C’est fait ! L’Australie est le premier
pays à supprimer un plan de taxation global du carbone : le 17 juillet, le Sénat
a confirmé la décision du gouvernement, par 39 voix contre 32. La taxe carbone
n’est plus.

Ce n’est pas vraiment une surprise. Depuis
l’arrivée au pouvoir du gouvernement de coalition de Tony Abbott en septembre 2013, on pouvait se douter que
la taxe carbone, introduite en 2012 par le précédent gouvernement travailliste,
serait sacrifiée. Le Premier ministre, un libéral, n’avait-il pas juré
solennellement, pendant sa campagne, qu’il supprimerait cette mesure ?

Mais a-t-il bien évalué les conséquences ?
Certes, Tony Abbott ne croit pas en l’origine humaine du réchauffement
climatique. Il n’empêche, l’Australie, avec ses centrales charbon et ses
industries minières, fait partie des pays les plus émetteurs de carbone. Mais la taxe introduite en 2012, qui faisait payer chaque tonne de
CO2 émise par les 348 plus grands émetteurs du pays à 23 dollars australiens
(16 euros), avait enfin permis de réduire les émissions de 1,5% entre 2012
et 2013. Mais avec ce changement de politique, l’Australie risque d’augmenter à nouveau ses
émissions, dans une fourchette de 8% à 18% d’ici à 2020, selon
un rapport publié en mai par la Banque Mondiale et Ecofys
.

L’électricité au plus haut 

Cette volte-face a déjà eu des effets sur
le pays : sur les six premiers mois de l’année, les investissements australiens
dans les énergies renouvelables ont marqué le pas, et sont à un niveau
“très faible”, avec seulement 40 millions de dollars (28 millions d’euros) mis dans de nouveaux
projets, la plus faible somme depuis 2001. La raison ? Depuis les élections,
l’industrie est dans l’expectative, faute de visibilité sur la législation, observe le Sydney Morning Herald, qui s’appuie sur une étude
publiée par Bloomberg New Energy Finance (BNEF).

La principale raison avancée par le
gouvernement pour la suppression de la taxe carbone est la hausse vertigineuse des
prix de l’électricité (ils ont doublé depuis 2009 et sont parmi les plus chers
des pays développés), qui auraient subi le contrecoup de la taxe et de l’entrée
en production de centrales électriques renouvelables.

C’est un argument fallacieux, rétorque le magazine The Monthly,
dans une grande enquête publiée dans son numéro de juillet. Ce sont les
entreprises de transport et de distribution qui ont le plus participé à cette
inflation, et s’en sont mis plein les poches, affirme le magazine. “Soyons
clair, tance la journaliste Jess Hill, la principale et la seule raison pour
laquelle les prix se sont envolés est liée aux investissements sur le réseau
(45 milliards de dollars depuis 2009). Selon le Trésor, 51% de notre facture électrique
passe dans les frais de réseau. La taxe carbone, elle, compte seulement pour
9%.”

Effet domino

En tout cas, la suppression de la taxe
carbone est une bien mauvaise idée, qui risque d’avoir un effet boule de neige
dans d’autres pays, renchérit le New Scientist. ”Le programme australien devait
se combiner avec le plan européen de réduction des émissions, afin de mettre
l’ensemble des pays riches sous le même toit”, rappelle le magazine
scientifique britannique.

Mais il y a plus. La Chine s’était
largement inspirée du programme australien pour élaborer ses nouveaux
programmes pour un marché du carbone. Avec cette volte-face, “le message
envoyé à l’international semble être le suivant : il y a un truc qui cloche avec
cette politique. En réalité, la seule chose qui cloche en Australie, ce sont les
politiciens”, affirme Frank Jotzo, de l’Université nationale australienne,
à Canberra.

D’autres vont-ils suivre ?, s’interroge le Christian
Science Monitor,
qui rappelle que le Canada est sorti du protocole de Kyoto en
2011, et que le Japon, après la catastrophe de Fukushima, est revenu sur une
production d’énergie à base de ressources fossiles.

Le retour d’un vieux programme

Mais les mesures anti-CO2 n’ont peut-être pas dit leur dernier mot.
“A peine la taxe carbone enterrée, un vieux projet revient hanter le débat
politique”, indique The Diplomat. Il s’agit du plan de réduction des
émissions de CO2, examiné par le gouvernement travailliste, puis écarté en 2012
au profit de la taxe carbone. Bien sûr, le gouvernement de coalition
actuellement au pouvoir ne veut pas entendre parler d’une telle mesure, et
penche pour un plan d’incitation, qui distribuerait 1,55 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros) sur trois ans pour des projets de réduction d’émissions. ”Mais pour le
parti travailliste, la réponse semble être un surprenant ‘oui’ [au plan de
réduction] !”, remarque le magazine asiatique. “N’importe quelle
politique sérieuse de lutte contre le changement climatique doit inclure un
plan de réduction des émissions de CO2”, a souligné le leader de
l’opposition australienne Bill Shorten. C’est en tout cas ce que soutiendra le parti
Travailliste lors des prochaines élections fédérales, a-t-il affirmé.