Droits des peuples indigènes

Une réunion inédite au cœur de la jungle amazonienne

A l’approche de la Journée internationale des peuples autochtones le 9 Août, OIT Info se penche sur l’aide apportée par la convention n° 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, à une tribu de Nord-Est du Pérou pour faire entendre sa voix.

Reportage | 6 août 2013
PUERTO HUAMÁN, Pérou (OIT Info) – «Palo Duro» (Bâton Dur) est un arbre presque incassable du Nord-Est du Pérou, dans la région amazonienne proche de la frontière colombienne.

C’est aussi le symbole des Maijunas, une communauté qui lutte depuis la conquête espagnole pour revendiquer ses terres ancestrales convoitées par les bûcherons et les braconniers.

Il ne reste plus que 400 Maijunas, vivant dans quatre villages de maisons aux toits de chaumes (Puerto Huamán, San Pedro de Totoya, Nueva Vida et Sucusari-Orejones ) entre les rivières Napo et Putumayo.

La mise en place d’une grande zone protégée par le gouvernement de Loreto en 2012 a donné aux Maijunas l’occasion de faire entendre leurs voix pour la première fois. Il s’agissait d’essayer d’empêcher les chasseurs de tuer la faune locale – notamment les tapirs –, les bûcherons d’abattre les arbres et les pêcheurs d’empoisonner les rivières.

Lors d’un processus de consultation inédit, les dirigeants Maijuna se sont rassemblés le mois dernier à Puerto Huamán (à quatre heures de bateau d’Iquitos, la capitale de la région Loreto) pour discuter des problèmes de la zone protégée. Des représentants des gouvernements régional et national étaient présents, ainsi que l’Organisation internationale du Travail (OIT). De nouvelles réunions sont prévues cette année.

La réunion de Puerto Huamán représentait la première application de la loi nationale sur le droit de consultation. Cette loi, adoptée par le parlement péruvien en septembre 2011 – se fonde sur la convention n° 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.

Le droit des peuples autochtones à être consultés et à participer aux processus de décision qui les concernent est la pierre angulaire de la convention 169 de l’OIT. Elle est aussi au cœur de la loi péruvienne sur le droit à la consultation.

Des pionniers


Dorénavant, les Maijunas auront leur mot à dire dans la gestion de la zone protégée.

«C’est sans doute un jour historique pour les peuples autochtones du Pérou», dit Oseas Barbarán, président de la Confederación de Nacionalidades Amazónicas del Perú (conférération des nationalités amazoniennes du Pérou ou CONAP). «C’est l’aboutissement d’un long et constant combat.»

Il y a quarante ans, les Maijunas n’avaient même pas le droit d’aller à l’école. C’est seulement depuis dix ans qu’ils ont pris conscience de leurs droits fondamentaux. Privés de leur patrimoine, ils ont perdu une partie de leur identité. Les enfants ne parlent que l’espagnol, et plus la langue Maijuna, et beaucoup ne connaissent pas les contes et les chansons traditionnels. Protéger leur terre est le premier pas pour mettre fin à cette acculturation.

Iván Lanegra, professeur d’université et ancien vice-ministre du pluriculturalisme, dit que ce processus de consultation n’est qu’un début: «C’est un défi énorme pour le gouvernement, car le processus de consultation ne suffit pas. Il doit s’accompagner de décisions politiques à long terme garantissant que l’ensemble du gouvernement répondra aux besoins des peuples autochtones.»

Le rôle de l’OIT


«L’OIT, avec son programme pour la promotion de la convention 169, qui a démarré en 2009 dans la région, a collaboré avec les autorités péruviennes pour introduire la nouvelle loi sur le droit à la consultation et sa réglementation. L’OIT va poursuivre sa coopération avec le gouvernement pour la mise en œuvre de la loi en fournissant une assistance technique et une formation aux fonctionnaires et aux dirigeants de la communauté», déclare Liliam Landeo, coordinatrice nationale d’Amérique latine du programme de l’OIT pour la promotion de la convention 169, basée à Lima, Pérou.

«Cette année, le thème de la Journée internationale des peuples autochtones, qui appelle au respect des traités, accords et autres dispositions, est l’occasion de nous souvenir du rôle essentiel joué par des instruments comme la convention 169 de l’OIT non seulement pour protéger et promouvoir les droits des peuples indigènes et tribaux, mais aussi pour instaurer des garanties juridiques pour l’investissement privé dans les pays qui l’ont ratifiée», ajoute-t-elle.

L’OIT est responsable des seuls instruments internationaux actuellement en vigueur qui traitent exclusivement des droits des peuples autochtones. Ces instruments énoncent le principe selon lequel leurs cultures, modes de vie, traditions, et lois coutumières sont valables et doivent être respectées et protégées, et qu’il revient à ces communautés de définir leur priorités de développement.

Il existe dans le monde plus de 370 millions d’autochtones qui se reconnaissent comme tels, répartis dans 70 pays. Rien qu’en Amérique latine, il y a plus de 400 groupes, qui ont chacun leur langue et leur culture, même si la plus grande concentration de peuples indigènes se trouve en Asie et dans le Pacifique – environ 70 pour cent.