Language of document : ECLI:EU:C:2014:2467

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

18 décembre 2014 (*)

«Renvoi préjudiciel – Directive 2008/98/CE – Article 15 – Gestion des déchets – Possibilité pour le producteur de déchets de procéder lui-même à leur traitement – Loi nationale de transposition adoptée, mais non encore entrée en vigueur – Expiration du délai de transposition – Effet direct»

Dans l’affaire C‑551/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Commissione tributaria provinciale di Cagliari (Italie), par décision du 17 mai 2013, parvenue à la Cour le 25 octobre 2013, dans la procédure

Società Edilizia Turistica Alberghiera Residenziale (SETAR) SpA

contre

Comune di Quartu S. Elena,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. E. Levits et F. Biltgen (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 octobre 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour Società Edilizia Turistica Alberghiera Residenziale (SETAR) SpA, par Mes A. Fantozzi, R. Altieri et G. Mameli, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Colelli, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme E. Sanfrutos Cano ainsi que par MM. L. Cappelletti et D. Loma-Osorio Lerena, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO L 312, p. 3).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Società Edilizia Turistica Alberghiera Residenziale (SETAR) SpA (ci-après «SETAR»), propriétaire d’un complexe touristique d’hôtellerie dans la localité de S’Oru e Mari (Italie), au Comune di Quartu S. Elena au sujet du refus de cette société de payer la taxe communale pour l’élimination des déchets solides urbains (tassa per lo smaltimento dei rifiuti solidi urbani, ci-après la «TARSU»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 25, 28 et 41 de la directive 2008/98 se lisent comme suit:

«(25) Il convient que les coûts soient attribués de manière à traduire le coût environnemental réel de la production et de la gestion des déchets.

[...]

(28)      La présente directive devrait aider l’Union européenne à se rapprocher d’une ‘société du recyclage’ visant à éviter la production de déchets et à les utiliser comme ressources. En particulier, le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement préconise des mesures visant à assurer le tri à la source, la collecte et le recyclage des flux de déchets prioritaires. Conformément à cet objectif et pour faciliter ou améliorer les possibilités de valorisation, les déchets devraient être collectés séparément, pour autant que cette opération soit réalisable d’un point de vue technique, environnemental et économique avant de subir des opérations de valorisation qui produisent le meilleur résultat global sur le plan de l’environnement. Les États membres devraient encourager la séparation des composés dangereux des flux de déchets, si elle est nécessaire pour parvenir à une gestion écologique.

[...]

(41)      Afin de tendre vers une société européenne du recyclage avec un niveau élevé de rendement des ressources, il convient de fixer des objectifs pour la préparation en vue du réemploi et le recyclage des déchets. Les États membres ont des approches différentes de la collecte des déchets ménagers et des déchets de nature et de composition similaires. Il faut donc que ces objectifs tiennent compte des divers systèmes de collecte des États membres. Les flux de déchets d’origines diverses assimilés aux déchets ménagers englobent les déchets visés au chapitre 20 de la liste établie par la décision 2000/532/CE [de la Commission, du 3 mai 2000, remplaçant la décision 94/3/CE établissant une liste de déchets en application de l’article 1er, point a), de la directive 75/442/CEE du Conseil relative aux déchets et la décision 94/904/CE du Conseil établissant une liste de déchets dangereux en application de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 91/689/CEE du Conseil relative aux déchets dangereux (JO L 226, p. 3)].»

4        Aux termes de l’article 1er de la directive 2008/98:

«La présente directive établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, et par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation.»

5        L’article 4 de cette directive prévoit:

«1.      La hiérarchie des déchets ci-après s’applique par ordre de priorité dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion des déchets:

a)      prévention;

b)      préparation en vue du réemploi;

c)      recyclage;

d)      autre valorisation, notamment valorisation énergétique; et

e)      élimination.

2.      Lorsqu’ils appliquent la hiérarchie des déchets visée au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l’environnement. Cela peut exiger que certains flux de déchets spécifiques s’écartent de la hiérarchie, lorsque cela se justifie par une réflexion fondée sur l’approche de cycle de vie concernant les effets globaux de la production et de la gestion de ces déchets.

[...]»

6        L’article 13 de ladite directive énonce:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment:

a)      sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore;

b)      sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives; et

c)      sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.»

7        L’article 14 de la directive 2008/98 dispose:

«1.      Conformément au principe du pollueur-payeur, les coûts de la gestion des déchets sont supportés par le producteur de déchets initial ou par le détenteur actuel ou antérieur des déchets.

2.      Les États membres peuvent décider que les coûts de la gestion des déchets doivent être supportés en tout ou en partie par le producteur du produit qui est à l’origine des déchets et faire partager ces coûts aux distributeurs de ce produit.»

8        Aux termes de l’article 15 de cette directive:

«1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que tout producteur de déchets initial ou autre détenteur de déchets procède lui-même à leur traitement ou qu’il le fasse faire par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets privé ou public, conformément aux articles 4 et 13.

2.      Lorsque des déchets sont transférés, à des fins de traitement préliminaire, du producteur initial ou du détenteur à l’une des personnes physiques ou morales visées au paragraphe 1, la responsabilité d’effectuer une opération complète de valorisation ou d’élimination n’est pas levée, en règle générale.

Sans préjudice du règlement (CE) nº 1013/2006 [du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets (JO L 190, p. 1)], les États membres peuvent préciser les conditions de la responsabilité et décider dans quels cas le producteur initial conserve la responsabilité de l’ensemble de la chaîne de traitement ou dans quels cas la responsabilité du producteur et du détenteur peut être partagée ou déléguée parmi les intervenants dans la chaîne de traitement.

3.      Les États membres peuvent décider, conformément à l’article 8, que la responsabilité de l’organisation de la gestion des déchets incombe en tout ou en partie au producteur du produit qui est à l’origine des déchets et que les distributeurs de ce produit peuvent partager cette responsabilité.

[...]»

 Le droit italien

9        L’article 188, paragraphe 2, du décret législatif nº 152, relatif aux règles en matière environnementale (decreto legislativo n. 152 – Norme in materia ambientale), du 3 avril 2006 (supplément ordinaire à la GURI nº 88, du 14 avril 2006, ci-après le «décret législatif nº 152/2006»), prévoit:

«Le producteur ou le détenteur de déchets spéciaux s’acquitte de ses obligations selon l’ordre de priorité suivant:

a)      il élimine lui-même ses déchets;

b)      il apporte ses déchets à des tiers autorisés, en vertu des dispositions en vigueur;

c)      il apporte ses déchets à des entités exploitant le service public de collecte des déchets municipaux, avec lesquelles une convention spécifique aura été signée à cette fin;

d)      il utilise le rail pour le transport des déchets dangereux pour des distances supérieures à trois cent cinquante kilomètres et des quantités excédant vingt-cinq tonnes;

e)      il exporte ses déchets selon les modalités prévues à l’article 194.»

10      En vue d’assurer la transposition de la directive 2008/98, l’article 16, paragraphe 1, du décret législatif nº 205, portant dispositions de mise en œuvre de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives (decreto legislativo n. 205 – Disposizioni di attuazione delle direttiva 2008/98/CE del Parlamento europeo e del Consiglio del 19 novembre 2008 relativa ai rifiuti e che abroga alcune direttive), du 3 décembre 2010 (supplément ordinaire à la GURI nº 288, du 10 décembre 2010, ci-après le «décret législatif nº 205/2010»), a modifié l’article 188, paragraphe 1, du décret législatif nº 152/2006 comme suit:

«Le producteur de déchets initial ou autre détenteur de déchets procède lui-même à leur traitement ou les remet à un courtier, à un négociant, à un établissement ou à une entreprise exécutant des opérations de traitement des déchets ou à un collecteur de déchets privé ou public, conformément aux articles 177 et 179. Sans préjudice des dispositions prévues aux paragraphes suivants du présent article, le producteur de déchets initial ou autre détenteur conserve la responsabilité de l’ensemble de la chaîne de traitement, étant entendu que si le producteur de déchets initial ou le détenteur transfère les déchets à des fins de traitement préliminaire à l’une des personnes visées au présent paragraphe, cette responsabilité, en règle générale, subsiste.»

11      L’article 16, paragraphe 1, du décret législatif nº 205/2010 a, en outre, ajouté, à la suite de l’article 188 du décret législatif nº 152/2006, des articles 188 bis et 188 ter, intitulés respectivement «Contrôle de la traçabilité des déchets» et «Système de contrôle de la traçabilité des déchets (Sistri)».

12      L’article 188 bis du décret législatif nº 152/2006 dispose:

«1.      En exécution des dispositions prévues à l’article 177, paragraphe 4, la traçabilité des déchets doit être garantie depuis leur production jusqu’à leur destination finale.

2.      À cette fin, la gestion des déchets doit être effectuée:

a)      dans le respect des obligations instituées dans le cadre du système de contrôle de la traçabilité des déchets (Sistri) prévu à l’article 14 bis du décret-loi nº 78 du 1er juillet 2009, converti en loi, avec modifications, par la loi nº 102 du 3 août 2009, et par le décret du ministre de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la mer du 17 décembre 2009 [(supplément ordinaire à la GURI nº 9, du 13 janvier 2010, p. 1)], ou

b)      dans le respect des obligations relatives à la tenue des registres de chargement et déchargement et du formulaire d’identification visés aux articles 190 et 193.»

[…]»

13      L’article 16, paragraphe 2, du décret législatif nº 205/2010 prévoit que «les dispositions du présent article entrent en vigueur à dater du lendemain de l’échéance du délai visé à l’article 12, paragraphe 2, du décret [du ministre de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la mer] du 17 décembre 2009».

14      Aux termes de l’article 12, paragraphe 2, du décret du ministre de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la mer du 17 décembre 2009, «afin de garantir le respect des obligations légales et de s’assurer du fonctionnement correct du Sistri, les entités visées aux mêmes articles sont toutefois tenues de respecter les dispositions visées aux articles 190 et 193 du décret législatif [nº 152/2006] pendant un mois après la mise en œuvre du Sistri, ainsi qu’indiqué aux articles 1er et 2.»

15      L’article 1er, paragraphes 1 et 4, du décret du ministre de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la mer du 17 décembre 2009 dispose:

«1.      Le système de contrôle de la traçabilité des déchets, ci-après également le Sistri, géré par la section du corps des carabiniers chargée de la protection de l’environnement (Comando carabinieri per la Tutela dell’Ambiente), est opérationnel:

a)      à partir du cent quatre-vingtième jour à compter de la date d’entrée en vigueur du présent décret pour les producteurs initiaux de déchets dangereux, y compris ceux visés à l’article 212, paragraphe 8, du décret législatif [nº 152/2006], qui emploient plus de cinquante salariés, pour les entreprises et établissements producteurs initiaux de déchets non dangereux visés à l’article 184, paragraphe 3, sous c), d) et g), du même décret législatif [nº 152/2006] qui emploient plus de cinquante salariés, pour les négociants et les courtiers, pour les groupements formés aux fins de la valorisation et du recyclage de certains types de déchets qui organisent la gestion de ces déchets pour le compte de leurs membres ainsi que pour les entreprises visées à l’article 212, paragraphe 5, du décret législatif [nº 152/2006] qui collectent et transportent des déchets spéciaux, pour les entreprises et établissements qui effectuent des opérations de valorisation et d’élimination de déchets et pour les personnes visées à l’article 5, paragraphe 10, du présent décret,

b)      à partir du deux cent dixième jour à compter de la date d’entrée en vigueur du présent décret pour les entreprises et les établissements producteurs initiaux de déchets dangereux, y compris ceux visés à l’article 212, paragraphe 8, du décret législatif nº 152/2006, employant jusqu’à cinquante salariés, et pour les producteurs initiaux de déchets non dangereux visés à l’article 184, paragraphe 3, sous c), d) et g), du même décret législatif [nº 152/2006] qui emploient de cinquante à onze salariés.

[...]

4.      Les entreprises et établissements producteurs initiaux de déchets non dangereux visés à l’article 184, paragraphe 3, sous c), d) et g), du décret législatif [nº 152/2006], qui n’emploient pas plus de dix salariés, les entreprises qui collectent et transportent leurs propres déchets non dangereux, visés à l’article 212, paragraphe 8, du décret législatif [nº 152/2006], les exploitants agricoles définis à l’article 2135 du code civil qui produisent des déchets non dangereux et les entreprises et établissements producteurs initiaux de déchets non dangereux provenant d’activités autres que celles visées à l’article 184, paragraphe 3, sous c), d) et g), du décret législatif [nº 152/2006], peuvent adhérer volontairement au Sistri à partir de la date prévue au paragraphe 1, sous b).»

16      Le délai de mise en œuvre du Sistri, visé par le décret du ministre de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la mer du 17 décembre 2009, a ensuite été fixé au 30 juin 2012 par le décret-loi nº 138, du 13 août 2011 (GURI nº 188, du 13 août 2011, p. 1), converti en loi, avec modifications, par la loi nº 148, du 14 septembre 2011 (GURI nº 216, du 16 septembre 2011, p. 1), tel que modifié par le décret-loi nº 216, du 29 décembre 2011 (GURI nº 302, du 29 décembre 2011, p. 8), converti en loi, avec modifications, par la loi nº 14, du 24 février 2012 (supplément ordinaire à la GURI nº 48, du 27 février 2012).

17      L’article 52, paragraphes 1 et 2, du décret-loi nº 83, portant mesures urgentes pour la croissance du pays (decreto-legge n. 83 – Misure urgenti per la crescita del Paese), du 22 juin 2012 (supplément ordinaire à la GURI nº 147, du 26 juin 2012), converti en loi, avec modifications, par la loi nº 134, du 7 août 2012 (supplément ordinaire à la GURI nº 187, du 11 août 2012), a suspendu le délai de mise en œuvre du Sistri jusqu’au 30 juin 2013 et a prescrit que ce nouveau délai soit fixé par décret du ministre de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la mer.

18      L’article 1er du décret du ministre de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la mer relatif aux délais de remise en œuvre progressive du Sistri (decreto – Termini di riavvio progressivo del Sistri), du 20 mars 2013 (GURI nº 92, du 19 avril 2013, p. 16), a fixé au 1er octobre 2013 le délai de mise en œuvre du Sistri pour les producteurs initiaux de déchets spéciaux dangereux qui emploient plus de dix salariés ainsi que pour les établissements et les entreprises qui gèrent des déchets spéciaux dangereux (paragraphe 1) et au 3 mars 2014 pour les autres établissements ou entreprises tenus de s’enregistrer dans le Sistri (paragraphe 2), ces derniers pouvant toutefois adhérer volontairement au Sistri à partir du 1er octobre 2013 (paragraphe 3).

19      Enfin, l’article 11, paragraphe 3 bis, du décret-loi nº 101, portant dispositions urgentes en vue de la réalisation d’objectifs de rationalisation dans les administrations publiques (decreto-legge n. 101 – Disposizioni urgenti per il perseguimento di obiettivi di razionalizzazione nelle pubbliche amministrazioni), du 31 août 2013 (GURI nº 204, du 31 août 2013, p. 1), converti en loi, avec modifications, par la loi nº 125, du 30 octobre 2013 (GURI nº 255, du 30 octobre 2013, p. 1), dispose:

«Dans les dix mois suivant la date du 1er octobre 2013, les dispositions et obligations visées aux articles 188, 189, 190 et 193 du décret législatif [nº 152/2006] continuent de s’appliquer selon le texte en vigueur avant l’introduction des modifications apportées par le décret législatif [nº 205/2010] ainsi que les sanctions y relatives. [...]»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

20      Le 30 novembre 2010, SETAR a informé le Comune di Quartu S. Elena que, à compter du 1er janvier 2011, elle ne paierait plus la TARSU pour la gestion du service communal d’élimination des déchets dans la mesure où, à partir de cette date, elle aurait recours, pour l’élimination des déchets produits par son complexe hôtelier, à une entreprise spécialisée, en application de l’article 188 du décret législatif nº 152/2006 et de l’article 15 de la directive 2008/98.

21      Par une décision du 7 décembre 2010, le Comune di Quartu S. Elena a informé SETAR qu’elle restait redevable de la TARSU pour l’année 2011, la circonstance que ladite société pourvoirait elle-même à l’élimination de ses déchets n’étant pas pertinente à cet égard.

22      SETAR a, à titre conservatoire, saisi le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna d’un recours en annulation de la décision par laquelle le Comune di Quartu S. Elena avait approuvé les tarifs de la TARSU pour l’année 2011. Cette juridiction a fait droit à la demande de SETAR.

23      Alors que la procédure engagée devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna était pendante, SETAR a reçu l’avis d’imposition, d’un montant de 171 216 euros, faisant l’objet du litige au principal et qui était fondé sur les tarifs de la TARSU pour l’année 2011.

24      Le 20 novembre 2012, le Comune di Quartu S. Elena a accordé un dégrèvement partiel à SETAR, conformément aux énonciations de la décision rendue par le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna, et a réduit, par un nouvel avis d’imposition, le montant réclamé de 74 193 euros.

25      Sur le fond de l’affaire, SETAR a saisi la Commissione tributaria provinciale di Cagliari d’un recours en annulation des avis d’imposition émis par le Comune di Quartu S. Elena. À l’appui de son recours, elle a fait valoir que ces avis d’imposition étaient contraires, notamment, à l’article 15 de la directive 2008/98 et au principe du «pollueur-payeur», reconnu par le droit de l’Union, et que, en application de ceux-ci, elle devrait être exonérée du paiement de la TARSU, puisqu’elle avait procédé à l’élimination directe des déchets qu’elle avait produits.

26      Il ressort de la décision de renvoi que la Commissione tributaria provinciale di Cagliari considère que l’article 15 de la directive 2008/98 a fait l’objet d’une mesure de transposition dans le droit national, même si cette mesure n’est pas encore entrée en vigueur. Toutefois, cette juridiction, d’une part, se demande si cet article 15 peut être considéré comme étant, du point de vue de son contenu, inconditionnel et suffisamment précis pour pouvoir être directement appliqué au litige au principal. D’autre part, elle s’interroge sur le point de savoir si une réglementation telle que celle en cause au principal met correctement en œuvre l’article 15 de la directive 2008/98 en ce que cet article permettrait aussi à un particulier, en recourant aux instruments adéquats et à la compétence professionnelle dont il dispose, de pourvoir lui-même à l’élimination de ses déchets et d’être ainsi exonéré du paiement des frais relatifs à celle-ci, à l’exception du coût de «gestion sociale», dont il devrait, en tout état de cause, supporter une partie au titre de l’existence du service universel.

27      Dans ces conditions, la Commissione tributaria provinciale di Cagliari a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le droit communautaire s’oppose-t-il à la réglementation instituée par l’article 188 du décret législatif nº 152/2006 et le décret du ministère de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la mer du 17 [décembre] 2009, selon laquelle l’entrée en vigueur de la réglementation qui transpose la directive [2008/98] est reportée jusqu’à l’adoption d’un décret ministériel définissant les modalités techniques et le délai d’entrée en vigueur de ladite réglementation de transposition?»

 Sur la question préjudicielle

 Sur la recevabilité

28      Selon le gouvernement italien, la question préjudicielle est irrecevable. En effet, d’une part, cette question porterait sur l’interprétation de dispositions du droit national et non pas sur celle des dispositions du droit de l’Union. D’autre part, et en tout état de cause, ladite question serait sans rapport avec l’objet du litige au principal, ce dernier devant être tranché sur la base de la législation nationale pertinente et, à supposer que la réglementation pertinente du droit de l’Union soit directement applicable, sur la base de cette dernière. En revanche, le point de savoir si, en l’occurrence, il y a lieu de relever une transposition tardive ou une non-transposition de la directive 2008/98 serait dépourvu de pertinence pour la solution du litige pendant devant la juridiction de renvoi.

29      La Commission, tout en s’abstenant d’invoquer l’irrecevabilité de la question préjudicielle, propose de reformuler celle-ci comme visant en substance à demander, d’une part, si la directive 2008/98, et plus précisément l’article 15 de celle-ci, permet à un particulier de pourvoir lui-même à l’élimination de ses déchets et d’être ainsi exonéré du paiement de la taxe communale y afférente et, d’autre part, si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale transposant l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, dont l’entrée en vigueur est reportée jusqu’à l’adoption d’un nouveau texte national en définissant les modalités techniques et le délai d’entrée en vigueur.

30      À titre liminaire, force est de constater que, par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour de statuer sur la conformité de certaines dispositions nationales avec le droit de l’Union.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il n’appartient pas à cette dernière de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en application de l’article 267 TFUE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec le droit de l’Union ni d’interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales (voir en ce sens, notamment, arrêt Vueling Airlines, C‑487/12, EU:C:2014:2232, point 26 et jurisprudence citée).

32      Toutefois, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier une telle compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêt Lombardini et Mantovani, C‑285/99 et C‑286/99, EU:C:2001:640, point 27 et jurisprudence citée).

33      Il y a lieu d’ajouter que, en l’espèce, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi s’interroge, notamment, sur le point de savoir si, à supposer que le droit de l’Union doive être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 confère des droits aux particuliers que ceux-ci peuvent directement faire valoir devant les juridictions d’un État membre. Il ne saurait donc être valablement soutenu que le litige serait dépourvu de tout lien avec le droit de l’Union.

34      Dans ces conditions, il convient d’écarter les objections soulevées par le gouvernement italien quant à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle.

 Sur le fond

35      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si,

–        d’une part, le droit de l’Union et la directive 2008/98 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale telle que celle en cause au principal, qui transpose une disposition de cette directive, mais dont l’entrée en vigueur est subordonnée à l’adoption d’un acte interne ultérieur qui en définira les modalités techniques et la date d’entrée en vigueur, alors même que le délai de transposition de ladite directive est écoulé, et,

–        d’autre part, l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, lu en combinaison avec les articles 4 et 13 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui ne prévoit pas la possibilité pour un producteur de déchets ou un détenteur de déchets de procéder lui-même à l’élimination de ceux-ci, de manière à être exonéré du paiement d’une taxe communale d’élimination des déchets.

36      En vue de répondre à la première partie de la question ainsi reformulée, il y a lieu de rappeler que l’obligation, pour un État membre, de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive est une obligation contraignante imposée par l’article 288, troisième alinéa, TFUE et par la directive 2008/98 elle-même. Cette obligation de prendre toutes les mesures générales ou particulières s’impose à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (voir, notamment, arrêt Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, C‑127/02, EU:C:2004:482, point 65).

37      Il ressort également de la jurisprudence que, même dans les cas où les États membres disposent, lors de la transposition d’une directive, d’une large marge d’appréciation quant au choix des moyens, lesdits États sont néanmoins obligés d’assurer le plein effet de cette directive et de respecter les délais qu’elle fixe, afin que l’exécution en soit uniforme dans l’Union tout entière (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, 10/76, EU:C:1976:125, point 12).

38      En l’occurrence, il ressort de l’article 40, paragraphe 1, de la directive 2008/98 que les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive au plus tard le 12 décembre 2010.

39      Il convient d’ajouter que ladite directive ne prévoit ni de disposition dérogatoire relative à l’entrée en vigueur des mesures destinées à assurer la transposition, dans le droit national, de son article 15, paragraphe 1, ni de dérogation plus générale permettant aux États membres de valablement reporter à une date postérieure au 12 décembre 2010 l’entrée en vigueur des mesures de transposition adoptées avant cette date.

40      Il s’ensuit qu’il convient de répondre à la première partie de la question posée que le droit de l’Union et la directive 2008/98 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui transpose une disposition de cette directive, mais dont l’entrée en vigueur est subordonnée à l’adoption d’un acte interne ultérieur, si cette entrée en vigueur intervient après l’expiration du délai de transposition fixé par ladite directive.

41      S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 impose aux États membres l’obligation de prévoir la possibilité, pour un producteur de déchets initial ou un détenteur de déchets, de procéder lui-même à l’élimination de ces déchets, de manière à être exonéré du paiement d’une taxe communale d’élimination des déchets, il convient de relever qu’il ressort clairement du libellé même de cette disposition que celle-ci n’oblige pas les États membres à prévoir une telle possibilité.

42      En effet, conformément à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires aux fins de veiller à ce que le producteur de déchets initial ou le détenteur de déchets soit procède lui-même au traitement de ceux-ci, soit qu’il le fasse faire par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets privé ou public, conformément aux articles 4 et 13 de cette directive.

43      Cet article 15, paragraphe 1, permet donc aux États membres de choisir entre plusieurs options et la référence aux dispositions des articles 4 et 13 de la directive 2008/98 ne saurait, contrairement à ce qu’a fait valoir SETAR, être interprétée en ce sens qu’elle réduirait la marge d’appréciation ainsi reconnue aux États membres, de façon à obliger ceux-ci à reconnaître au producteur de déchets initial ou au détenteur de déchets le droit de procéder eux-mêmes au traitement de ces déchets et d’être ainsi libérés de l’obligation de contribuer au financement du système de gestion des déchets mis en place par les services publics.

44      En particulier, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2008/98, qui établit la hiérarchie des déchets telle qu’elle doit être appliquée dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion de déchets, ne permet pas d’inférer qu’il faudrait accorder la priorité à un système qui permette aux producteurs de déchets de procéder eux-mêmes à l’élimination de ceux-ci. Au contraire, l’élimination des déchets ne figure qu’à la dernière place de cette hiérarchie.

45      L’interprétation selon laquelle l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 reconnaît une large marge d’appréciation aux États membres et n’oblige pas ces derniers à permettre au producteur de déchets initial ou au détenteur de déchets de procéder eux-mêmes à l’élimination de ces déchets est d’ailleurs la seule qui permette de tenir compte valablement de la circonstance, évoquée au considérant 41 de la directive 2008/98, que lesdits États membres ont des approches différentes en ce qui concerne la collecte des déchets et du fait que leurs systèmes de collecte de déchets divergent sensiblement.

46      Cette interprétation est de surcroît corroborée par l’article 14 de la directive 2008/98, relatif à la répartition des coûts de la gestion des déchets. En effet, cet article, qui est en substance identique à l’article 15 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO L 114, p. 9), qu’il a remplacé, oblige les États membres à prévoir que les coûts relatifs au système de gestion des déchets soient supportés par l’ensemble des producteurs et des détenteurs de déchets (voir, en ce sens, arrêt Futura Immobiliare e.a., C‑254/08, EU:C:2009:479, point 46). Or, l’interprétation préconisée par SETAR priverait d’effet utile cette disposition, puisqu’elle aurait pour conséquence de permettre aux producteurs ou aux détenteurs de déchets de se soustraire au financement du système de gestion des déchets que les États membres ont l’obligation de mettre en place.

47      À cet égard, il convient de rappeler que, en l’absence de réglementation du droit de l’Union imposant aux États membres une méthode précise s’agissant du financement du coût de la gestion des déchets, ce financement peut, au choix de l’État membre concerné, être indifféremment assuré au moyen d’une taxe, d’une redevance ou de toute autre modalité et qu’une réglementation nationale prévoyant, aux fins du financement de la gestion d’un tel système, par exemple, une taxe calculée sur la base d’une évaluation du volume de déchets généré et non sur la base de la quantité de déchets effectivement produite et remise à la collecte ne saurait être considérée comme contraire à la directive 2008/98 (voir en ce sens, en ce concerne la directive 2006/12, arrêt Futura Immobiliare e.a., EU:C:2009:479, points 52 à 54).

48      Toutefois, s’il est vrai que les autorités nationales compétentes en la matière disposent, par conséquent, d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne la détermination des modalités de calcul d’une taxe telle que celle en cause au principal, il n’en demeure pas moins que la taxe ainsi déterminée ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (voir, en ce sens, arrêt Futura Immobiliare e.a., EU:C:2009:479, point 55).

49      En l’espèce, il incombe donc à la juridiction de renvoi de vérifier, sur la base des éléments de fait et de droit qui lui ont été soumis, si la TARSU ne conduit pas à imputer à un producteur de déchets initial ou à un détenteur de déchets, tel que SETAR, qui procède lui-même à l’élimination de ceux-ci, des coûts manifestement disproportionnés par rapport aux volumes ou à la nature des déchets produits et/ou introduits dans le système de gestion des déchets.

50      Il convient, dès lors, de répondre à la seconde partie de la question posée que l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, lu en combinaison avec les articles 4 et 13 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale qui ne prévoit pas la possibilité pour un producteur de déchets initial ou un détenteur de déchets de procéder lui-même à l’élimination de ces déchets, de manière à être exonéré du paiement d’une taxe communale d’élimination des déchets, pour autant que celle-ci répond aux exigences du principe de proportionnalité.

51      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée:

–        d’une part, que le droit de l’Union et la directive 2008/98 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui transpose une disposition de cette directive, mais dont l’entrée en vigueur est subordonnée à l’adoption d’un acte interne ultérieur, si cette entrée en vigueur intervient après l’expiration du délai de transposition fixé par ladite directive, et

–        d’autre part, que l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, lu en combinaison avec les articles 4 et 13 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale qui ne prévoit pas la possibilité pour un producteur de déchets ou un détenteur de déchets de procéder lui-même à l’élimination de ses déchets, de manière à être exonéré du paiement d’une taxe communale d’élimination des déchets, pour autant que celle-ci répond aux exigences du principe de proportionnalité.

 Sur les dépens

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

Le droit de l’Union et la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui transpose une disposition de cette directive, mais dont l’entrée en vigueur est subordonnée à l’adoption d’un acte interne ultérieur, si cette entrée en vigueur intervient après l’expiration du délai de transposition fixée par ladite directive.

L’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, lu en combinaison avec les articles 4 et 13 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale qui ne prévoit pas la possibilité pour un producteur de déchets ou un détenteur de déchets de procéder lui-même à l’élimination de ses déchets, de manière à être exonéré du paiement d’une taxe communale d’élimination des déchets, pour autant que celle-ci répond aux exigences du principe de proportionnalité.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.