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COMMERCE ET DEVELOPPEMENT DURABLE: le cas du coton



  • COMMERCE ET DEVELOPPEMENT DURABLE : le cas du coton

    L’introduction de la culture du coton au Sénégal et dans bon nombre de pays africains a sans nul doute permis d’améliorer les conditions de vie de plusieurs agriculteurs et aussi à relever le PIB de leurs pays. Les revenus immédiats tirés du commerce du coton ont amené beaucoup d’agriculteurs à se convertir à la culture du coton sur de grandes surfaces ; cela au détriment des cultures vivrières qui assurent une certaine autosuffisance aux populations locales. Mais bien que les agriculteurs ne produisaient plus ou en quantité suffisante les cultures vivrières, les revenus tirés de la commercialisation du coton leur permettaient de se procurer ces denrées au niveau des marchés.

    Tout ce serait « bien déroulé » si seulement il n’y avait pas eu cette chute vertigineuse des prix de la fibre de 50% entre 1997 et 2002, suite à la détérioration des termes de l’échange. L’une des principales raisons étant les subventions faites par les américains, les pays européens et la Chine à leurs agriculteurs, sans se soucier du respect des règles du commerce mondial.

    Face à cette situation, les pays africains, aux économies très fragiles et fortement dépendantes de l’exportation de certaines de leurs ressources surtout primaires et agricoles en particulier, se retrouvent retardées dans leur pénible avancée vers le développement. Les agriculteurs, premiers concernés, n’ayant plus le pouvoir d’achat que leur conféraient les revenus issus de la vente du coton et ayant abandonné les cultures vivrières plongent ainsi dans une pauvreté grandissante. Les recours à l’OMC qui n’a fait que condamner les pratiques des subventions ne semblent pas pouvoir venir à bout de ce phénomène. Alors quel développement (car on ne pense même pas à sa durabilité) entrevoir pour ces pays africains, si l’on sait la place qu’occupe le secteur agricole dans leur économie, dans un pareil contexte de commerce mondial ?

    La solution la plus en vue ou plutôt à la mode est le « commerce équitable ». Un commerce qui semble-t-il vise plus d’équité dans le commerce international et qui justifie son existence en citant l'article 23 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui stipule : « Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine. ». Est-ce une solution durable, le « coton équitable » ? Sachant que cela dépendra toujours de la bonne conscience du consommateur qui se trouve à l’autre but du monde. Alors, le « commerce équitable » ou celui régit par l’OMC riment-ils avec « développement durable » ?

    Le développement durable étant « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs », est-ce que la culture du coton participe au développement durable ? Si l’on sait que sa culture nécessite un dessouchement complet des terres et surtout un apport d’engrais et de pesticides très important. Une fois abandonnées, les sols sont alors exposés à l’érosion tant hydrique qu’éolienne, sans compter l’effet des engrais et pesticides sur l’environnement. La recherche de productions de meilleures qualités et en quantités plus importantes amène les agriculteurs à emblaver encore plus de terres et ainsi à contribuer à plus dégrader l’environnement. De plus, Il faut noter que ce label de Max Havelaar sur le « coton équitable » a fait l’objet d’une controverse dans le milieu du commerce équitable, car il s'est accompagné d'un accord avec la société française Dagris, accusée par ses détracteurs d'encourager la culture de coton transgénique en Afrique de l'Ouest (où elle est actuellement peu présente). Or l'usage d'OGM est en contradiction avec les principes du commerce équitable, à cause de la dépendance économique qu'il entraîne pour les petits producteurs et des conséquences sur l'environnement.

    Pour le cas précis du coton, sa commercialisation n’est pas un gage de développement durable. Car pour prétendre à un développement durable dans le commerce du coton, les paramètres du marché devront être auparavant libres et maîtrisés par les producteurs, c’est-à-dire soumis aux règles du marché sans subventions ni protectionnisme. Or ceci n’est pas le cas avec le coton et les subventions apportées aux agriculteurs d’autres pays alors que les agriculteurs des pays africains n’en bénéficient pas. A cela il faut ajouter le protectionnisme fait par les pays occidentaux vis-à-vis des produits venant du Sud en exigeant des normes de qualité très contraignantes pour les agriculteurs des pays du Sud.

    Le commerce mondiale, sous ses différentes formes (libres, équitable, …), dans ce contexte de globalisation irréversible, s’articule difficilement avec un développement durable surtout en ce qui concerne les rapports Nord – Sud. Car même avec le « commerce équitable » avec son slogan « Fair trade, not aid » (un commerce juste, pas de l’assistanat), il ne peut pas y avoir de développement durable. Cela parce que le développement ne peut pas être basé sur la bonne conscience des consommateurs à payer des produits venant du Sud à des prix plus élevés afin de soutenir les producteurs de cette partie du monde (ce qui revient finalement à de l’assistanat). A quelle échelle ces produits « équitables » seront-ils écoulés pour pouvoir impulser une certaine dynamique aux économies des pays du Sud ?

    Le développement durable pour les pays du Sud ne peut avoir lieu que si ceux-ci arrivent à produire et à transformer leurs propres ressources afin d’alimenter leurs propres marchés pour ensuite alimenter les marchés sous-régionaux, régionaux puis mondiaux. Ceci en prenant en compte l’impact des systèmes de production sur l’environnement. C’est seulement un pareil commerce qui peut mener vers un développement durable.


    Cheikh Mamina Diédhiou


    Référence :

    1. Befeno Alexis (2003) – le dossier du coton africain après Cancun : enjeux économiques et perspectives.
    2. Falila Gbadamassi (2005) A la découverte du commerce équitable.
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