Les dirigeants de l’UE adoptent des objectifs énergie-climat « flexibles » pour 2030

Angela Merkel (Left) and François Hollande at the EU summit, 23 Oct. 2014 [European Council/Flickr]

Angela Merkel (à gauche) et François Hollande au sommet européen, 23 Oct. 2014 [European Council/Flickr]

Les dirigeants européens sont parvenus à un accord au rabais sur le climat. La réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % a été arrachée aux pays les plus réticents, mais au prix fort. Soit une hausse, non contraignante et de seulement 27 % des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique d’ici 2030. 

L’accord a été arraché tard dans la nuit, vers 2 heures du matin à Bruxelles. Selon le président français, François Hollande, cet accord envoie un signal clair à des pays comme la Chine ou les États-Unis, à quelques mois du début des négociations de l’an prochain à Paris. Il espère que ces négociations aboutiront également à un engagement contraignant quant à la réduction des gaz à effet de serre au niveau mondial.

Une « clause de flexibilité » spéciale a été ajoutée au texte définitif. Celle-ci prévoit la possibilité pour le Conseil européen de revoir les objectifs qui viennent d’être fixés après le sommet onusien sur le sujet. Le président François Hollande a cependant souligné que cette clause n’avait pas été ajoutée seulement en vue des négociations de Paris, puisque les ministres de l’UE pourraient y recourir à tout moment.

 Un accord européen « concluant et définitif », selon François Hollande, qui sera l’hôte des négociations. Il estime la conclusion de cet accord avant le débat mondial sur la question du climat était essentielle.

>> Lire : Hollande appelle à un compromis audacieux sur le climat 

 Les objectifs en ce qui concerne les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ont néanmoins été revus à la baisse. Les dirigeants européens ont en effet accepté une augmentation de 27 %, 3 % de moins que ce qu’avait demandé la Commission européenne. Cet objectif sera légalement contraignant au niveau européen, mais pas au niveau national. Les conclusions du sommet prévoient que les objectifs en matière d’efficacité énergétique soient réexaminés en 2020, dans l’esprit d’un relèvement à 30 % dans ce secteur particulier.

Même chose en ce qui concerne les objectifs pour les énergies renouvelables, qui, suite à l’opposition de pays comme le Royaume-Uni, ne seront pas contraignants au niveau national.

L’accord conclu hier (le 23 octobre) permet à l’Europe de préserver son rôle d’acteur incontournable dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, a fait remarquer Angela Merkel, la chancelière allemande. Elle a souligné que l’objectif de 27 % en matière d’énergies renouvelables était particulièrement important aux yeux de l’Allemagne, et que l’accord prévoyait que les États membres souhaitant dépasser ce chiffre puissent le faire.  « L’Allemagne n’aura aucun mal [à atteindre cet objectif]. Nos objectifs nationaux sont déjà plus élevés que cela », a-t-elle expliqué.

La chancelière a également insisté sur le fait que si l’objectif de réduction de 40 %  des émissions de CO2 serait calculé pour chacun des États membres en fonction de son PIB par habitant, les pays qui seraient à la traîne devraient fournir davantage d’efforts dans d’autres secteurs. Les pays pauvres seront néanmoins autorisés à continuer à émettre davantage de gaz à effet de serre après 2020, afin de préserver leur compétitivité sur la scène mondiale.

Des associations comme Greenpeace et Oxfam condamnent un accord jugé trop frileux. « Il est frappant de voir que les acteurs du monde des affaires appellent à des objectifs plus ambitieux que ceux fixé par les politiques européens », assène Oxfam.

Interconnexion

L’accord prévoit également une plus grande interconnexion des marchés européens de l’énergie. L’interconnexion est un volet essentiel de l’Union énergétique voulue par l’UE, un projet qui a notamment pour vocation de rendre certains pays européens moins dépendants du gaz russe. Angela Merkel a par ailleurs annoncé que l’UE enverrait du gaz vers l’Ukraine, tant que cela n’irait pas à l’encontre des intérêts européens.

 L’Espagne et le Portugal ont de leur côté fait pression pour obtenir que l’UE oblige ses États membres à rendre 15 % de leurs capacités nationales de génération d’énergie disponibles aux autres pays européens. Depuis longtemps, les deux pays peinent à vendre leurs surplus d’énergies renouvelables à la France, qu’ils accusent de protéger son industrie nucléaire.

>> Lire : Les objectifs d’interconnexion énergétique suspendus à un différend France-Espagne 

 Les dirigeants européens n’ont toutefois pas été aussi loin, se limitant à renouveler leur engagement de 2002 d’une augmentation de 10 % des échanges d’énergie via les interconnexions électriques d’ici à 2020. Cet engagement sous-entend néanmoins une élévation de ce chiffre à 15 % une fois l’objectif initial atteint.

L’accord identifie précisément des « îles énergétiques », à savoir l’Espagne, le Portugal et les pays baltes, qui seront considérées comme prioritaires en  termes d’interconnexion. Malte, Chypre et la Grèce feront également l’objet d’une attention particulière.

Processus de contrôle

 La Commission européenne suivra les progrès accomplis et publiera des rapports sur les possibilités de financement. Le Conseil a par ailleurs invité la Commission à faire des propositions de financement le cas échéant.

Ce point de l’accord représente-t-il un changement d’attitude de la France ? François Hollande répond que son pays a toujours compris la position du Portugal et de l’Espagne.  Il explique qu’il était important de respecter les lois environnementales, qui, selon la France, pourraient être enfreintes par l’établissement de liaisons à travers les Pyrénées. Selon le président français, ce risque sera toutefois minimisé grâce aux progrès technologiques des années à venir.

La Pologne est le pays qui s’est le plus opposé à des objectifs climatiques audacieux, craignant de mettre en danger ses centrales à charbon. Ewa Kopacz, premier ministre polonaise, assure cependant que l’accord conclu ne pose pas de problème particulier à son pays.  « J’avais dit que je ne reviendrais pas de ce sommet alourdie d’un nouveau fardeau financier. Il n’y a en effet aucun nouveau fardeau» a-t-elle déclaré aux journalistes polonais. 

Pour 2030, le cadre énergie-climat prévoit :

  • une réduction de 40 % des gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, obligatoire à l'échelle nationale et qui ne peut être atteint par l'utilisation de crédits carbone ;
  • l'utilisation de crédits carbone en vue de respecter de nouveaux engagements internationaux sur le climat ;
  • un objectif portant à 27 % la part des énergies renouvelables, contraignant pour l'ensemble de l'Union, mais pas à l'échelle nationale ;
  • aucun nouvel objectif en matière d'efficacité énergétique avant l'examen en juin 2014 des avancées sur la directive sur l'efficacité énergétique ;
  • des recommandations non contraignantes sur le gaz de schiste qui pourraient devenir obligatoires en 2015 ;
  • une réserve de stabilité du marché pour le système européen d’échange de quotas d’émissions (ETS) capable de retirer ou de libérer jusqu’à 100 millions de crédits carbone ; et
  • l'échéance de la directive sur la qualité des carburants d'ici 2020, qui impose une réduction de 6 % de l'intensité de gaz à effet de serre des combustibles de l'UE.
  • 24 octobre 2014 : Deuxième jour du sommet européen à Bruxelles
  • 2015 : La nouvelle Commission présentera ses propositions d'intégration des objectifs pour 2030 à la législation européenne 
  • Décembre 2015 : Le sommet de l'ONU à Paris devrait parvenir à un accord mondial sur la protection du climat qui remplacera le Protocole de Kyoto

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