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Pollution pétrolière au Nigeria : la justice néerlandaise condamne la filiale de Shell

Les plaintes de quatre Nigérians, qui accusent Shell d'avoir contaminé leurs terres et étangs à cause des fuites de pétrole, n'ont par contre pas été retenues contre la société-mère.

Le Monde

Publié le 30 janvier 2013 à 12h02, modifié le 30 janvier 2013 à 19h05

Temps de Lecture 5 min.

  • REUTERS/AKINTUNDE AKINLEYE

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Face à la pollution pétrolière colossale qui dégrade le delta du Niger, dans le sud du Nigeria, la responsabilité de la compagnie Shell avait été établie. En août, alors que le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) prévoyait qu'il faudrait 25 à 30 ans pour dépolluer le delta, dans la plus vaste opération de nettoyage jamais réalisée, Shell reconnaissait en effet son rôle dans deux marées noires survenues en 2008 et 2009, s'engageant à payer des compensations.

Lire l'éditorial du Monde"La malédiction de l'or noir dans le delta du Niger"

Mercredi 30 janvier, le géant anglo-néerlandais s'en sort mieux : le tribunal de La Haye a rejeté quatre des cinq plaintes de fermiers et pêcheurs nigérians, qui l'accusent d'avoir pollué leur village, terres et étangs, à cause de fuites dans un oléoduc. Non que ces dégâts n'aient pas été reconnus, mais la justice néerlandaise a relevé que dans la loi nigériane, la société-mère de Shell, basée à La Haye, n'a aucune obligation d'empêcher ses filiales, Shell Nigeria en l'occurrence, "de faire du tort à des tiers".

L'une des cinq plaintes a par contre été retenue contre cette filiale, condamnée à payer des dédommagements pour deux fuites de pétrole survenues en 2006 et 2007 près du village d'Ikot Ada Udo, proche du delta du Niger. Si le tribunal a considéré que ces fuites étaient dues aux sabotages liés aux vols de pétrole, il a néanmoins estimé que Shell Nigeria aurait dû prendre des mesures pour y remédier. 

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LE SABOTAGE RESPONSABLE, SELON SHELL

Dans une raffinerie illégale. Au Nigeria, des milliers de personnes  participent à ce détournement de pétrole, connu localement sous le nom de

Friday Akpan, le seul Nigérian qui a obtenu gain de cause dans cette affaire, assure que la pollution a endommagé ses terres et ses 47 étangs à poissons. Eric Barizaa Dooh, un autre plaignant présent à l'audience à La Haye, en est quant à lui ressorti avec des "sentiments partagés", affirmant que le tribunal n'avait pas été "juste" avec son village de Goi, un "endroit toujours très contaminé".

Shell s'est de son côté félicitée d'avoir été blanchie en tant que société-mère. La compagnie nie toute responsabilité dans les fuites, assurant que la pollution pétrolière dans le delta du Niger est due en grande partie au détournement du pétrole qui coule dans les oléoducs – le "bunkering" –, qui a capté l'année dernière environ un cinquième de la production nationale de pétrole, selon le ministre nigérian des finances. "70 % des fuites dans le delta sont dues au sabotage", affirmait à l'AFP Mutiu Sunmonu, patron du groupe au Nigeria, en 2011.

D'après le blog environnement du Guardian toutefois, bien que les habitants admettent ouvrir de petites raffineries locales "pour survivre", "il y a de plus en plus de preuves que les vols les plus importants ne viennent pas des villageois et des agriculteurs du delta, mais de rackets sophistiqués, venant de gangs organisés au cœur du gouvernement local, et même national, et de l'armée, qui volent et déversent du pétrole à grande échelle".

Selon la branche néerlandaise de l'ONG des Amis de la Terre, ce procès constituait la première affaire où une société néerlandaise est poursuivie aux Pays-Bas pour des faits à l'étranger. L'association, également plaignante dans cette affaire, espérait un précédent mondial en matière de responsabilité environnementale, grâce à la jurisprudence.

Ancien président des Amis de la Terre, Nnimmo Bassey estime, malgré tout, que l'affaire établit un précédent : "Shell et d'autres multinationales sont averties qu'elles ne peuvent pas polluer l'environnement n'importe où dans le monde et retourner chez elles en profitant de leurs bénéfices".

Même écho dans le Guardian, pour qui "l'enjeu n'est pas seulement de savoir si [les plaignants nigérians] obtiendront compensation ou non du géant anglo-néerlandais, qui a réalisé un profit de [22 milliards d'euros] l'année dernière, mais si Shell – et d'autres multinationales – peut être poursuivi pour pollution aux Pays-Bas. Derrière Dooh se tiennent potentiellement une longue série de plaignants et d'avocats." 

PIRE QUE DEEPWATER DANS LE GOLFE DU MEXIQUE

Huitième exportateur de pétrole au monde et premier producteur d'Afrique, avec une production autour de 2 millions de barils par jour, le Nigeria est le théâtre d'une exploitation pétrolière qui a débuté il y a cinquante ans, et fait des ravages concernant la santé des habitants et l'environnement du delta. De nombreuses ONG accusent les groupes pétroliers d'y appliquer des normes environnementales beaucoup plus laxistes que dans leur pays d'origine. Ce que réfute Shell.

La compagnie affirme que 26 000 barils de pétrole se sont déversés dans le delta du Niger en 2012, soit 70 % de plus que l'année précédente. Selon les Amis de la Terre, la pollution pétrolière au Nigeria est deux fois plus importante que les 5 millions de barils qui ont fui dans le Golfe du Mexique en 2010, à la suite de l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, du britannique BP. Et d'après le documentaire réalisé en 2011 Delta du Niger : la guerre du brut, chaque année depuis 25 ans, il se déverse l'équivalent d'un Exxon-Valdez (marée noire en Alaska, en 1989), soit 40 000 tonnes, sur les terres du delta.

Selon les Amis de la Terre, "la situation est dramatique, qu'il s'agisse d'environnement ou de dialogue avec les populations impactées par les activités de Shell, Eni et Total". Il y a dix ans, la nigériane Esther Kiobel avait même accusé devant la justice américaine la filiale nigériane de Shell de complicité avec l'armée pour les actes de torture et de meurtre commis contre la communauté Ogoni – un peuple qui vit dans le sud du Nigeria, et qui a fondé dans les années 1990 le Mouvement pour la survie du peuple Ogoni, afin de défendre ses intérêts contre Shell. Son mari, très impliqué dans la bataille contre la compagnie pétrolière, avait été condamné à la peine de mort, et exécuté.

Lire aussi : "Kiobel vs Shell : multinationales et droits de l'homme devant la Cour suprême américaine"

Alors que la compagnie – la première à exploiter les ressources du premier producteur de pétrole d'Afrique – se trouve sous le feu des critiques au Nigeria, elle doit faire face à un autre front, en Arctique cette fois : le 31 décembre, sa plate-forme pétrolière de Kulluk s'échouait sur une plage du sud de l'Alaska. Si aucune marée noire n'a été signalée, contrairement à la précédente catastrophe environnementale en Alaska, d'aucuns voient dans cet incident une préfiguration des risques inhérents à la ruée vers le pétrole de l'Arctique.

Lire : "La plate-forme pétrolière de Shell en sécurité dans une baie d'Alaska"

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