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Equateur : "Yasuni ITT" ou l'échec de la non-exploitation du pétrole

En échange de la non-exploitation de son sous-sol et du non-rejet dans l'atmosphère de 400 millions de tonnes de CO2, le président équatorien demandait 3,6 milliards de dollars à la communauté internationale.

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Publié le 16 août 2013 à 19h28, modifié le 20 août 2013 à 11h23

Temps de Lecture 4 min.

L'exploitation de cette réserve écologique d'Amazonie aura lieu, après l'échec d'un plan international pour éviter l'extraction du pétrole qui s'y trouve.

L'Equateur est le plus petit pays membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ; environ un cinquième de ses ressources supposées reposent dans le sous-sol du parc Yasuni reconnu pour sa grande richesse en matière de biodiversité. Entre la sauvegarde de ce petit bout d'Amazonie et l'exploitation des énergies fossiles, le président équatorien, Rafael Correa, a tranché en faveur de la seconde.

Les champs pétroliers d'Ishpingo, de Tambococha et de Tiputini – dits "ITT" – et leurs quelque 900 millions de barils de pétrole seront donc exploités, a annoncé, jeudi 15 août lors d'une allocution solennelle, le président Correa, avec une "profonde tristesse".

Réélu en février, Rafael Correa avait promis d'approfondir sa "révolution citoyenne" où doivent se mêler transformation sociale du pays et respect de l'environnement. M. Correa a reconnu avoir pris"une des décisions les plus difficiles de tout [son] gouvernement" en favorisant le pétrole aux dépens de cette réserve de biosphère classée par l'Unesco (PDF), où vivent 696 variétés d'oiseaux, 2 274 d'arbres, 382 de poissons, 169 de mammifères ou encore 121 de reptiles, ainsi que des dizaines de milliers d'espèces d'insectes.

Le président équatorien Rafael Correa, à Quito, le 15 août.

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Avant de se résoudre à ce que beaucoup dénoncent comme un désastre écologique, le pouvoir équatorien avait tenté une approche originale, sinon inédite : l'initiative Yasuni-ITT. En 2007, à la tribune de l'ONU, le président Correa lançait à la communauté internationale une sorte d'ultimatum écologique – de chantage, diront certains – pour que soit préservée la forêt amazonienne.

En échange de la non-exploitation de son sous-sol et du non-rejet dans l'atmosphère de 400 millions de tonnes de CO2, le président équatorien demandait 3,6 milliards de dollars, sur une douzaine d'années, aux plus gros consommateurs de pétrole sur la planète, soit la moitié de ce que rapporterait à l'Etat équatorien l'extraction du pétrole.

L'initiative a pris un tour plus concret en 2010, quand le gouvernement équatorien a signé un accord avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) qui a ouvert un "fonds d'affectation spéciale", une sorte de compte ad hoc, destiné à recevoir les contributions internationales. Le PNUD s'engageait également à administrer ces fonds, en accord avec les pays donateurs.

UNE VICTOIRE POLITIQUE ?

Certains ont vu dans Yasuni ITT un renouveau des discussions environnementales, à l'heure de l'échec des grandes conférences sur le réchauffement climatique, et notamment celle de Copenhague, fin 2009. Ainsi, Matthieu Le Quang, chercheur en sciences politiques à Quito – et auteur de Laissons le pétrole sous terre ! – écrivait en 2010 dans les colonnes du Monde que l'initiative ITT Yasuni était "une proposition pionnière et innovante, une alternative aux discussions dominantes au niveau mondial".

Aujourd'hui, après son abandon par M. Correa, M. Quang estime qu'il s'agit d'un "échec économique prévisible", dans la mesure où il était peu probable que "les pays du Nord soutiennent l'initiative qui revenait à remettre en cause la base des sociétés capitalistes". En revanche M. Quang y voit un gain politique : l'Equateur, en proposant une "solution avant-gardiste" pour sauvegarder l'environnement, s'est placé comme "un acteur majeur de la lutte contre le réchauffement climatique".

"FAUSSE BONNE IDÉE"

Un positionnement à l'international qui était critiqué, au moment de la réélection de M. Correa en février par Luis Saavedra, de l'organisation non gouvernementale de défense des droits de l'homme Inredh. "En 2006, Rafael Correa est arrivé au pouvoir avec un programme progressiste, largement inspiré des propositions du mouvement social, des Indiens et des écologistes. Mais il a fait marche arrière sur un certain nombre de points essentiels. Le projet Yasuni est de la propagande à l'attention de la communauté internationale", lâchait-il au Monde, au moment de sa réélection.

Pour d'autres, il s'agissait d'une "fausse bonne idée". Ainsi, Romain Pirard et Raphaël Billé, de l'Institut du développement durable et des relations internationales, assurent, dans une tribune publiée sur Slate, qu'un succès n'aurait fait que retarder l'échéance de l'exploitation du pétrole de Yasuni, dans la mesure où la "rareté de la ressource le rendra bien trop précieux pour être maintenu dans le sol". Et, poursuivent-ils, "pour peser indirectement sur la consommation d'énergies fossiles, le projet demanderait à être répliqué à grande échelle", impliquant des sommes colossales.

DES GARANTIES APPORTÉES À LA POPULATION

Sur les 3,6 milliards escomptés, seuls 13 millions de dollars ont effectivement été abondés et 116 millions, promis. Trop peu pour compenser la non-exploitation du trésor pétrolier de Yasuni. Jeudi 15 août, M. Correa, estimant que "le monde nous a lâchés", a signé le décret qui a mis un terme définitif à l'initiative. Le président équatorien devra toutefois composer avec la Constitution, qui interdit l'extraction des ressources non renouvelables dans les zones protégées. Ladite Constitution apporte néanmoins quelques exceptions qui seront discutées au Parlement. Ce qui ne devrait pas poser de problème majeur, dans la mesure où le président Correa y dispose d'une confortable majorité. 

L'exploration et la construction des infrastructures de forage par des compagnies pétrolières publiques devraient commencer dans les prochaines semaines dans cette partie de l'Amazonie à l'est du pays. Dans le même décret, M. Correa a voulu apporter des garanties à une population qui reste très majoritairement opposée au projet. "Si l'Assemblée nationale autorise l'exploitation, cette dernière ne pourra pas se développer sur une surface supérieure à 1 % du parc national de Yasuni", est-il précisé. Mais M. Correa a rectifié peu de temps après sur Twitter : la limite est en fait fixée à un pour mille...

Lire aussi (offre abonnés) :  Article réservé à nos abonnés L’Equateur renonce à sanctuariser le parc Yasuni pour en exploiter le pétrole
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