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L'IPBES, la plateforme scientifique mondiale sur la biodiversité, publie aujourd'hui un rapport historique et dramatique sur l'état de la biodiversité dans le monde. Le constat est - de nouveau - accablant et confirme que nous sommes à l'origine et subissons la sixième extinction massive du vivant.
3 ans de travail, 15 000 références scientifiques et gouvernementales épluchées et synthétisées par 355 experts de 50 pays, le rapport 2019 de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) est sans aucun doute l'analyse scientifique la plus aboutie sur l'état du vivant sur notre planète. A souligner : pour la première fois à cette échelle, ce rapport s'appuie aussi sur les savoirs autochtones et locaux, et aborde en particulier les questions concernant les peuples autochtones et les communautés locales.
Biodiversité : un constat dramatique
Depuis le début du XXe siècle, l'abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d'au moins 20 % en moyenne. Plus de 40 % des espèces d'amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus d'un tiers de tous les mammifères marins sont menacés. La situation est moins claire pour les espèces d'insectes, mais les données disponibles conduisent à une estimation provisoire de 10 % d'espèces menacées. Au moins 680 espèces de vertébrés ont disparu depuis le 16e siècle et plus de 9 % de toutes les races domestiquées de mammifères utilisées pour l'alimentation et l'agriculture avaient disparu en 2016, et 1 000 races de plus sont menacées.
« La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine - et le taux d'extinction des espèces s'accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier », alerte le rapport de l'IPBES, dont le résumé a été approuvé lors de la 7ème session plénière de l'IPBES, qui s'est réunie la semaine dernière (du 29 Avril au 4 mai) à Paris.
« Les preuves accablantes contenues dans l'évaluation globale publiée par l'IPBES et obtenues à partir d'un large éventail de domaines de connaissance, présentent un panorama inquiétant », a déclaré le président de l'IPBES, Sir Robert Watson. « La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d'éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier ».
En seulement 50 ans, nos sociétés dites "évoluées" ont saccagé une grande partie de la nature sur Terre et continuent à la faire décliner à un rythme 100 à 1 000 fois supérieur à celui qui prévaut normalement, hors extinction massive.
Actuellement le rapport estime qu'un million d'espèces animales et végétales sont menacées de disparition (sur les 8 millions estimées) : les "actions humaines" ont "significativement altéré le fonctionnement [des écosystèmes] dans la plupart des endroits du globe". Cette menace et ce déclin n'ont jamais eu lieu auparavant dans l'histoire de l'humanité, ce qui pousse de plus en plus de chercheurs à parler de 6e extinction massive du vivant.
Les causes du déclin de la biodiversité sont connues depuis des décennies et nous n'avons de cesse de les expliquer : déforestation, industries extractives, destruction des habitats, industrialisation de l'agriculture, utilisation massive de pesticides, dégradation des sols, surpêche, surpopulation humaine, changement climatique, déchets plastiques, étalement urbain, espèces envahissantes apportées par nos échanges (+ 70 % : depuis 1970), agrocarburants, surconsommation et soutien à tout prix de la croissance économique : jamais l'impact de l'Homme sur la planète n'a été si fort et généralisé. « Les principaux facteurs indirects comprennent l'augmentation de la population et de la consommation par habitant ; l'innovation technologique, dont les dommages causés à la nature ont diminué dans certains cas tandis qu'ils ont augmenté dans d'autres ; et, de manière critique, les questions de gouvernance et de responsabilité. Une tendance qui émerge est celle dite de l'interconnectivité mondiale et du « telecoupling ». Dans ce cas, l'extraction des ressources et leur production ont lieu dans une partie du monde, mais servent souvent à satisfaire les besoins de consommateurs éloignés, qui vivent dans d'autres régions. », explique le professeur Brondízio qui a co-présidé l'évaluation.
Les trois quarts de l'environnement terrestre et environ les deux tiers du milieu marin ont été significativement altérés par l'action humaine. En moyenne, ces tendances ont été moins graves ou évitées dans les zones qui appartiennent à ou sont gérées par des peuples autochtones et des communautés locales. A titre exemple, l'humanité a détruit 85 % des zones humides par rapport à l'ère préindustrielle.
Or, la biodiversité ce n'est pas seulement le plaisir d'entendre les oiseaux chanter ou de s'émerveiller devant un animal que l'on surprend au grès d'une randonnée, c'est la stabilité de la vie même - et la nôtre. Sans diversité biologique, pas d'oxygène, pas de médicaments (70 % des médicaments anticancéreux naturels ou synthétiques sont inspirés par la nature et environ 4 milliards de personnes dépendant principalement des médecines naturelles), pas de pollinisation, pas de protection contre les catastrophes naturelles, pour ne citer que quelques uns des nombreux services rendus par la nature.
Quelles solutions pour enrayer le déclin de la biodiversité ?
L'heure est tardive, les alertes sont légions, le consensus édifiant mais les politiques restent inertes ou agissent à la marge pour se donner bonne conscience avec la complicité indirecte de nombre de citoyens qui se réfugient derrière les autres pour justifier leur inaction.
Le rapport ne se contente pas d'un constat et met à disposition des décideurs les solutions à mettre en place. Tous les acteurs de la société doivent y participer à leur juste niveau de responsabilité : les Etats, les entreprises et les investisseurs, les collectivités locales et les citoyens.
« Le rapport nous dit aussi qu'il n'est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial », a ajouté Sir Robert Watson « Grâce au « changement transformateur », la nature peut encore être conservée, restaurée et utilisée de manière durable - ce qui est également essentiel pour répondre à la plupart des autres objectifs mondiaux. Par « changement transformateur », on entend un changement fondamental à l'échelle d'un système, qui prend en considération les facteurs technologiques, économiques et sociaux, y compris en termes de paradigmes, objectifs et valeurs.
Or, cette réorientation structurelle du développement de nos sociétés n'est absolument pas à l'ordre du jour : la très grande majorité des décisions politiques reste profondément entravée par le soucis de faire de l'argent, d'augmenter la croissance et le développement économique, peu importe les conséquences (écologiques, mais aussi sociales ou géopolitiques). Un frein puissant reconnu par l'IPBES : "les États membres de la plénière de l'IPBES ont reconnu que, par sa nature même, un changement transformateur peut susciter une opposition de la part de ceux qui ont des intérêts attachés au statu quo, mais également que cette opposition peut être surmontée pour le bien de tous."
Autrement dit, les objectifs pour 2030 et au-delà ne pourront être atteints que par un changement transformateur dans les domaines de l'économie, de la société, de la politique et de la technologie. Avec seulement quatre des vingt objectifs d'Aichi pour la biodiversité présentant des progrès réels dans leurs déclinaisons, il est probable que la plupart d'entre eux ne seront pas atteints d'ici l'échéance de 2020, s'inquiète l'IPBES.
Le rapport reconnaît l'importance d'inclure différents systèmes de valeurs, intérêts et visions du monde dans la formulation des politiques et des actions. Cela inclut de veiller à ce que la participation des peuples autochtones et des communautés locales soit pleine et effective dans la gouvernance, la réforme et le développement des structures d'incitation et à ce que la prise en considération de la biodiversité soit prioritaire dans la planification de tous les secteurs clés.
« Depuis les jeunes leaders d'opinion mondiaux du mouvement #VoiceforthePlanet jusqu'aux grèves des étudiants pour le climat, il y a une vague de fond qui montre que les jeunes comprennent qu'une action urgente est nécessaire si nous voulons assurer un semblant d'avenir durable. » s'enthousiasme Sir Robert Watson. Cependant, le fait que ce soit la jeunesse qui se mobilise montre que les adultes et notamment les décideurs ne sont pas à la hauteur de l'enjeu ou profondément égoïstes pour les générations futures.
« Dans toutes les cultures, les humains apprécient intrinsèquement la nature. La magie de voir des lucioles clignoter longtemps dans la nuit est prodigieuse. Nous puisons notre énergie et nos nutriments dans la nature. Nous trouvons dans la nature des sources de nourriture, de médicaments, de moyens de subsistance et d'innovation. Notre bien-être dépend fondamentalement de la nature. Nos efforts de conservation de la biodiversité et des écosystèmes doivent s'appuyer sur les meilleures connaissances scientifiques que l'humanité puisse produire. C'est pourquoi les preuves scientifiques compilées dans cette évaluation globale de l'IPBES sont si importantes. Elle nous aidera à jeter des bases plus solides pour façonner le cadre mondial de la biodiversité après 2020 : le « New Deal for Nature and People » (Le nouveau contrat pour la Nature et l'Homme) et pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. » indique Achim Steiner, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement.
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Citer cet article
Rapport de l'IPBES sur la biodiversité : 1 million d'espèces menacées de disparition, du jamais vu ; 06/05/2019 - www.notre-planete.info