelles. Plus réaliste, une égalité « formelle » calquée sur les modèles les plus avancés en termes d'égalité de genre (donc entérinée sur le papier mais non réelle, dans les faits quelques inégalités demeureraient) permettrait déjà une croissance de 11 % du PIB mondial. Certaines zones bénéficieraient particulièrement d'un régime plus égalitaire, ce qui montre bien le retard accumulé : l'Inde gagnerait 16 % de PIB, l'Amérique latine 14 %, la Chine 12 % et l'Afrique subsaharienne 12 %.

    « L'économie africaine, pour l'essentiel, repose sur les femmes »

    En Afrique subsaharienne, la contribution des femmes à l'activité économique est trop rarement encouragée et son potentiel reste largement sous-estimé. Selon les chiffres de l'OCDE, les femmes africaines occupent une place primordiale dans la production de denrées alimentaires mais elles restent cantonnées aux postes peu qualifiés du domaine de l'économie informelle. Elles constitueraient près de 70 % de la force agricole totale du continent africain et produiraient environ 90 % de toutes les denrées alimentaires. L'accès des femmes aux emplois formels et qualifiés reste très faible, 8,5 % des femmes seulement étant salariées du secteur non agricole. Alpha Condé, le Président guinéen, le reconnaît. « L'économie africaine, pour l'essentiel, repose sur les femmes. L'homme peut émigrer, laisser les enfants, mais la femme est obligée de rester pour donner à manger aux enfants. Ensuite, les femmes sont plus honnêtes. Quand vous donnez du micro-crédit, le taux de remboursement chez les femmes est de 90 %. Le développement de certains secteurs, comme l'artisanat, repose sur les femmes. » Faire confiance aux femmes pour qu'elles favorisent leur propre développement, c'est le but de plusieurs fonds qui soutiennent ce discours d'« empowerment ».

    Le FAFCI de Dominique Ouattara : l'indépendance grâce au micro-crédit

    Lancé en décembre 2012, le Fonds d'appui aux femmes de Côte d'Ivoire (FAFCI) porté par Dominique Ouattara promeut le micro-crédit pour permettre aux femmes de s'émanciper en lançant leurs propres projets. Le FAFCI est passé en trois ans d’un milliard de francs CFA (environ 1,5 millions d'euros) à 8 milliards de francs CFA. Il aurait ainsi permis à 100 000 femmes d'exercer une activité génératrice de revenus. Pour la Première Dame de Côte d'Ivoire, il s'agit bien de « donner les moyens aux femmes de se prendre en charge et être autonomes ».

    En 2010 déjà, le 14ème sommet de l’Union africaine (UA) avait entériné la création du Fonds de développement pour la femme africaine (AWDF), une fondation d'octroi de subvention. Le Président de l'UA avait à l'époque salué la décision de la création de ce fonds. « Nous devons franchir les étapes suivantes en donnant une traduction concrète au Fonds et surtout en ratifiant massivement les instruments juridiques garantissant les droits des femmes, en particulier le Protocole de l’UA sur les Droits de femmes». Initiative prometteuse, l'AWDF s'adresse cependant à des organisations de femmes déjà constituées (au niveau national ou local) qui déposent des demandes de subventions. Cette logique suppose donc une organisation a priori (se rassembler, créer une association), alors que la coordination de telles actions paraît peu probable en zones rurales ou au sein des populations illettrées.

    Si le rapport McKinsey propose quelques pistes d'amélioration, il se concentre en priorité sur le rôle des entreprises, premiers acteurs à avoir, en théorie, la main sur l'embauche des femmes. Pourtant, les barrières sont souvent ailleurs et précèdent de loin la question de l'accès à l'emploi. Les inégalités entre les femmes et les hommes ne se limitent pas à la sphère économique mais sont également sociales et sanitaires. La moitié des femmes d'Afrique subsaharienne sont illettrées. Les mariages arrangés et forcés sont eux aussi répandus et la moyenne d'âge du mariage des jeunes filles en Afrique subsaharienne (21,3 ans en moyenne) précède largement la moyenne dans les pays de l'OCDE (27,4 ans). Enfin, la mutilation génitale serait pratiquée sur plus de 95 % des femmes dans certains pays. Politiques publiques et réformes de fond sont donc les premières priorités : acteurs publics comme privés doivent agir de concert pour lutter contre les inégalités homme-femme.

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