BFMTV
Amérique du Nord

Le pessimisme de Kerry va-t-il coûter cher à la Cop21?

Mais pourquoi le secrétaire d'Etat américain a-t-il tiré sur la Cop21 à une quinzaine de jours de l'ouverture du grand raout diplomatique sur le climat? Il s'agit en fait d'une manoeuvre destinée à rassurer les élus Républicains du Congrès.

Il a pris tout le monde de court. Alors que les militants environnementalistes du monde entier étaient encore tout à leur joie d'enterrer le projet d’oléoduc Keystone XL, comme l'a décidé Barack Obama, le secrétaire américain John Kerry a cassé l'ambiance. En déclarant qu'"il n'y aura pas d'objectifs de réduction juridiquement contraignants" lors de la Cop21, il a soufflé un vent glacial à 18 jours de l'ouverture des négociations internationales sur le climat.

Car, justement, face à l'urgence, tout l'enjeu de la Conférence de Paris organisée en décembre est l'obtention d'un accord le plus ambitieux possible pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais les positions prises par chacun restent fragiles et insuffisantes. Dans un tel contexte, toute reculade des Etats-Unis peut fragiliser la confiance nécessaire l'obtention d'un accord.

Hollande redresse le tir

"Ce ne sera certainement pas un traité (...) Il n'y aura pas d'objectifs de réduction juridiquement contraignants comme cela avait été le cas à Kyoto", a tranché John Kerry dans le Financial Times avant même le début des discussions.

Une déclaration à laquelle le ministre français des Affaires étrangères français, Laurent Fabius - futur président de la Cop21 - n'était visiblement pas préparé. S'exprimant depuis Malte, il a jugé ce jeudi que la formulation de son "ami" John Kerry "aurait pu être plus heureuse" et a rappelé que l'accord envisagé à la Cop21 se voulait "beaucoup plus ambitieux que celui de Kyoto", engageant les pays signataires à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. Puis c'est François Hollande lui même qui a enfoncé le clou.

"Si l'accord n'est pas juridiquement contraignant, il n'y a pas d'accord", a tenu à mettre au clair le président français en déplacement à Malte.

Un message de politique intérieure

En charge des Affaires étrangères aux Etats-Unis, ce n'est pourtant pas John Kerry qui négociera à Paris au nom de son pays lors de la Cop21. Sa prise de position doit en réalité être lue comme un message de politique intérieure, une suggestion que les décisions prises à Paris ne se traduiront pas forcément en actes.

Si les Etats-Unis, deuxième pays le plus émetteur de gaz à effet de serre, signent un accord à Paris, le texte devra être ratifié par le Congrès américain pour pouvoir être appliqué - comme c'est le cas avec les législateurs de chaque pays. Or le Sénat et la Chambre des représentants sont tous deux dominés des Républicains en pleine campagne des primaires et réfractaires à tout accord contraignant pour réduire leurs émissions.

Les Etats-Unis avaient d'ailleurs déjà refusé de ratifier les accords de Kyoto négociés en 1997. Par cette déclaration surprenante, John Kerry ne signe pas le désengagement de son pays de la Cop21 mais il tente de ménager les membres du Congrès, et l'opinion publique américaine, absolument pas prêts à s'imposer des règles strictes pour la planète. "Je comprends que les Etats-Unis ont un problème avec leur Congrès c'est tout à fait légitime et je sais combien c'est difficile, mais nous devons donner à l'accord de Paris, si accord il y a, un caractère contraignant", a encore insisté François Hollande quelques heures après les déclarations de John Kerry.

Tout espoir n'est pas perdu

Tout espoir de réussite de la Cop21 n'est donc pas encore enterré malgré cette fausse note. La semaine dernière, François Hollande s'est rendu en Chine, le pays le plus pollueur du monde. Les présidents français et chinois se sont exprimés en faveur d'"un accord ambitieux" et "contraignant".

La présence annoncée de Barack Obama, à Paris pour l'ouverture de la Cop21 est d'ailleurs un autre signal positif.

"Nous allons tous nous rassembler autour d'un cadre ambitieux pour protéger la seule planète que nous ayons", a même annoncé le président américain.

D'autant que les poids lourds de l'économie américaine commencent à bouger. Réunis en une coalition, ils ont envisagé dès cet été de consentir à des efforts en matière d'émissions de gaz à effets de serre.

Aurélie Delmas