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Depuis un certain temps, il est un effet de mode que d’entendre parler de reboisement tout azimut. C’est la nouvelle donne à laquelle nous ont habitué les acteurs étatiques en charge des questions d’environnement et de développement durable au Burkina Faso. Commencé en 2007, le gouvernement lance des campagnes successives de reboisement durant les saisons hivernales. Par des thèmes aussi évocateurs les uns que les autres, le ministère de l’environnement et du développement durable entend prendre les devants pour une politique de reforestation de notre couvert végétal. Si l’on doit se réjouir de cette prise de conscience de l’Etat Burkinabè des questions environnementales comme une priorité aux pays des hommes intègres, il reste encore un long chemin pour parvenir à l’efficacité et l’efficience des actions sur le terrain.

Le Bureau National de l’association professionnelle Afrique Internationale pour le Développement et l’Environnement au 21ème siècle (AIDE21) dont l’une des missions consiste à contribuer à l’assise d’une véritable gouvernance environnementale au sein de nos politiques publiques, agit et analyse, depuis lors, pendant toutes ces campagnes initiées par les gouvernements. Après plus de 5 ans d’action de reboisement des campagnes de reboisement de l’Etat, il est de bon ton de marquer un temps d’arrêt pour jeter un regard rétrospectif afin d’apprécier la portée des efforts fournis par les acteurs étatiques et non étatiques œuvrant dans le domaine de la conservation et de la protection de l’environnement.

Le déboisement / déforestation, un phénomène aux multiples justifications

L’expansion agricole est la principale cause de déboisement dans le monde. Les plantations diverses, les méthodes de cultures archaïques, le développement des cultures pour l’élevage, l’exploitation minière de métaux et de minéraux précieux constituent des causes majeures de déboisement et de la destruction des ressources de la forêt.

Ainsi, beaucoup de petits agriculteurs pauvres et itinérants, participent aussi à la déforestation : ils défrichent et brûlent la forêt pour ensemencer de petites parcelles de terres.

L’exploitation illégale du bois joue également un rôle important dans la déforestation. Et le continent Africain à une grande responsabilité dans cette dégradation puisque près d’un quart de ses exportations de bois sont présumées d’origine illégale. Au Burkina Faso, le deuxième rapport sur l’état de l’environnement au Burkina montre que le pays connait une dynamique de régression de ses superficies forestières à un rythme de 105 000 ha par an due essentiellement à la coupe abusive du bois.

Or, il y a 4 siècles, 2/3 des terres étaient recouvertes de forêt, aujourd’hui, seulement un tiers. D’après les conclusions d’une enquête mondiale par télédétection, la superficie totale des forêts du monde totalisait 3,69 milliards d’hectares en 2005, soit 30 pour cent de la superficie mondiale (FAO, 12/2011). Malheureusement, selon le World Resources Institute, 80% de la couverture forestière mondiale originelle à été abattue ou dégradée, essentiellement au cours des 30 dernières années.

De 1990 à 2000, plus de 14,2 millions d’hectares de forêts ont disparu avec des conséquences quasi irréversibles à notre échelle. Cette tendance s’est alourdie puisque de 2000 à 2005, 15,2 millions d’hectares de forêt ont été détruits, soit l’équivalent de 40 terrains de football par minute (FAO, 12 /2011).

Ainsi, la perte nette de superficies boisées fut de 4,9 millions d’hectares par an de 1990 à 2000, contre 6,4 millions d’hectares par an dans les années 1990. Malheureusement le déclin s’accélère et la reforestation ne peut compenser, dans un temps court, les pertes d’espèces qui vivaient dans les forêts défrichées. De plus, le reboisement volontaire masque trop souvent la plantation d’espèces qui ne sont pas adaptées à leur milieu ou qui ne favorisent pas une biodiversité riche. La déforestation est une catastrophe aussi bien pour l’Homme que pour les autres espèces puisque on estime que 27 000 espèces animales et végétales disparaissent chaque année à cause d’elle. La déforestation touche toutes les forêts tropicales.

De ce constat plus qu’alarmant, l’on comprend que dans le contexte du Burkina Faso, il est urgent de prendre des mesures urgentes, dynamiques et efficaces pour la reforestation du couvert végétal national. Car à n’en pas douter, le reboisement / reforestation comporte bien des enjeux pour le développement environnemental et socio-économique de notre pays.

Les enjeux du reboisement / reforestation

Le reboisement consiste simplement à replanter des plants d’arbres sur un terrain qui a été déboisé. C’est une opération qui consiste à restaurer ou créer des zones boisées ou des forêts qui ont été supprimées. Le reboisement peut être naturel ou artificiel. Dans le premier cas, il se rapporte à la régénération naturelle des suites des actions spontanées, sans l’Homme, ou être initiée par ce dernier (régénération assistée). Elle se fait dans les deux cas par la dissémination des graines et propagules; par expression naturelle de la banque de graines du sol ou par apports via le vent, l’eau ou les animaux. Quant au reboisement artificiel, il se réalise par des actions de l’homme qui replante des arbustes devant servir à restaurer la densité du couvert végétal. Ce type de reboisement est réalisé dans le but de restaurer des stocks de bois d’œuvre ou pour stabiliser des sols érodés par des activités agricoles, d’élévage3 ou par la déforestation notamment dues à l’enlèvement d’un nombre important d’arbres pour la consommation (charbon, bois de chauffe, etc). La notion de reforestation laisse supposer un objectif plus ambitieux en termes de surface et de qualité écologique ou paysagère que celle de reboisement. L’objectif étant alors généralement de restaurer un écosystème de type forestier, atteignant donc une superficie assez significative pour justifier le qualificatif de forêt. Le reboisement devrait prioritairement permettre aux populations de manger, de se soigner, de vivre de manière décente sur le long terme. En effet, si les hommes coupent des arbres, c’est souvent pour répondre à un besoin de court terme, notamment d’amélioration de leurs conditions de vie. Il faut donc éviter que les jeunes arbres plantés soient une nouvelle fois coupés à cause notamment des difficultés socio-économiques des populations locales.

Ensuite, les activités de restauration du couvert végétal national répondent à une exigence de valorisation de la biodiversité. Cette dernière étant définit par la Convention sur la Diversité Biologique de 1992 comme la « variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie… »

Sa dimension fonctionnelle qu’il convient de superposer aux trois autres niveaux2 que sont les diversités génétique, des espèces et des écosystèmes est relative à la variété des interactions à l’intérieur de ceux-ci et entre eux. Elle est évaluée soit par le nombre d’espèces présentes sur un territoire, soit par la présence ou l’abondance de quelques espèces ou groupes d’espèces ayant un rôle particulièrement important dans le fonctionnement des écosystèmes. Ainsi, la biodiversité recouvre, de façon indissociable, non seulement l’ensemble des formes de vie sur terre (y compris l’être humain) mais aussi les relations que ces formes de vie tissent entre elles et avec leur environnement. La richesse écologique de la forêt est de ce fait absolument considérable. D’ailleurs, les forêts abritent de nombreux « points chauds » de biodiversité et même 90% de la biodiversité totale.

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Le reboisement est un moyen de lutte pour l’impact négatif des changements climatiques. La forêt a cet avantage de fixer le carbone (40% du carbone terrestre CO2 que nous émettons massivement et qui perturbe dangereusement notre climat est stocké dans la végétation et les sols des forêts). La densité de la forêt contribue nécessairement à l’absorption du gaz carbonique et donc contribue irrémédiablement à la réduction du réchauffement planétaire. C’est dans ce cadre que le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE) a initié en novembre 2006 avec la militante écologiste kenyane Wangari Maathai (Prix Nobel de la Paix en 2004) une campagne mondiale de reforestation « Plantons pour la planète : la campagne pour un milliard d’arbres», chaque planteur d’arbre pouvant enregistrer son acte via Internet. En 2008, plus de 2 milliards d’arbres dans le monde avaient déjà été plantés. Fort de ce succès l’ONU a relevé son objectif en visant 7 milliards d’arbres plantés d’ici la fin de l’année 2009, ce qui peut sembler ambitieux même si cela ne correspond qu’à un arbre par habitant à échelle de la planète, et alors que dans le même temps, la FAO estime que 80 000 km2 de forêt sont détruits chaque année (l’équivalent en surface de l’Autriche). Au 6 mars 2009, 4 323 556 527 arbres étaient « promis », et 2 722 670 332 étaient déjà plantés. C’est aussi un moyen pour l’ONU de rappeler dans tous les pays combien le rôle des forêts est important en tant que puits de carbone, ainsi que pour la restauration quantitative et qualitative des ressources en eau et pour la biodiversité. En 2008, 700 millions d’arbres avaient déjà été plantés en Éthiopie et 250 millions au Mexique. L’ONU rappelle qu’il faudrait en planter le double durant 10 années pour atteindre 130 millions d’hectares et parvenir à compenser la déforestation (en termes de surface boisée, mais sans pour autant récupérer la biodiversité perdue). Un projet existe au Sénégal visant 5 millions d’arbres en quatre ans, de la Casamance aux marges du désert du Sahara, pour restaurer un microclimat permettant l’évolution des sols et une vie plus intense.

Soulignons que les forêts, sont des formations végétales indispensables à la vie sur Terre. Ce sont des sources de nourriture, de refuge, de combustibles, de vêtements et médicaments pour de nombreuses populations. Ainsi, selon la FAO, 60 millions de peuples indigènes dépendent presque entièrement des forêts; 300 millions de personnes vivent dans ou aux alentours des forêts et plus de 1,6 milliard de personnes dépendent à divers degrés des forêts pour vivre !

De plus, les forêts jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau, qu’elles stockent et régulent.

La protection de la qualité du sol par le choix de méthodes de mécanisation adaptées. Il faut dire que Le déboisement détruit également les sols, rendant les terres improductives, particulièrement en zones tropicales et l’exposant au lessivage source d’inondations. Notons malheureusement que dans de nombreux pays en développement, « les techniques culturales

traditionnelles (…) qui savaient trouver un bon équilibre entre l’agriculture et l’environnement ont cédé le pas à des techniques modernes basées essentiellement sur la mécanisation agricole et la fertilisation des sols »3 fragilisant ainsi les ressources naturelles. Il convient, en cela, d’agir avec diligence pour une gestion durable du sol quand l’on sait que désemparés du fait de leur situation de précarité, certains utilisateurs n’intègrent plus les règles, mêmes les plus basiques, de protection de l’environnement et du foncier.

Les voies de solutions pour un reboisement / reforestation durable

Au niveau national

La définition d’un cadre stratégique national de reforestation du Burkina assis sur une base de participation et qui prennent en compte les principes clés de protection de l’environnement notamment le principe de la responsabilité partagée mais différenciée, le principe pollueur-payeur, le principe de précaution, le principe de prévention tel que défini par le nouveau code de l’environnement adopté en avril 2013. Suite à la mise en place du programme d’investissement forestier (PIF) initié en 2010, il faut accélérer et approfondir les cadres de concertation entre les acteurs étatiques, la société civile et les collectivités territoriales.

La mise en place d’un conseil de la reforestation au Burkina Faso dotée de l’autonomie administrative et financière, composé d’acteurs étatiques (Etat central, collectivités territoriales, etc) et non étatiques (ONG, associations, Entreprises privées).

Au niveau local

Etablir un plan d’orientation locale de valorisation de la forêt axé sur une plus grande implication des populations locales aux « affaires de la forêt ». A cet effet, les projets de forêt communale doivent être encouragés et renforcés. Mais au regard de l’extrême pauvreté des populations rurales, il faut inscrire la protection de l’environnement dans une perspective qui leur permettent de réduire la paupérisions endémique. De ce point de vue, la promotion et la valorisation des emplois verts doit être un moyen de concilier les besoins de protection des ressources de la forêt et l’indispensable gain des populations dans leur lutte pour la survie. En plus, il convient de renforcer la règlementation du marché de bois et du foncier qui, soulignons-le, contribue dangereusement à la déforestation quand il n’est pas maîtriser. A cet effet, il souhaitable de concevoir des primes à la reforestation où à la déforestation évitée à l’intention des acteurs intervenant dans la chaine d’exploitation du bois.

En tout état de cause, il faut saluer le langage ferme des autorités actuelles en matière de conditionnalités à l’occasion des campagnes de reboisement au Burkina Faso. Il nous a semblé entendre que la « fin de la comédie » ou de la « recréation » était arrivée. Le temps du tapage médiatique sans réel action de reboisement durable est révolu.

Désormais, il faut compter avec le ministère de l’environnement et du développement durable pour suivre à lettre la mise en oeuvre du paquet technologique dans les activités de reforestation ou de reboisement. S’il faut se réjouir de telles affirmations, nous, en tant que société civile, soucieuse du respect scrupuleux de la protection et de la conservation de l’environnement, seront regardant sur la mise en oeuvre des engagements pris par les structures étatiques en la matière. La redevabilité constitue une clef importante de

gouvernance des biens partagés. De ce point de vue, il faut aussi saluer le projet de loi à venir portant sur l’interdiction des sachets plastiques au Burkina Faso. En nous réservant le droit de revenir sur cette question prochainement, nous marquons notre parfaite adhésion à une telle initiative et restons disponible pour apporter notre contribution en amont en aval à une telle initiative.

Mamoudou BIRBA

Yda Alexis NAGALO

AIDE 21 – Burkina Faso

Aide21burkina@yahoo.fr

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birbamamoud@yahoo.fr