Billet

[ECONOMIE DE LA FONCTIONNALITE] L’ADEME publie une étude prospective sur ce modèle économique d’avenir

© Daniel Coutelier – Terra

Imaginons en 2050 une économie qui n’est plus basée sur la production en volume de biens matériels et de services standards à moindre coût mais qui crée de la valeur sur les bénéfices apportés aux entreprises, citoyens et territoires dans une dynamique servicielle et en optimisant le cycle de vie des biens matériels. L’ADEME publie ce jour une étude prospective sur l’économie de la fonctionnalité qui explore les fondements d’un nouveau modèle économique, appréhende ses potentialités en termes de développement durable et présente les projets d’acteurs les plus prometteurs. Cette vision à 2050 permet, au travers des descriptions, de s’approprier les différentes dimensions de ce modèle économique en rupture.

 

L’économie de la fonctionnalité : de quoi parle-t-on ?

L’économie de la fonctionnalité consiste à fournir aux entreprises, individus ou territoires, des solutions intégrées de services et de biens reposant sur la vente d’une performance d’usage ou d’un usage et non sur la simple vente de biens. Ces solutions doivent permettre une moindre consommation des ressources naturelles dans une perspective d’économie circulaire, un accroissement du bien-être des personnes et un développement économique.


L’exemple d’Envergure Architectes : augmenter la performance d’usage des bâtiments pour réduire les constructions

Lorsqu’Envergue Architectes est sollicité pour concevoir une école, un hôtel d’entreprises, un cabinet médical, il propose d’inviter à la réflexion non seulement les futurs occupants, mais également les acteurs du territoire inscrits dans le voisinage. Ensemble, ils explorent les besoins afin de voir en quoi le bâtiment peut y répondre, dans une logique de multifonctionnalité et de performance d’usage et éviter ainsi qu’une école ne soit par exemple utilisée que sur les temps scolaires. L’objectif d’Envergure architectes : limiter la construction de bâtiments, et par là même la mobilisation de matière et d’énergie. La rémunération sur les bâtiments non construits, générant des gains monétaires et environnementaux, est actuellement explorée par les architectes.

http://www.envergurearchitectes.com/actualite/presse


 

Vision à 2050 : une économie servicielle et territoriale tournée vers un développement durable

L’étude propose une vision du nouveau modèle économique en 2050 qui revisite en profondeur les modes de production et de consommation, le travail, le financement et la gouvernance par rapport à notre modèle de production et de consommation actuel. Pour appréhender ce nouveau modèle, des exemples prospectifs très concrets sont racontés, comme par exemple une nouvelle organisation inter-entreprises autour de services audiovisuels ou un maraîcher qui propose une offre élargie autours de l’alimentation et du bien-être (voir encadré).


Extrait d’un récit prospectif: « D’une production maraîchère à un modèle serviciel d’alimentation durable »

En 2050, dans une lettre adressée à son petit-fils, un dirigeant d’entreprise relate comment son entreprise est passée du simple maraîchage à la production de solutions intégrées de biens et services qui offrent aux ménages et sites de restauration collective un accompagnement à bien se nourrir en cultivant la santé, la qualité gustative et le lien social. L’entreprise anime un écosystème d’acteurs locaux rassemblant d’autres maraîchers, des collectivités, des unités de transformation, des services de logistique et des chercheurs, dépassant les filières d’antan. Les revenus proviennent majoritairement des gains de performance, comme la réduction du gaspillage alimentaire dans les cantines scolaires, mais aussi des effets positifs directs et indirects de l’activité sur le territoire : lutte contre les déséquilibres alimentaires (bénéfice pour la santé et moins de dépenses de santé), réduction des pollutions des sols et des eaux… Les bénéficiaires de ces effets, les acteurs de la santé (mutuelles…), l’agence de l’eau locale, participent au financement car eux aussi captent la valeur créée par l’activité entrepreneuriale.


Exploration des scénarios possibles

Cette vision représente un scénario d’un modèle économique répondant à un développement durable, qui sera plus ou moins atteint en fonction des trajectoires possibles à 2050.14 variables ont été étudiées dans 4 domaines que sont l’évolution de la société, le développement territorial, la dynamique économique, la coopération et la gouvernance et enfin l’écologie. 4 scénarii possibles émergent :

  • Le scénario « tendanciel »: caractérisé par la cohabitation de plusieurs dynamiques économiques, mais aussi par une croissance économique fondée sur l’innovation technologique et le court terme. La dynamique servicielle a du mal à s’imposer.
  • Le scénario « Initiatives citoyennes et dynamiques territoriales »: caractérisé par la sobriété et la consommation responsable. Dans ce scénario l’entreprise se place au cœur d’écosystèmes coopératifs territorialisés.
  • Le scénario « Régulation étatique forte dans un contexte de ressources naturelles sous haute tension »: caractérisé par une forte régulation étatique, un développement territorial subi et une forte innovation technologique. Les entreprises parviennent difficilement à s’engager vers l’économie de la fonctionnalité.
  • Le scénario « Rapidité des mutations technologiques associées à une faible régulation » : où l’économie financiarisée prime sur les enjeux du développement durable, dans une logique de compétitivité par les coûts, associée à un faible ancrage territorial des entreprises.

 

Quelles conditions de développement de l’économie de la fonctionnalité ?

Au regard des scénarii possibles, les conditions de développement de la vision 2050 de l’économie de la fonctionnalité se précisent. Le scénario « Initiatives citoyennes et dynamiques territoriales » est le plus favorable. Le cheminement vers la vision passe par la sobriété et un nouveau contrat social.

Plusieurs enjeux se dessinent pour déployer ce nouveau modèle d’économie de la fonctionnalité :

  • La mise en œuvre de politiques de Développement Durable dans lesquelles les différentes dimensions – environnementale, sociale et économique- sont indissociées.
  • La conception et la mise en œuvre de dispositifs d’évaluation (méthodes, outils) pour révéler la valeur et partager ce qui fait valeur
  • La création des conditions d’émergence et de diffusion de l’innovation sociale.
  • Le développement de dynamiques de coopération et d’engagements réciproques entre les acteurs.
  • L’évolution conjointe des modes de consommation, des pratiques citoyennes et des modes de production de biens et services.
  • Conduire une gestion efficiente des biens matériels sur leur cycle de vie en cohérence avec les services

 

Consulter la suite