Session de 2018,
4e séance – matin & après-midi
ECOSOC/6873

La réunion extraordinaire de L’ECOSOC sur les ouragans entend des appels à l’aide, avant la conférence d’annonce de contributions du 21 novembre

La conférence d’annonce de contributions en faveur des pays des Caraïbes touchés par les récentes catastrophes, qui sera conjointement organisée par l’ONU et la Communauté des Caraïbes (CARICOM) le 21 novembre, a suscité l’espoir des participants à la Réunion extraordinaire que tenait aujourd’hui le Conseil économique et social (ECOSOC) pour examiner la question suivante: « les conséquences des récents ouragans: mettre en œuvre un Programme 2030 résilient et tenant compte des risques ».

« Tout ce que je veux, c’est qu’il cesse de pleuvoir », avait déclaré, transi de froid et d’espoir, un enfant de 2 ans en s’adressant à ses secouristes, des propos rapportés par la représentante de la Dominique qui dressait le bilan des récents ouragans.

En septembre, Harvey, Irma et Maria ont fait des dizaines de morts dans les territoires touchés, tandis que des milliers de gens ont été déplacés, des infrastructures et des maisons ont été endommagées et les moyens de subsistance ont été affectés.  Puis, ce fût la tempête tropicale Nate, en octobre, qui a provoqué des inondations, des glissements de terrain et des vents violents en Amérique centrale, faisant plus de 30 morts et affectant 600 000 personnes dans la région.  À cela se sont ajoutés de puissants tremblements de terre au Mexique qui ont dévasté les communautés à proximité de l’épicentre et tué plus de 400 personnes.

Une première estimation des dommages matériels causés par les ouragans Harvey et Irma évalue les pertes à 150-200 milliards de dollars aux États-Unis, et à plus de 10 milliards de dollars dans la région des Caraïbes, tandis qu’on attend encore l’évaluation des dommages résultant du passage de Maria.  C’est dire l’importance de cette conférence d’annonce de contributions qui a été annoncée, ce matin, par le Secrétaire général pour le développement humain et social de la CARICOM, M. Douglas Slater, peu après la visite du Secrétaire général de l’ONU en Dominique et à Antigua-et-Barbuda.

Si cette initiative a été saluée par les participants, le représentant du Venezuela a toutefois demandé d’éviter de commettre les mêmes erreurs qu’avec Haïti pour qui les promesses sont restées lettre morte après le tremblement de terre de 2010.  Son homologue de la République dominicaine a donc proposé, très concrètement, de créer un fonds de résilience spécial des Nations Unies pour aider les pays les plus vulnérables et prévenir un endettement excessif de ces derniers.

Dix millions de dollars ont d’ores et déjà été annoncés par les Émirats arabes unis comme leur contribution aux opérations de secours aux pays des Caraïbes, en plus des financements pour la reconstruction des systèmes énergétiques alloués à Antigua-et-Barbuda et à la Dominique, par le truchement des 50 millions de dollars du Fonds Émirats arabes unis-Caraïbes pour les énergies renouvelables.

Soulignant l’importance de cette aide financière, les participants à la réunion ont reconnu que les coûts de la reconstruction allaient saper les perspectives des pays touchés par ces catastrophes en termes de développement durable, comme l’a dit à l’ouverture la Présidente de l’ECOSOC, Mme Marie Chatardová (République Tchèque).

Prônant une approche préventive, la Vice-Secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies, Mme Amina J. Mohammed, a recommandé d’établir des systèmes de gestion des risques qui tiennent compte à la fois des catastrophes naturelles, des risques environnementaux et des aléas climatiques.  Cela se justifie d’autant plus que, selon des scientifiques, le nombre d’ouragans devrait augmenter si la température mondiale croît de plus de 2 degrés Celsius d’ici à 2050, comme l’a relevé M. Douglas Slater de la CARICOM.  Avec, en plus, l’augmentation prévue du niveau de la mer, il a anticipé un scénario catastrophe pour les îles de sa région et a plaidé pour qu’on facilite leur accès aux financements pour leur permettre de faire face aux chocs externes de cette ampleur. 

« Ces catastrophes nous rappellent que les changements climatiques ne sont pas une discussion philosophique », et c’est pourquoi il nous faut réitérer nos engagements en faveur de l’Accord de Paris sur les changements climatiques, a proposé le Président de l’Assemblée générale, M. Miroslav Lajčák (Slovaquie).  C’est dans cette optique qu’a été créée l’initiative CREWS, a rebondi le délégué de la France, une initiative qui vise à augmenter les capacités des systèmes d’alerte intégrés avec pour ambition de couvrir 80 pays vulnérables grâce à 100 millions de dollars d’ici à 2020.

« On parle de catastrophes naturelles, mais elles ne sont pas si naturelles, puisqu’elles sont le résultat des actions humaines », s’est étonné le Représentant spécial du Secrétaire général pour la réduction des risques de catastrophe, M. Robert Glasser, en soulignant l’impact anthropique dans les modifications du climat.  Il a relevé par exemple que l’acidification des océans, due au réchauffement du climat, conduit à la dégradation des récifs coralliens, lesquels ont toujours servi de barrière à l’impétuosité des vagues frappant les côtes.  C’est pourquoi il faut que les pays responsables des changements climatiques en payent la facture, ont exigé de nombreuses délégations.

Le représentant d’Antigua-et-Barbuda a pour sa part invité les Nations Unies à aider son pays à prendre en charge des milliers de réfugiés climatiques dont certains viennent des pays voisins affectés par les récents ouragans.  « Nous dépensons 45 000 dollars par jour rien que pour les nourrir », a-t-il affirmé. 

Il est vrai que 160 000 personnes ont été évacuées vers Antigua après le passage de l’ouragan Irma, a relevé la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, Mme Ursula Mueller, tout en plaidant pour la mise en place de méthodes d’alerte rapide dans les Caraïbes.  Elle a expliqué que les évacuations avaient été ralenties par le fait que les secouristes, ne disposant pas de données sur la population vulnérable, n’ont pas pu localiser rapidement les enfants, les femmes, les personnes âgées et les handicapés.

« Chez nous », s’est enorgueillie la déléguée de Cuba, les systèmes locaux et nationaux d’alerte rapide sont efficaces.  La Vice-Ministre des affaires étrangères du Panama a, quant à elle, annoncé la construction prochaine d’un centre logistique régional de prévention des catastrophes, qui pourra être mobilisé pour des secours d’urgence dans la région.

Au-delà des secours d’urgence, le relèvement doit aussi prendre en compte les actions de développement, a noté la Directrice régionale pour l’Amérique latine et les Caraïbes du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Sous-Secrétaire générale Jessica Faieta.  Elle a indiqué à cet égard que le PNUD avait déjà signé des partenariats avec des organisations non gouvernementales nationales et internationales et avec d’autres parties prenantes dans le cadre de la reconstruction des pays des Caraïbes affectés ces dernières semaines.  

Dans le cadre à la fois de la reconstruction et de la prévention, certains ont plaidé pour des solutions durables.  « On ne va reconstruire sans cesse les mêmes infrastructures qui seraient détruites le lendemain », a argué le Chef du Dispositif mondial de réduction des effets des catastrophes et de relèvement (GFDRR) du Groupe de la Banque mondiale, M. Francis Ghesquiere.  La Présidente de l’ECOSOC et d’autres orateurs ont rappelé à cette occasion les engagements pris dans le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015–2030.  Elle a aussi vanté les mérites des informations géospatiales dans la prévention des catastrophes, tout en se félicitant de la contribution du Comité d’experts sur la gestion de l’information géospatiale à l’échelle mondiale, un organe subsidiaire de l’ECOSOC.

La délégation des États-Unis a plaidé pour que les régions les plus vulnérables aux catastrophes collaborent davantage entre elles en vue de renforcer leur résilience.  Elle a aussi suggéré de s’appuyer sur les partenariats public-privé, expliquant qu’ils peuvent jouer un rôle important dans la réduction des risques de catastrophe.

Consciente du besoin de renforcement des capacités des pays en développement en matière de réduction des risques de catastrophe, la Fédération de Russie organise des formations pour des pays des Caraïbes et d’Amérique du Sud, a indiqué la délégation.  Le délégué du Chili a pour sa part donné un exemple de coopération triangulaire avec le projet Kizuna: des experts japonais et chiliens ont formé 2 900 professionnels de la gestion des risques de catastrophe des pays des Caraïbes.

« Pourquoi donc ne pas inviter ces pays vulnérables à se tourner vers des assurances privées quand ils ne sont pas éligibles aux aides publiques pour se prémunir des catastrophes », a interrogé la déléguée du Royaume-Uni pour explorer une autre voie en matière de prévention.

Les difficultés de financement de la prévention et de la résilience ont suscité de nombreux commentaires.  Le représentant de la Jamaïque a ainsi relevé que les mécanismes de financement innovants ne sont disponibles que lorsque le pays est déjà frappé par les phénomènes météorologiques extrêmes.  Et même dans ce cas, les barrières administratives rendent ces fonds inaccessibles, conduisant ces pays à s’endetter de plus belle.   

« Si l’on combine le poids de la dette des pays de la région avec les destructions annuelles causées par les catastrophes naturelles, alors il ne sera pas possible à ces pays de mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 », a même prédit le Représentant spécial du Secrétaire général pour la réduction des risques de catastrophe, M. Robert Glasser, en parlant de la situation des Caraïbes. 

Le taux d’endettement de la région dépasse 70% du produit intérieur brut, avec des pointes de 83% pour Antigua-et-Barbuda et de 110% pour la Barbade, a noté la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), Mme Alicia Bárcena Ibarra.  « Et c’est dans ces conditions qu’Antigua-et-Barbuda est censée passer à la catégorie des pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure? » a déclaré, stupéfaite, Mme Bárcena Ibarra en se désolant face au tableau d’un pays littéralement détruit.   

Mme Bárcena Ibarra a précisé que la dette de la région s’élève à 52 milliards de dollars, dont 2 milliards représentent la dette multilatérale.  C’est pourquoi la CEPALC a proposé la création d’un « fonds d’affectation vert » dédié aux investissements en faveur des projets d’adaptation aux changements climatiques pour les pays de la région.  La CEPALC propose en outre que l’encourt de la dette vis-à-vis des bailleurs privés soit remboursé en monnaies locales, afin que les États ne soient plus tributaires des fluctuations du cours du dollar.

Les pays des Caraïbes ont notamment dénoncé le « piège du revenu intermédiaire » qui veut que ces pays dotés d’un PIB élevé soient confrontés à de nombreuses vulnérabilités telles que leur petite taille, leur marché étroit, et la vulnérabilité de leurs économies face aux chocs externes.  « Le PIB par habitant n’est pas, selon M. Slater de la CARICOM, un critère adéquat pour mesurer le développement d’un pays. »  Abondant dans le même sens, plusieurs orateurs se sont plaints que ce critère prive ces pays d’accès à des financements à des conditions concessionnelles.

C’est pourquoi la Vice-Secrétaire générale, Mme Mohammed, a appelé à des financements innovants pour soutenir une résilience sur le long terme.  Il faut aussi revoir les critères d’éligibilité aux prêts concessionnels comme cela s’est déjà fait dans le passé dans le cas de pays à revenu intermédiaire abritant de larges populations de réfugiés, notamment la Jordanie et le Liban, a-t-elle aussi estimé avant de proposer un allongement des délais de paiements de la dette des pays touchés dans le contexte des catastrophes. 

Face à toutes ces préoccupations, les Pays-Bas ont proposé la création d’un poste d’envoyé spécial du Secrétaire général sur les changements climatiques, afin de focaliser les actions dans ce domaine, tandis que le Venezuela s’est improvisé porte-parole des « sept territoires non autonomes des Caraïbes » pour pointer du doigt le peu d’intérêt qu’accordent les puissances administrantes aux problèmes de ces territoires.

L’ECOSOC entend publier une déclaration présidentielle demain, 25 octobre 2017, pour capter les messages clefs et les recommandations de cette réunion. 

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