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Idle No More Québec, 5 ans plus tard : « on a semé, maintenant on éduque »

Widia Larivière et Melissa Mollen Dupuis, cofondatrices de la section québécoise du mouvement Idle No More (Bureau édito)

Widia Larivière et Melissa Mollen Dupuis, cofondatrices de la section québécoise du mouvement Idle No More

Radio-Canada

Le plus important mouvement de contestation autochtone des dernières années au Canada souffle cinq bougies cette semaine. Idle No More, lancé d'abord dans l'ouest du pays pour dénoncer des politiques fédérales sous le gouvernement Harper, s'est fait connaître au Québec avec la création d'une branche québécoise. Où en est Idle No More Québec aujourd'hui? Rencontre avec ses deux fondatrices, Melissa Mollen Dupuis et Widia Larivière, qui ont reçu plus tôt cette année le prix Ambassadeur de conscience d'Amnistie internationale.

Des propos recueillis par Laurence Niosi


Comment avez-vous eu l'idée de créer Idle No More Québec?

Melissa Mollen Dupuis : C’est un mouvement qui était déjà en marche [au Canada], mais Widia et moi attendions que quelque chose se passe au Québec. Et on s’est rendu compte que si on voulait que quelque chose se passe, il fallait qu’on se lance.

Widia Larivière : Ce qui est intéressant, c'est que moi et Melissa, on n’avait jamais organisé de manifestation de notre vie. On avait zéro expérience. Donc on a vraiment été spontanées, improvisées. On a créé un groupe Facebook, ou on a invité les gens à participer. On pensait qu'il y aurait 10-15 personnes, et finalement 500 personnes se sont présentées.

Quel est l'impact du mouvement depuis cinq ans?

W. L. : Je crois qu'il y a beaucoup d'impacts positifs à différents niveaux, autant autochtones que non autochtones. Dans le milieu autochtone, il y a eu d'énormes répercussions au niveau de la mobilisation des jeunes. Il y avait moi et Melissa et d'autres jeunes impliqués dans le mouvement, et ça a ravivé une fierté identitaire.

M. M. D. : Souvent on nous demande pourquoi vous n’êtes plus dans la rue. Les premières années, on était dans la rue, on disait « écoutez-nous ». À l’époque, c’était difficile d’avoir des caméras sur nous, il fallait bloquer les routes pour avoir l’attention des grands médias. Avec le fait que le mouvement était pancanadien, les gens ont vu l’intensité de la mouvance. Même si on venait de communautés avec de faibles populations, on était capables de se mobiliser grâce aux médias sociaux. L’oeil des grands médias s’est ouvert, tranquillement ils ont commencé à mettre les questions autochtones de l’avant, comme CBC Indigenous en anglais, et Espaces autochtones en français. Maintenant on est plus présents dans les médias. On a semé, maintenant on éduque les gens.

W. L. : Les gens nous demandent souvent si Idle No More existe encore. Mais c'est comme demander si Occupy existe encore, si le printemps étudiant existe encore. C’est sûr que vu que les gens ne nous voient pas dans la rue, ils pensent qu'on n'existe plus. Moi je considère qu'il existe, évolue et sème des graines.

La cofondatrice de Idle No More Quebec Widia Larivière

La cofondatrice de Idle No More Quebec Widia Larivière

Photo : Radio-Canada / Laurence Niosi

Toutes les organisatrices de Idle No More, dans l’Ouest comme au Québec, sont des femmes. Pourquoi?

M. M. D. : Ce n’est pas qu’il n'y avait pas de participation des hommes, les hommes étaient très présents pendant Idle No More. Mais la loi omnibus [C-45] proposée par le gouvernement Harper enlevait des protections très importantes à l’eau et, dans nos traditions, les femmes sont gardiennes de l’eau [...] Il y a aussi le fait que quand ça va très mal, les mères et les grands-mères se mobilisent. C’est une question de survie de nos enfants, les sept futures générations. Donc on a un sentiment de responsabilité qui est énorme. Et aussi le fait qu’on vient de sociétés matrilinéaires, avec un rôle important pour la mère, la grand-mère, structure qui a été détruite par la colonisation et le patriarcat qui est venu d'Europe. En faisant Idle No More, ça a permis de remettre les femmes à la place qui est la leur, dans un rôle de leadership qui est lié au bien-être de la communauté et non à un rôle de pouvoir.

W. L. : Ce n’est pas la première fois qu'on voit des femmes à la tête de mouvements sociaux. En 2012, on a vu les femmes innues mener la marche contre le Plan Nord jusqu'à Montréal. Peut-être que les femmes autochtones, comme elles sont doublement discriminées, sentent plus l'urgence d'agir. On sait que l'impact de la colonisation a plus touché les femmes, au niveau de la présence des femmes dans la gouvernance autochtone, notamment dans les conseils de bande. Tout cela en raison de la Loi sur les Indiens, qui a entraîné la sous-représentation des femmes dans les instances décisionnelles. On les voit beaucoup agir à l'extérieur des structures politiques coloniales, notamment dans les mouvements sociaux, dont Idle No More. Le mouvement a permis globalement de donner une voix à la population de base, aux jeunes, aux femmes, qu'on n'a pas toujours tendance à écouter. On a tendance à vouloir l'opinion des chefs, des représentants officiels, mais je pense que c'est important d'écouter les femmes.

Des manifestations du mouvement Idle No More au centre-ville de Montréal, en janvier 2013

Des manifestations du mouvement Idle No More au centre-ville de Montréal, en janvier 2013

Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz

Vous considérez-vous comme une organisation féministe?

M. M. D. : En premier, on s’identifie comme une organisation des peuples autochtones. Ensuite, c’est sûr que les groupes féministes non autochtones reconnaissent nos enjeux, la parole aux femmes, le pouvoir de leadership des femmes qui est naturel et présent. Mais je pense qu’on est féministe ne serait-ce que parce que le rôle des femmes est maintenu, les femmes prennent la parole, vont décider des lieux qu’elles veulent défendre. Mais notre féminisme à nous a toujours impliqué les hommes traditionnellement. Ce ne sont pas des courants féministes eurocentrés, ce sont des féminismes plus traditionalistes. Mais par instinct, le mouvement Idle No More est féministe.

W. L. : On n’a jamais eu une conversation à savoir si le mouvement est féministe, mais moi je considère que Idle No More et beaucoup de luttes autochtones sont féministes. La raison : les femmes autochtones ont été davantage affectées par la colonisation. Elles ont un rôle clef dans l'amélioration des conditions des Autochtones en général dans le pays. Il y a un dicton qui dit que la révolution ne se fera pas sans les femmes, eh bien la décolonisation ne se fera pas sans les femmes. Les luttes autochtones, on ne peut pas les faire sans les femmes, peu importe, féministes ou non.

La chanteuse Alicia Keys serre la main à la militante autochtone Melanie Morrison, sous le regard d'une autre militante, Melissa Mollen Dupuis.

La chanteuse Alicia Keys et deux militantes autochtones, Melanie Morrison (à gauche) et Melissa Mollen Dupuis.

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Vous parliez plus tôt des chefs et des instances décisionnelles. Que pensent les chefs de Idle No More?

W. L. : Le [chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador] Ghislain Picard a été dans les premiers à dire qu'il nous appuyait, qu'il voulait marcher avec nous. C’est important de s'unir, malgré les critiques qu'on peut avoir d'une institution autochtone à une autre. Ceci dit, je pense que Idle No More a réaffirmé la voix populaire autochtone. C’est important que le mouvement appartienne à la population à la base et ne soit pas hijacké par les représentants officiels.

M. M. D. : Certains [chefs] ont eu peur, car Idle No More a pris un leadership très puissant, mais ils ont aussi marché avec nous. Ghislain Picard notamment, il a encouragé le leadership des jeunes, des femmes. [...] Finalement, [nous voulions] la même chose que beaucoup de chefs, c’est-à-dire le respect des droits des Autochtones, que ce soit l’accès à l’éducation et l’eau potable.

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