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Mini-dossier : Développement durable et processus de développement

Développement du secteur financier et financement de l’activité agricole dans un contexte de crise alimentaire : quelle place pour la micro-finance ?

Financial development sector, agriculture financing and food crisis : how microfinance impacts
Sandra Kendo

Résumés

Dans un contexte de crise alimentaire grandissante et où plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim, l’étude de l’optimisation du secteur de l’agriculture, au travers du renforcement des moyens de financement en vue de desservir un grand nombre de pauvres, révèle toute son importance. Il s’agit ainsi d’analyser la manière dont la microfinance peut contribuer favorablement à améliorer le financement de l’agriculture en vue de favoriser une amélioration des conditions de vie des populations pauvres. L’innovation et l’adaptation aux besoins des agriculteurs peuvent être instrumentées par la microfinance. Les capacités des ménages agricoles ont une double influence sur le processus de réduction de la pauvreté, à travers, d’une part, de la productivité des ménages agricoles, d’autre part, de la distribution de revenus. De manière spécifique, l’article évalue l’impact que le secteur financier peut avoir sur la productivité agricole, puis celui que cette dernière peut avoir sur la pauvreté. Il ressort de cette analyse que le secteur financier ne contribue pas à améliorer la productivité, mais il constitue un facteur essentiel qui agit positivement dans le processus de réduction de la pauvreté. De plus, il existe une relation négative et non linéaire entre la productivité agricole et la pauvreté. En vue d’améliorer l’action du secteur financier auprès des agriculteurs, un cadre qui favorise une intermédiation financière basée sur la microfinance peut être développé. Il est nécessaire de valoriser et de vulgariser l’action des acteurs de la microfinance auprès des agriculteurs. Le développement d’un financement adéquat et adapté au travers de la microfinance dans le secteur agricole doit d’être une priorité. Ce qui influence positivement autant la productivité que la réduction de la pauvreté.

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Texte intégral

  • 1 Cette citation de Gunnar Myrdal est tirée du livre de Hayami, Ruttan et Malassi (1998) : Agricultur (...)

« C’est dans le secteur agricole que la bataille pour le développement économique à long terme sera gagnée ou perdue »1.G. Myrdal

1La conviction de Gunnar Myrdal mise en exergue ci-dessus relance le débat actuel sur le rôle clé de l’agriculture dans le développement d’une économie. Cette importance se révèle davantage dans la plupart des économies africaines où l’agriculture a une contribution considérable au produit intérieur brut. Le mécanisme de financement des activités agricoles, des pays africains connaît deux phases successives : une phase d’intervention publique, puis une phase de libéralisation. Les décennies 1960 et 1970 sont marquées par les cours favorables des matières premières et une forte présence de l’État dans la majorité des activités économiques. Au regard de la rente qui en découle et de la nécessité de mieux orienter le financement de l’activité agricole, les décideurs publics encouragent la création d’établissements publics spécialisés et des banques agricoles qui octroient des crédits à des taux bonifiés.

  • 2 Cette observation est faite dans le Projet d’appui au programme de microfinance ; Annexe II, p. 3. (...)
  • 3 La panique bancaire est définie ici comme étant un mouvement de retrait collectif sur les dépôts ba (...)

2La deuxième moitié des années 1980 se caractérise par la détérioration de la situation macroéconomique couplée à la dégradation des bilans des banques2. Dans ce contexte, les entreprises publiques comme privées réagissent en effectuant des retraits massifs auprès des banques, créant ainsi un mouvement de « panique bancaire »3. Afin de restaurer le système bancaire défaillant, des restructurations sont entreprises. On assiste à des liquidations de certaines banques et à la fusion ou la recapitalisation d’autres banques. Cette phase de gestion de crise se caractérise particulièrement par le désengagement de l’État durant la première moitié des années 1990 de la plupart des activités économiques. Le Fonds Monétaire International (FMI) préconise à cet effet une approche fondée essentiellement sur les lois du marché.

3La mise en pratique de ces lois de marchés s’effectue par des politiques d’austérité, de privatisation et de libéralisation. L’intérêt du secteur bancaire pour le milieu rural pratiquant essentiellement l’agriculture diminue progressivement. Ce déclin s’explique en partie, d’une part, par le manque de garanties classiques et la précarité de l’activité agricole, et, d’autre part, par la distance. Les bureaux ou agences de crédit sont pour la plupart localisés en milieu urbain et dans les zones moins enclavées. Ce qui constitue un obstacle à l’accès aux crédits pour les populations pauvres qui se trouvent en majorité en zone rurale. De plus, il est difficile pour ces banques d’établir une relation de confiance avec leurs clients pauvres qu’elles considèrent comme dépourvus de toutes garanties. Les coûts associés aux prêts bancaires dans les zones rurales restent donc élevés car ils intègrent à la fois les coûts de transaction et le risque encouru.

4On constate dans ce cadre une exclusion financière dont les facteurs sont à la fois endogènes (relatifs à la nature de l’activité du client et à son niveau de vie) et exogènes (relatifs aux facteurs environnementaux et aux objectifs de la structure bancaire). En vue de résoudre ce problème de financement, les populations rurales en général et les agriculteurs spécifiquement font appel aux prêteurs informels (usuriers) et prêteurs semi-formels (microfinance, coopératives, mutuelles, banques rurales). Les prêteurs informels, tout comme les prêteurs semi-formels, pour la plupart, ne respectent pas les normes d’un marché concurrentiel (Hoff et Stiglitz, 1995). De plus, les prêteurs semi-formels ou institutions de microfinance occupent au fur et à mesure une place de plus en plus importante dans le développement du secteur financier (Kendo, Bayé et Fondo 2010).

  • 4 Ces différentes crises sont : la crise des subprimes, la crise financière et la crise alimentaire.

5Un des atouts de ces prêteurs semi-formels est leur mise en pratique de la finance décentralisée selon un modèle « down-top » (Wampfler, 1999). Cette stratégie repose sur le fait d’aller chercher la clientèle dans la rue pour l’amener à intégrer le secteur financier. Ainsi, il s’établit dans ce cadre entre le prêteur et l’emprunteur une relation de confiance basée sur la proximité. Durant la deuxième moitié de la décennie 2000, le mécanisme de développement des différentes économies se caractérise par une succession de crises4 qui aboutit à la crise économique. Une étude réalisée par le Fonds Monétaire Internationale en 2010, révèle que la crise financière a des effets très contrastés dans les pays de la région d’Afrique Subsaharienne. Les pays Subsahariens les plus touchés sont : les pays à revenu intermédiaire et les pays exportateurs de pétrole.

6Dans ces pays, le taux de croissance médian est passé de 4,5 % entre 2004 et 2008 à 0,5 % en 2009 (FMI, 2010). Les pays à faible revenu de la région d’Afrique Subsaharienne connaissent une diminution moins marquée du taux de croissance médian. Entre 2004 et 2008 le taux de croissance médian y est égal à 5,5 % contre 3,5 % en 2009 (FMI, 2010). Au cours de cette période de crises, les pays d’Afrique Subsahariens ont connu un ralentissement de son activité couplé à une hausse des prix des produits des matières premières. Cette hausse des prix produit à moyen terme, un effet négatif sur la plupart des balances commerciales de ces pays. L’augmentation des prix des matières premières affecte la satisfaction des besoins en produits de base pour les populations pauvres et celles ayant une situation précaire. Ce qui produit par effet d’accumulation une crise alimentaire qui amplifie la crise économique.

7La crise alimentaire affecte le mode de gestion et d’allocation des demandeurs de crédits. Il en découle un différentiel entre le taux de remboursement potentiels et celui effectif. Les demandeurs de microcrédits sont en grande partie les populations pauvres et celles à situation précaire. En considérant ce contexte de crise, les institutions de microfinance doivent faire face à de nombreux enjeux et risques. Wampfler (2008), dans son étude, souligne l’existence d’un biais dans l’utilisation des petits prêts octroyés aux exploitants agricoles. Ce biais est directement lié à l’augmentation du coût des besoins de base nécessitant davantage des moyens financiers. Le secteur de la microfinance est dominé par la présence de microstructures qui se font concurrence. Ce contexte concurrentiel encourage les emprunteurs à multiplier leurs sources de financement.

8La majeure partie de la clientèle emprunteuse est ainsi enfermée dans un modèle de Ponzi dans lequel la dette est une porte de sortie pour résoudre un problème d’endettement. Cette situation favorise probablement le développement de comportements de sélection adverse de la part des clients pauvres. Ces derniers, ayant plusieurs prêteurs, créent un effet « voile » pour le prêteur. Cet effet « voile » consiste à faire croire au prêteur que l’emprunteur est un bon client sur la base de ses taux de remboursement qui, en feedback, est conditionné par sa capacité à exploiter les aspects qu’offre la concurrence. Ainsi, la précarité de la situation financière du client pauvre comparée à sa capacité de remboursement dans ce contexte de crise alimentaire reste considérable. La réduction des effets négatifs produits par la crise alimentaire peut passer par un ciblage des zones d’Afrique les plus affectées et par la définition des modèles de financement.

9Cette définition est faite en fonction des facteurs de production identifiés comme défaillants. L’étude des facteurs de production doit, parallèlement, se faire en tenant compte de spécificités régionales car la pratique de l’agriculture est différenciée suivant la sous-région d’Afrique considérée. Par exemple, en Afrique Orientale et spécifiquement en Somalie et en Éthiopie, on constate que les conditions climatiques rendent difficile la pratique de l’agriculture. Néanmoins, il existe des sous-régions d’Afrique, telles l’Afrique Australe, Centrale ou encore l’Afrique Occidentale, où les conditions climatiques sont favorables pour la pratique de l’agriculture. Le développement de l’agriculture dépend de la valorisation des facteurs de production, de l’intégration des techniques innovantes et des disponibilités financières allouées au secteur agricole.

10La pratique de l’agriculture intégrant différentes étapes (production, transformation et commercialisation), il existe des limites spécifiques à chacune des étapes. Dans le système de production, le problème se pose au niveau de l’intégration des nouvelles techniques agricoles. La non adoption de ces techniques est justifiée la plupart du temps par la connaissance limitée ou inexistante des agriculteurs relative aux effets positifs obtenus via ces nouvelles techniques. Une étude de terrain auprès des agriculteurs camerounais (Kendo et al., 2010) révèle, par exemple, que l’adoption de ces nouvelles techniques agricoles est limitée par le problème du financement de son coût. Les agriculteurs se trouvent généralement contraints au plan financier, et conservent donc les anciennes techniques, qui paraissent relativement moins coûteuses.

11Au niveau de la transformation, les problèmes soulignés ont trait, d’une part, à la vulgarisation des techniques auprès des agriculteurs, et, d’autre part, à la formation des agriculteurs dans la mise en pratique des nouvelles techniques. La commercialisation pose essentiellement des problèmes liés à l’identification des débouchés et au transport de la production. La demande des services financiers effectuée par l’exploitant agricole regroupe des crédits spécifiques, une épargne adaptée et des services d’assurance. La demande de crédit agricole exprimée est principalement de trois types (Wampfler, 2002) : (1) un crédit de court terme, qui concerne principalement le financement de la campagne, l’embouche, la soudure ; (2) un crédit de moyen terme, qui concerne l’achat d’équipement ; (3) enfin, un crédit de long terme, qui concerne l’achat d’équipements lourds et de terrain.

12Suivant une étude menée à Madagascar (Wampfler, 2008), la microfinance contribue à réduire la vulnérabilité des populations pauvres face à la crise alimentaire au travers de quatre facteurs financiers principalement : l’accès à des crédits de stockage, l’accès à des crédits d’investissement, l’accès à une gamme diversifiée de crédits et une stabilisation à long terme de l’accès aux crédits. Cette étude révèle que de nombreux acteurs financiers ruraux disposent de très peu de fonds pour les activités agricoles. Les principaux financements convergent vers des secteurs tels que les petits commerces, l’artisanat, l’élevage et la transformation alimentaire. S’inscrivant dans le sillage de cette problématique, l’objet de cet article est d’analyser la manière dont le financement de l’activité agricole peut être adapté dans un contexte de crise alimentaire en vue de réduire la pauvreté. Autrement dit, il s’agit d’analyser comment la microfinance peut contribuer à améliorer le financement de l’activité agricole permettant une amélioration des conditions de vie des populations pauvres. Spécifiquement il s’agit d’évaluer l’impact du crédit octroyé sur le niveau de productivité agricole et l’impact de cette productivité estimée sur la pauvreté.

1. L’analyse théorique : le secteur financier et le financement agricole 

13Les établissements de microfinance sont des institutions agréées qui mettent à la disposition de leurs clients des services financiers tels que : les microcrédits, les micro-épargnes et les micro-assurances. L’analyse de la question du financement de l’agriculture se développe dans un contexte de libéralisation des économies agricoles. Des analyses mettant en évidence cette question est faite spécifiquement en Afrique de l’Ouest. En 2002, un séminaire international sur la question est organisé par le CIRAD et CERISE. Ce séminaire souligne au préalable le manque d’accès au financement qui reste une entrave importante au développement des ménages agricoles. Pourtant, les ménages dits agricoles ont des besoins réels tels que : l’intensification de l’agriculture, sa modernisation, ses innovations technique et organisationnelle (Wampfler, 2002).

14Des solutions y sont proposées en vue d’améliorer la contribution de la microfinance. Ces solutions se focalisent essentiellement sur l’offre des services de microfinance, une amélioration de l’adéquation entre le secteur de la microfinance et le secteur agricole et une coordination du secteur agricole et des politiques publiques élaborées. Des solutions se focalisant sur l’adéquation, la modernisation et la valorisation de la demande des agriculteurs ont été évoquées de façon plus approfondie. La compréhension des contraintes liées au financement de l’agriculture passe aussi par la mise en évidence de deux éléments : le niveau de capacité des ménages agricoles et les contraintes liées à l’activité agricole. L’augmentation de la production agricole dans une économie peut apporter des transformations considérables. Les effets positifs en découlent en termes d’amélioration de la croissance économique et du niveau de vie des populations vivant dans des conditions restreintes.

15La chaîne de transmission des effets de l’augmentation de la production agricole est analysée par Hayami & Rutton (1998). Ils soulignent les faits suivants : (1) l’augmentation de la production agricole crée un excédent qui permet de compléter le salaire de subsistance des ménages. Cet excédent est considéré comme étant un fond salarial pour les capitalistes et permet de recruter davantage de main d’œuvre. (2) Ce fond salarial issu de l’augmentation de la production agricole va s’accroître suite à une confrontation de l’offre et de la demande. Cette augmentation du fond salarial s’accompagne d’une augmentation du taux de salaire et d’une diminution du taux de rendement du capital. (3) L’augmentation du taux de salaire entraîne une augmentation du taux de croissance de la population. La conséquence de ce taux de croissance de la population s’accompagne d’une augmentation de la demande des produits alimentaires. (4) Cet excédent de la demande des produits alimentaires s’accompagne d’une hausse des prix des produits alimentaires qui se traduit par une réduction du salaire réel.

16Cette réduction du salaire réel suite à l’augmentation de la production agricole a un effet sur le processus économique et est compensé par la dynamisation des autres secteurs d’activité. Ainsi, une augmentation de la production agricole doit être gérée de façon à contrecarrer les effets inflationnistes qui pourraient annihiler l’effet positif enregistré au départ. L’élaboration des politiques publiques visant à stabiliser le système économique en vue d’assurer une répartition équitable se doit d’être développée. Néanmoins, l’augmentation de la production agricole est essentielle et nécessaire dans les pays où l’agriculture est un des vecteurs principaux de la croissance économique. Sa promotion et l’amélioration de son apport se doivent non seulement d’être valorisées mais aussi d’être vulgarisées au sein de ces économies.

17Il est donc essentielle de recenser les besoins dont peuvent faire face les agriculteurs dans un contexte où l’accès à la finance formelle est très sélective et peu incitateur. Adapter le type de financement lié à l’agriculture nécessite de répertorier les besoins des agriculteurs en fonction de leur mode de vie (Wampfler et Lapenu, 2002). Les besoins sont : (1) Les besoins de court-terme : l’exploitant agricole a besoin des biens tels que : les intrants, les fongicides, les cultures maraîchères et culture de moins de 12 mois la main d’œuvre salariée, la location et le métayage, l’embouche, le stockage et la transformation de la production. (2) Les besoins de moyen-terme sont : la dotation en équipement pour intensification, la commercialisation, le stockage (bâtiments), achats d’animaux, achat de terre. (3) Les besoins de long-terme qui sont : la création des plantations plus vastes des cultures pérennes.

18L’achat des matériaux agricoles tels que la traction animale, le tracteur, la motopompe. Comme autres besoins, on a les besoins familiaux qui concerne la santé, l’éducation des enfants et des proches, le logement, l’accès à l’eau potable, l’achat des biens et équipements du logement. Puis, la détention de l’épargne ; car l’épargne est une ressource indispensable pour financer le lancement d’une activité agricole et prétendre acquérir un crédit par la suite. Le processus d’accumulation des revenus issus de l’agriculture passe tout d’abord par l’obtention d’un revenu extérieur à l’agriculture en vue du lancement de cette activité. L’accumulation de l’épargne permet également de compléter le revenu monétaire tiré de l’exploitation des trop faibles superficies auxquelles les agriculteurs peuvent avoir accès. Enfin, les services non-financiers qui concernent l’accès aux biens publics et l’élaboration des programmes d’appui techniques.

  • 5 Les capacités des ménages font référence ici aux capacités physiques telles que le niveau d’éducati (...)

19En ce qui concerne les biens publics, ils sont essentiellement liés à la mise en œuvre d’infrastructures adéquates en vue de faciliter la vulgarisation des pratiques innovantes en agriculture. Les programmes d’appui techniques élaborés pour les agriculteurs avec un esprit recherche/action en partenariat permet d’améliorer les dotations en capital humain et l’acquisition de l’expérience dans le domaine des pratiques agricoles. En ce qui concerne la faible capacité5 des ménages agricoles, elle entraîne : 1) une difficile mobilisation des garanties matérielles, 2) une contrainte d’accès à l’information en vue d’évaluer et limiter le risque et 3) une acquisition de faible montant de crédit ne permettant pas aux ménages de pouvoir dégager des marges bénéficiaires.

20Pour les activités agricoles, il existe les risques endogènes et les risques exogènes. Comme risques endogènes, on peut citer l’existence d’une inadéquation entre le progrès technique intégré et le niveau de développement de l’exploitation familiale existante. Lorsque le système de production est très peu diversifié, les risques individuels de non remboursement sont accentués. En ce qui concerne les risques exogènes, on a les aléas climatiques tels la sècheresse, les inondations ; les épidémies, l’approvisionnement des intrants et le problème des débouchés, le problème de fixation des prix de vente ou encore le retard de paiements. Deux des aspects sont mises en évidence comme étant des « canaux » à exploiter par la microfinance en vue d’améliorer le financement de l’agriculture. Ces canaux sont : les contraintes liées à la capacité des ménages agricoles et les contraintes liées à l’activité agricole.

2. La méthodologie de l’étude

21Cette partie méthodologique s’organise comme suit : la source de données ainsi que leur type sont présentés tout d’abord, puis, la définition des variables utilisées et enfin la présentation des modèles et des méthodes d’estimation de l’étude.

2.1. Les données utilisées

22L’échantillon de données est principalement constitué de 15 pays de la sous-région Afrique de l’Ouest qui sont : le Bénin, le Burkina-Faso, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, le Ghana ; la Guinée, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, Sao-Tomé et Principe, le Sénégal, la Sierra-Léone et le Togo. Les données sont collectées sous forme de panel couvrant une période de 5 ans à savoir : 1995, 2000, 2003, 2004 et 2005. Les données collectées sont secondaires et sont recueillies essentiellement auprès des bases de la Banque Africaine de Développement (BAD) publiées en 2008 et de World Development indicators de la Banque Mondiale publiées en 2008. Dans l’échantillon, il existe un problème de biais de sélection apparent couplé à de nombreuses données inobservables. Selon un suivi dans le temps, on dispose de très peu de statistiques dans le cas des pays de la zone Afrique de l’Ouest. Ceci explique le fait qu’on connait des sauts dans la constitution de la base de données et qui justifie en partie l’utilisation du modèle de Poisson.

2.1.1. Les variables de l’étude

23Les variables dépendantes sont au nombre de deux. D’une part, on a la productivité de l’activité agricole qui est la part de contribution de la valeur ajoutée de l’agriculture par tête de chaque pays de la sous région sur le PIB national. La variable est notée valeur ajoutée. D’autre part, on a l’indice de pauvreté qui s’évalue à l’aide de l’indicateur de pauvreté humaine et est noté Pauvreté.

24Comme variables indépendantes, on a constitué des facteurs qui permettent de capter le niveau de capacité d’un ménage agricole. Ces facteurs sont : Les dépenses de consommation des ménages, notées dépenses. Le développement financier, est le crédit domestique au secteur privé sur le PIB, capte l’action du secteur financier et évalue la disponibilité du crédit octroyé. Cette variable est notée crédit. crédit² représente le carré du développement financier. Le pourcentage de terres alloué aux activités agricoles par rapport à la superficie des terres disponibles et est notée terre. terre² représente le carré du pourcentage de la terre allouée à l’agriculture. L’indice synthétique de fécondité de la femme évalue le nombre de naissance par femme dans un pays et est notée fertilité. Fertilité² représente le carré de l’indice de fécondité de la femme. Le taux de scolarisation du primaire est noté primaire. Le taux de scolarisation du secondaire est noté secondaire. Le pourcentage de femmes actives dans l’agriculture est notée femme_agr ; femme_agri2 représente le carré du pourcentage des femmes pratiquant l’agriculture. Le pourcentage d’hommes actifs dans l’agriculture est notée homme_agri. Le pourcentage de la population âgé entre 15 et 64 ans par rapport à la population totale et noté popul. Le pourcentage de matériel roulant agricole utilisé dans un pays qui évalue le nombre de tracteurs et autres matériels utilisés sur les terres arables et cultivable et notée machine. Le pourcentage des dépenses publiques de santé par rapport au PIB est noté santé. Le taux d’inflation mesure la variation de l’indice des prix à la consommation et noté inflation.

2.1.2. La présentation du modèle de l’étude

25La spécification en panel est construite à l’aide de la loi de Poisson et estimé par le maximum de vraisemblance. Le modèle de Poisson définit dans Wooldridge (2002) et Baltagi (2008) se présente comme suit :

26Avec i qui représente les 15 pays de la zone Afrique de l’Ouest ; t représente le nombre d’années considéré qui est de 5 ans. La détermination de λit s’effectue à l’aide d’un modèle semi logarithmique qui se définit comme suit :

27Avec μi qui représente les effets individuels spécifiques non observables. Pour le modèle à effets fixes, on suppose que la moyenne est égale à la variance c'est-à-dire :

28Et notre effet marginal de la variable explicative est donné par :

29Notre fonction de vraisemblance associée à cette loi de Poisson en données de panels se présente comme suit :

30Ce modèle de Poisson ainsi définit à partir de l’équation (1) est estimé en ayant comme variable expliquée la productivité agricole d’une part et la pauvreté d’autre part. dans l’équation du modèle de productivité les variables explicatives sont les suivantes : le développement financier (Crédit) ; le développement financier au carré (Crédit²) ; l’utilisation du matériel agricole (machine) ; la terre alloué à l’agriculture (terre) ; l’indice de variation des prix à la consommation (inflation) ; les dépenses de consommations des ménages (dépense) ; le taux de scolarisation du primaire (primaire) ; le taux de scolarisation du secondaire (secondaire) ; le nombre de naissance par femme (fertilité) ; le carré du nombre de naissance par femme (fertilité²) ; le pourcentage de femmes actives dans l’agriculture (femme_agri) ; le pourcentage d’homme actif dans l’agriculture (homme_agri) et la population en âge de travailler âgée entre 15 et 64 ans (popul).

31En ce qui concerne les variables explicatives du modèle de pauvreté nous avons : la productivité agricole (valeur ajoutée) ; la productivité agricole au carré (valeur ajoutée²) ; le développement financier (Crédit) ; la terre alloué à l’agriculture (terre) ; le carré de la terre (terre²) ; l’état de santé (santé) l’indice de variation des prix à la consommation (inflation) ; les dépenses de consommations des ménages (dépense) ; le taux de scolarisation du primaire (primaire) ; le taux de scolarisation du secondaire (secondaire) ; le nombre de naissance par femme (fertilité) ; le pourcentage de femmes actives dans l’agriculture (femme_agri) ; le carré du pourcentage de femmes actives dans l’agriculture (femme²) ; le pourcentage d’homme actif dans l’agriculture (homme_agri) et la population en âge de travailler âgée entre 15 et 64 ans (popul). L’indicateur utilisé dans l’étude pour effectuer le test est celui du rapport des maximas de vraisemblance qui suit une loi de. L’hypothèse à tester est la suivante :

2.2. L’analyse des résultats

32Les tableaux des différents résultats obtenus à l’aide du logiciels STATA sont présentés en annexe de notre document. Premièrement, le tableau 1 présente l’analyse statistique des différentes variables utilisées. Via ce tableau, on constate que le nombre d’observations n’est pas le même pour toutes les variables. Il varie entre 66 et 75 et l’échantillon est de petite taille. Il y’a aussi dans l’échantillon un fort degré dispersion autour de la moyenne observable qui n’est pas symétriquement étalée. En ce qui concerne, les estimations du modèle de Poisson, les estimateurs obtenus sont robustes à l’aide du maximum de vraisemblance. L’interprétation des signes d’influences s’effectue dans les tableaux de régression (tableaux 2 et 4 dans l’annexe) qui mettent en évidence les signes des coefficients des facteurs explicatifs. Les coefficients considérés pour l’interprétation sont présentés dans les tableaux des effets marginaux (tableaux 3 et 5 dans l’annexe).

33En ce qui concerne le modèle de productivité, la variable dépendante dans le tableau d’estimation est la valeur ajoutée de l’agriculture. Sept variables explicatives associées y sont toutes significatives au seuil de 1 %. Ces variables sont : le crédit ; le crédit au carré ; la terre ; le taux d’inflation ; les dépenses de consommation, le taux de scolarisation du secondaire ; le taux de fertilité ; le taux de fertilité au carré ; le pourcentage de femmes actives dans l’agriculture et le pourcentage d’homme actif dans l’agriculture. Parmi ces variables, certaine ont des influences négatives et contribue à diminuer la valeur ajoutée de l’agriculture. D’autres influencent positivement la valeur ajoutée de l’agriculture. L’indicateur du développement financier noté crédit dans le tableau 2 des résultats influencent négativement la productivité agricole.

34Il existe une relation non-linéaire en U inversé entre le développement du secteur financier et la productivité agricole. Cet effet négatif à tendance non linéaire peut s’expliquer par l’application de nombreuses réformes qu’a connues le secteur financier après la libéralisation financière. Le secteur financier est dominé par les banques commerciales qui pratiquent des restrictions dans le processus d’octroi des crédits dans les secteurs tels que l’agriculture. A la suite du retrait de l’État dans le mécanisme d’octroie de crédit agricole, cela a suscité l’émergence de plusieurs difficultés dont les effets négatifs sont mentionnés au travers de nos résultats. Comme autre variable influençant négativement la productivité agricole, nous avons : le taux d’inflation, la proportion d’homme actif dans l’agriculture et la part de la population âgé de 15 à 64 ans.

35À la fin de 2006 et 2007 une flambée des prix des produits a été enregistrée sur le marché des produits de base et de première nécessité. La flambée des prix agit négativement sur la part de l’agriculture. Un accroissement de 1 % du taux d’inflation contribue à réduire la valeur de la productivité de 19,66 %. Une augmentation de 1 % des hommes actifs dans le secteur agricole contribuerait à réduire la valeur de la productivité de 88,15 %. Un accroissement de 1 % de la tranche de la population comprise entre 15 et 64 ans réduirait de 49,79 % la valeur ajoutée de la productivité agricole. En ce qui concerne, les variables influençant positivement, on a : la possession d’une terre cultivable. Ainsi, l’accroissement de 1 % de la proportion de terre allouée à l’agriculture contribuerait à 39,43 % à augmenter la valeur de la productivité agricole.

36De plus, l’augmentation de la consommation des ménages améliore la productivité agricole. Car, une augmentation de 1 % des dépenses de consommation accroit la valeur ajoutée de l’agriculture de 52,94 %. Le taux de fertilité des femmes produit un effet positif à tendance non linéaire. Le ratio de fertilité optimale à partir duquel il y’a un retournement de tendance est de 3,946 soit une valeur de 4 enfants par femme. Ce résultat vient conforter les faits selon lequel les enfants constituent un atout considérable pour les familles ayant les petites exploitations familiales agricoles. Toute la famille organise les activités de manière saisonnière et le mécanisme de production requiert le savoir faire et la force de travail de chaque membre de la famille. Le pourcentage de femme active produit une influence positive sur la productivité et le pourcentage des hommes actifs dans l’agriculture y produit une influence négative.

37Un accroissement de 1 % des femmes actives dans l’agriculture contribuerait à accroitre la valeur de la productivité de 67,67 %. Alors que par ailleurs un accroissement de 1 % de la proportion d’homme actif dans l’agriculture réduit la valeur de la productivité agricole de 88,15 %. Les variables qui influencent significativement et au seuil de 1 % la pauvreté sont : la valeur ajoutée et la valeur ajoutée au carré ; la terre et la terre au carré ; le taux d’inflation ; le taux de fertilité ; le pourcentage de femme active dans l’agriculture et le pourcentage d’homme actif dans l’agriculture. Au seuil de 5 % on a les dépenses de consommation et le carré du pourcentage de femme active dans l’agriculture. Au seuil de 10 %, il y a la variable crédit. La productivité agricole influence positivement la réduction de la pauvreté. Il existe une relation négative et non linéaire entre la pauvreté et la valeur ajoutée de l’agriculture.

38Le fait que les pauvres ont accès aux crédits influence également positivement la réduction de la pauvreté. Une variation à la hausse de 1 % du développement du secteur financier favoriserait une réduction de l’indice de pauvreté de 15,08 %. Il existe également une relation négative et non linéaire entre la part des terres allouée à l’agriculture et la pauvreté. Il existe une relation inverse entre l’indice des prix à la consommation et la pauvreté. Un accroissement de 1 % de l’indice des prix à la consommation contribue à réduire le taux de pauvreté de 16,38 %. Comme autres variables contribuant à réduire la pauvreté, il y’a la proportion de femmes et la proportion d’hommes pratiquant l’agriculture. On note par ailleurs que la proportion de femmes pratiquant l’agriculture influence positivement la productivité. Il existe une relation linéaire entre ces deux variables.

39En ce qui concerne la pauvreté et la proportion des femmes pratiquant l’agriculture, la relation est négative et non linéaire. Pour la proportion d’homme pratiquant l’agriculture, la relation est inverse. La variation à la hausse de 1 % de sa proportion qui contribue à réduire le taux de pauvreté de 62,77 %. En ce qui concerne les dépenses de consommation des ménages et le taux de fertilité il existe une relation positive entre ces deux variables et le taux de pauvreté. Une variation de 1 % des dépenses de consommation des ménages contribue à augmenter de 16,52 % le taux de pauvreté. Une variation de 1 % du taux de fertilité de la femme contribue à augmenter le taux de pauvreté de 10,24 %. Le taux de fertilité est la variable dont l’effet négatif produit sur la pauvreté est le plus élevé. D’où tout l’intérêt de contrôler les naissances par femme se pose en dépit du constat de la relation positive et non linéaire existant entre le taux de fertilité et la productivité agricole.

3. La discussion des résultats et les recommandations

40Pour les pays subsahariens, l’agriculture représente une part importante de la valeur ajoutée du PIB. Ceci est particulièrement vrai en Afrique de l’Ouest. Plusieurs facteurs influencent positivement les capacités des ménages agricoles. Ces facteurs sont : le taux de scolarisation du secondaire, le pourcentage de terre alloué à l’agriculture, les dépenses de consommation, le taux de fertilité de la femme et le pourcentage de femmes actives dans l’agriculture. Car, la main d’œuvre dans le secteur agricole demeure très peu efficace et moins efficiente par rapport aux normes internationales. De plus, un des handicaps majeurs dans le secteur agricole en Afrique aujourd’hui est la formation du capital humain qui permet aux agriculteurs de mieux intégrer les innovations dans ce secteur. L’importance de la scolarisation est mise en avant au travers les objectifs. Des efforts doivent être faits des gouvernements afin de s’assurer que la population atteint au moins le niveau du primaire. La moyenne du nombre d’années d’étude constatée en Afrique de l’Ouest est de 6 ans. Bien qu’ayant atteint ce niveau primaire, la spécialisation dans les différents secteurs d’activité nécessite un niveau d’étude élevé. Les gouvernements devraient développer des stratégies favorisant l’éducation secondaire avec plus de lycées professionnels. Ce qui pourrait compléter les programmes d’assistance technique développés en direction des agriculteurs. Le renforcement des aptitudes des agriculteurs peut les préparer parallèlement à mieux intégrer les nouvelles techniques et technologies en vue d’améliorer les rendements du dit secteur.

41Le constat qui ressort de l’analyse empirique ci-dessus est la baisse du niveau de rentabilité des sols et une réduction de la productivité agricole. Les populations en milieu rural demeurent très peu réceptives à l’intégration des techniques agricoles innovantes. Le développement d’une agriculture reste très peu efficient dans la sous région. Il est donc intéressant de promouvoir de nouvelles techniques d’enrichissement des sols au travers de la vulgarisation et des campagnes de sensibilisation. La vulgarisation en milieu rural porte sur les nouveaux intrants, de nouvelles techniques et des matériaux agricoles disponibles (les tracteurs, les défricheuses, les décortiqueuses, entre autre) mise à la disposition des agriculteurs. Il est aussi nécessaire de renforcer le ciblage des capacités des femmes actives dans le secteur agricole. Elles sont nombreuses dans le secteur agricole, mais ne possèdent pas de ressources nécessaires pour accroître efficacement leur activité.

42Le développement du secteur financier influence négativement la productivité. Il important de noter que l’indicateur considéré dans ce cadre s’appuie essentiellement sur le secteur bancaire. Pourtant ce même secteur financier est un facteur important dans le processus de réduction de la pauvreté. Comme le soulignait déjà les décideurs au sommet de l’ONU en 2003, il est important que les pauvres aient accès aux crédits. Les pauvres représentent la couche de la population marginalisée du secteur financier. Pourtant une amélioration de leur accès dans ce secteur pourrait contribuer positivement à améliorer leur condition de vie. L’amélioration de l’impact du secteur financier peut se faire au travers du secteur de la microfinance.

43Une étude de cas réalisée au Cameroun sur l’impact du développement du secteur financier basé essentiellement sur l’accès aux microcrédits révèle des résultats contraires (Kendo, Baye et Fondo, 2008). Dans cette étude, ils soulignent le fait que le développement du secteur financier en valorisant et en mettant en évidence l’importance et l’action secteur de la microfinance, produit un effet positif sur la productivité des populations pauvres. De plus, il existe une relation non linéaire entre le développement du secteur financier et la productivité des populations pauvres. Le microcrédit produit des bienfaits sur la vie des petits exploitants agricoles. Le développement de l’activité de la microfinance se range dans le cadre des actions endogènes à mener. Les actions exogènes touchent l’apport des décideurs publics dans le secteur agricole.

44Les décideurs publics peuvent mettre un accent particulier sur les points tels que : l’éducation et le financement des matériaux agricoles. Le financement du matériel agricole concerne les crédits de moyen et de long terme qui sont très peu développés par les institutions de microfinance. De plus, elles font face à un problème d’autofinancement qui ne leur permet pas d’assurer le financement des crédits de moyen et long terme. Les décideurs publics peuvent intervenir comme des bailleurs de fonds auprès des institutions de microfinance. Ce qui permettrait aux institutions de microfinance qui ayant développés de solides relations de proximité avec leurs clients d’assurer la gestion d’un tel portefeuille de produit. Ces institutions de microfinance peuvent aussi développer des programmes de location du matériel échelonnés dans le temps.

45Des actions stratégiques additionnelles telles que la mise en exécution des plans de suivi de financement des investissements peut permettre de pallier aux problèmes de corruption et de détournement de fonds. Ces problèmes représentent un grand frein dans la mise en exécution effective des plans de développement dans de nombreux pays africains. Des subventions des crédits peuvent aussi être fait via les produits tels que : les crédits intrants, les crédits équipements et les crédits sociaux. Pour les crédits intrants, il s’agit pour l’institution de microfinance de mettre à la disposition des agriculteurs des intrants équivalents à la valeur monétaire du crédit « argent » qu’il aurait obtenu. Son remboursement s’effectuera suivant la proportion de récolte fixée. Ce dit remboursement est assuré l’adhésion à un groupement intercommunautaire qui représente la caution solidaire.

46L’appartenance a ce groupement intercommunautaire donne à l’agriculteur de se responsabiliser et d’être assidue dans le remboursement de sa dette. Le manque d’assiduité est corrigé par les autres membres du groupe. L’agriculteur défaillant peut est sujette par effet de proximité à des sanctions. En termes de crédits d’équipement, il concerne les équipements lourds tels les tracteurs, les moissonneuses-batteuses ou encore les décortiqueuses. Ces équipements peuvent être prêtés aux agriculteurs moyennant un remboursement issu de la production qui est une part fixée à l’avance. Les crédits sociaux tels que : les crédits éducations peuvent être attribués en vue d’améliorer le niveau de capital humain des générations à venir. Le principe de crédit éducation reste très peu développé auprès des institutions bancaires et de microfinance.

47L’action du secteur public ne suffirait pas malgré son effort considérable pour financer ces secteurs. La participation du secteur financier par ses services tels le crédit ou les assurances sont primordiaux dans l’élargissement efficace de ces deux secteurs. Or, les acteurs qui interviennent en grande partie auprès des populations demeurent les associations rotatives de crédits communément appelées tontines et les coopératives d’épargne et de crédits ou encore les caisses communautaires. La couverture d’action menée par les établissements de microfinance reste encore faible et mal ciblée. En vue de faire comprendre aux populations toute l’importance des actions menées dans le cadre du financement, une campagne de sensibilisation, d’enseignement et d’imprégnation auprès des populations analphabètes et sous scolarisées, doit être faite.

48Une analyse des actions endogènes imputables aux individus permet de mettre en évidence les points à cibler chez les agriculteurs. Les besoins endogènes sont principalement l’autoformation favorisée au travers de la participation à des sessions techniques spécialisées dans le cadre des innovations des pratiques agricoles. Une adaptation de la main d’œuvre est nécessaire dans un contexte de mondialisation valorisant l’esprit de compétitivité. Au-delà du financement des besoins des agriculteurs, il y’a la question du financement de la recherche agricole. Dans de nombreux pays deux sources de financement sont alloués à la recherche agricole. Ces sources sont : le financement public via le budget gouvernemental et le financement privé (Alston, Pardey et Roseboom, 1998). Dans le contexte africain, l’aspect du financement de la recherche agricole est moins important que celui des pays du Nord. Le soutien d’une telle initiative s’effectue via les fonds de l’Etat et via les coopératives d’agriculteurs.

Conclusion

49Cette étude s’est focalisée sur l’analyse de l’impact du secteur financier avec la microfinance comme instrument de son développement. Il s’agit d’évaluer si la microfinance peut contribuer favorablement à améliorer le financement de l’agriculture en vue de favoriser une amélioration des conditions de vie des populations pauvres. On suppose que l’innovation et l’adaptation aux besoins des agriculteurs peuvent être impulsées par la microfinance. De ces faits, de manière spécifique, il est évalué l’impact du développement du secteur financier sur la productivité agricole d’une part. D’autre part, il est évalué l’impact que la productivité agricole a sur la pauvreté. À travers l’étude menée, il en ressort que le développement du secteur financier ne contribue pas à améliorer la productivité mais produit un effet positif dans le processus de réduction de la pauvreté. L’action du développement peut être améliorée auprès des agriculteurs au travers de l’instrument qu’est la microfinance. D’où la nécessité de valoriser et de vulgariser l’action des acteurs de la microfinance auprès des agriculteurs. Ainsi, le développement d’un financement adéquat et adapté dans le secteur agricole se doit d’être une priorité pour les pays d’Afrique de l’Ouest en vue de permettre une influence positive autant dans le processus d’amélioration de la productivité que dans le processus de réduction de la pauvreté. Ce financement doit prendre en compte l’éducation secondaire, la disponibilité des matériaux agricoles, la possession des terres cultivables et l’autonomisation des femmes actives dans l’agriculture.

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Bibliographie

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Annexe

Tableau 1 : Analyse statistique des variables

Tableau 2 : Estimation de l’impact sur la productivité

Tableau 3 : Effets marginaux sur la productivité

Tableau 4 : Estimations de l’impact sur la pauvreté

Tableau 5 : Effets marginaux sur la pauvreté

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Notes

1 Cette citation de Gunnar Myrdal est tirée du livre de Hayami, Ruttan et Malassi (1998) : Agriculture et Développement, une approche internationale, Préface, p. 5. Gunnar Myrdal (1968). « Asian Drama: an inquiry into the poverty of nations », 3 vol.; New York: Twentieth Century Fund.

2 Cette observation est faite dans le Projet d’appui au programme de microfinance ; Annexe II, p. 3. MINAGRI, Septembre 2000.

3 La panique bancaire est définie ici comme étant un mouvement de retrait collectif sur les dépôts bancaires. Afin de mieux expliciter ce phénomène, Diamond et Dybvig (1983) font une analyse qui considère deux périodes où l’on peut effectuer des retraits. Ainsi, le fait que les autres déposants se présentent au guichet à la période 1 incite un déposant même patient à se présenter aussi : c’est le phénomène de panique bancaire.

4 Ces différentes crises sont : la crise des subprimes, la crise financière et la crise alimentaire.

5 Les capacités des ménages font référence ici aux capacités physiques telles que le niveau d’éducation, le niveau de santé, le niveau de vie ou encore la dotation d’une terre cultivable, Nous avons également les capacités matérielles qui a trait à la finance et qui sont l’épargne et le crédit obtenu,

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sandra Kendo, « Développement du secteur financier et financement de l’activité agricole dans un contexte de crise alimentaire : quelle place pour la micro-finance ? »Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 3, n° 3 | Décembre 2012, mis en ligne le 12 décembre 2012, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/9433 ; DOI : https://doi.org/10.4000/developpementdurable.9433

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Auteur

Sandra Kendo

Sandra Kendo est Doctorante en Économie Financière à l’Université de Lorraine. Elle est membre du laboratoire CEREFIGE (Centre Européen de Recherche en Économie Financière et Gestion des Entreprises). Ses travaux de recherche ont pour but de développer les modèles de consolidation financière spécifiques au secteur de la microfinance et son impact sur les activités génératrices de revenu (effet croissance) et l’amélioration des conditions de vie (effet inégalité). corine-sandra.kendo-tchakounte@univ-lorraine.fr

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