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Le Burkina Faso connaît un boom minier ces dernières années. La production en or du Burkina est passée de 5,8 tonnes en 2008 à 42,4 tonnes en 2012. Avec cette croissance du niveau de production, le Burkina est devenu le quatrième producteur d’or en Afrique après l’Afrique du Sud, le Ghana et le Mali. Une relecture de la législation minière au Burkina Faso a conduit à l’adoption d’un code minier le 8 mai 2003.

Ce nouveau code a pour objectif d’attirer les investisseurs étrangers en leur offrant des avantages fiscaux. Le secteur aurifère est celui qui s’est le plus développer et l’or est devenu le premier produit d’exportation du Burkina. On dénombre huit grandes mines d’exploitation industrielles et de nombreux sites d’exploitation artisanale de l’or au Burkina Faso. Parlant des sites d’exploitation industrielle, il s’agit de Taparko dans le Sanmatenga, de Youga dans le Boulgou, de Mana dans les Balé et le Mouhoun, de Kalsaka dans le Yatenga, de Inata dans le Soum, de Essakane dans l’Oudalan,de Bissa Gold S.A dans le Bam et de la petite mine STREMCO SA (Guiro) dans le Séno. Cependant il faut relever que l’exploitation des ressources du sous-sol, au-delà des retombées économiques et financières, a des conséquences désastreuses à long terme sur notre environnement et sur notre qualité de vie. De ce point de vue, l’exploitation minière met à mal notre droit à un environnement sain.

Le droit de l’environnement à un environnement sain est un droit humain. En effet la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires (…) ». La Constitution Burkinabè garanti de façon expresse le droit à un environnement sain à son article 29 qui dispose que : « le droit à un environnement sain est reconnu : la protection, la défense et la promotion de l’environnement sont un devoir pour tous ». Le code de l’environnement en son article 5 dispose que « Toute personne a le droit à un environnement sain. A cette fin, elle peut porter plainte devant les autorités administratives ou judiciaires compétentes afin de faire cesser les nuisances générées par les activités qui troublent la tranquillité, portent atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique. L’administration est tenue de répondre à sa requête ». Cet article va plus loin que la Constitution en donnant le droit de saisine à toute personne victime des nuisances dues à la violation du droit à un environnement sain.

Outre la Constitution, il existe de nombreux textes œuvrant pour une protection des populations riveraines des sites d’exploitation industrielle de l’or ainsi que des salariés de ces sociétés. Ces différents textes juridiques auraient du permettre un encadrement de l’activité minière au Burkina Faso et une prise en compte des parties prenantes dans la gestion des activités. Mais force est de constater qu’au Burkina Faso, il nait toujours des troubles dans les localités abritant ces sites. Ces différents troubles sont dus au non respect du droit à un environnement sain tant la cohérence de la triptype environnement-social-économie est laissé pour compte par des investisseurs résolument engagé dans la recherche sauvage et effrénée de profit.

Les investisseurs miniers ayant acquis des permis d’exploitation s’engagent à respecter les obligations qui lui sont soumises en vertu du code minier et du contrat type sur le permis d’exploitation. Les crises recensées dans les localités où sont implantées les sociétés minières de KALSAKA, d’ESSAKANE et plus récemment d’INATA sont dues au non respect des obligations ou du moins des engagements de ceux-ci à mettre l’homme comme une fin dans le développement de leurs activités. La mise en œuvre du droit à un environnement sain aurait dû permettre à ces investisseurs de participer à la croissance du pays en gardant comme boussole la durabilité et la viabilité. Ceci aurait assuré que les populations locales et les travailleurs aient une vie socialement acceptable après la fermeture de la mine. D’ailleurs, le plan de gestion environnementale, élaboré dans le cadre de l’étude d’impact environnement social, sert de document d’orientation pour garantir cette durabilité dans l’action est prévu et budgétisé. Mais, la réalité est tout autre. Le suivi et le contrôle des obligations et engagements des sociétés minières laissent souvent à désirer au point où ce sont les populations et/ou les travailleurs qui doivent prendre leur responsabilité. Mais force est de constater que cette étape est souvent occultée ou mal réalisée.

Le droit à un environnement sain des populations riveraines de ces sites implique le droit à un logement décent, l’accès à l’eau potable, à l’éducation, à la santé et à des centres de loisirs notamment lors de leur « déguerpissement » et de leur réinstallation dans d’autres localités. Malheureusement, le constat faire ressortir, à plus ou moins long terme, que la relocalisation des populations locales conduit à état de paupérisation dont les effets peuvent conduire à de « petites insurrections » dont l’effet d’entrainement se fait déjà ressentir çà et là. Par exemple lors de l’implantation de la mine de KALSAKA en 2003, une étude portant sur l’évaluation des champs qui seraient impactés par le projet a été réalisée. Cette étude a recensé 179 champs couvrant une superficie totale de 292 hectares, concernant 136 exploitants originaires de KALSAKA et de trois villages voisins.

Ces populations ont été indemnisées et les sommes ont été versées sur une période de cinq ans. Notons que la législation Burkinabè ne prévoit pas de modalités précises d’évaluation des indemnités. Les promoteurs calculent ces indemnités qu’ils reversent aux populations. Les populations ayant cédées leurs terres et par la même leurs moyens de subsistances risquent de se retrouver, après cette période, sans revenus. La meilleure solution (solution à long terme) serait d’accompagner ces producteurs à poursuivre leurs activités dans les localités où ils se réinstalleront. Ce fut l’objet de revendications des riverains des sites de POURA et d’ESSAKANE en 2006 (meilleures conditions sanitaires de logement).

Les promoteurs ont aussi des obligations en vers leurs salariés. Ces obligations sont contenues dans la législation du travail, de la sécurité sociale et les règles de santé publique. En effet l’utilisation de certaines substances nocives telles que le mercure et le cyanure dans le processus d’extraction, les effets des machines utilisées, l’inhalation à forte dose de la poussière qui se dégage peuvent affecter de façon irrémédiable la santé des employés et des populations riveraines. Les grognes permanentes des salariés de ces entreprises minières montrent à souhait les difficultés que ceux-ci ont à faire entendre raison à leurs responsables. Avec un code du travail, pratiquement acquis aux employeurs et au nom du prétendu « bon salaire » du travailleur minier, l’Etat en spectateur partisan ne fait grand-chose pour arranger les choses.

Au Burkina Faso, les populations ne bénéficient pas des retomber financières de l’exploitation de leurs ressources naturelles. En effet l’on peut juger que les parts qui reviennent à l’Etat au sein de ces sociétés sont faibles (la Déclaration de politique minière prévoit une part de 10% pour l’Etat) et les taxes et redevances reversées au niveau du Trésor public sont minimes par rapport aux bénéfices engendrées par l’exploitation surtout quand ces différentes sociétés sont souvent exonérées de leurs impôts (40,983 milliard de F CFA soit 1,1% du PIB en 2012). Cela ajouté à la violation de leur droit à un environnement sain et la réduction de leur qualité de vie entrainent des crises dans les localités abritent ces sites pouvant aller jusqu’à la suspension des activités de l’industrie.

Il faut à ce titre, saluer l’interpellation et les propositions faites par le RENAPEE (Réseau National pour la Promotion des Evaluations Environnementales), quant à la relecture du code minier, de la réalisation et du suivi des études d’impact environnementales et la réévaluation des parts entre les différents actionnaires y compris l’Etat. Ceci étant, il faut garder à l’esprit que le droit ne peut tout faire.

Sans une volonté politique réelle et une société civile engagée, le plus beau des codes miniers ne servira à rien. Espérons que l’affermissement de la consciente collective ayant connu un moment historique avec l’insurrection populaire fasse tache d’huile et contamine positivement les domaines vitaux permettant aux burkinabè d’être traités dignement.

Nafissatou Stella ZEBA
Membre du Cadre d’Action des Juristes de l’Environnement
cajeburkina@yahoo.fr ou zebastella@gmail.com