Des objectifs ambitieux qui pourraient se transformer en opération de « greenwashing ». Voilà l’appréciation de la société civile, réunie à Madrid pour la conférence mondiale sur le climat (COP25), après la présentation par la Commission européenne de son « green deal », mercredi 11 décembre. Une communication qui était attendue, tant l’Union européenne est vue comme la seule capable de reprendre un leadership climatique défaillant depuis plusieurs années.
« Les objectifs de ce deal sont ambitieux, visant une transformation de l’économie européenne », se félicite Sébastien Treyer, directeur de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), qui salue « l’invitation au verdissement des politiques macroéconomiques », un gage de « cohérence ». Le « green deal » prévoit que le climat, instauré comme priorité, irrigue l’ensemble des politiques publiques européennes – l’énergie, l’industrie, les transports, l’agriculture, etc. – avec un objectif final : celui d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
« Le “green deal” européen identifie les bons chantiers à ouvrir pour y parvenir », approuve Neil Makaroff, responsable Europe au Réseau Action Climat (RAC). Parmi les « initiatives prometteuses », l’expert relève les mesures proposées pour encadrer les émissions des secteurs maritime et aérien, « deux passagers clandestins de la politique climatique européenne », notamment la fin des subventions fiscales dont ils bénéficient. Le RAC juge malgré tout certaines mesures floues (comme celles qui ont trait à la rénovation énergétique des logements) voire contre-productives, comme l’élargissement du marché carbone au transport routier, « proposition ancienne des conservateurs pour détricoter toute norme d’émission pour les voitures et poids lourds ».
Processus long et complexe
Surtout, le « green deal » oublie qu’atteindre la neutralité carbone en 2050 nécessite d’accélérer le rythme de la transition écologique d’ici à 2030. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, soutient une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union entre 50 % et 55 % d’ici à 2030, contre 40 % aujourd’hui. Mais la Commission ne présentera son plan pour y parvenir qu’à l’été 2020.
Avec ce calendrier tardif, « l’Union européenne arrivera vraisemblablement les mains vides à la COP26 de Glasgow, en novembre 2020, mettant à mal la crédibilité de l’accord de Paris », prévient Clément Sénéchal, chargé de campagne climat pour Greenpeace France. Le traité international, conclu en 2015, prévoit que les pays présentent des plans climatiques plus ambitieux d’ici à l’année prochaine. Les nouveaux objectifs européens devront être adoptés par les chefs d’Etat et de gouvernement, un processus qui risque de se révéler long et complexe alors que seuls neuf Etats membres, dont la France, militent pour une baisse de 55 % des émissions. Les associations, elles, appellent à atteindre – 65 % pour ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement.
Pour le RAC, la Commission doit « accélérer ses travaux » et présenter un nouvel objectif européen avant mars 2020, afin d’« éviter de devenir une opération de greenwashing » et de parvenir à « entraîner les pays très émetteurs, notamment ceux du G20 comme la Chine ou l’Inde, à faire de même avant la COP26 ». Un sommet UE-Chine est prévu en septembre 2020 à Leipzig (Allemagne) au cours duquel Bruxelles espère pouvoir négocier un accord avec Pékin.
Tous attendent également l’issue du Conseil européen des 12 et 13 décembre, au cours duquel les Etats membres doivent se prononcer sur l’objectif de neutralité carbone en 2050. « Si l’Europe n’y parvenait pas, ce serait un très mauvais signal après la présentation du “green deal”, prévient Neil Makaroff. Il y aurait une opposition flagrante entre les discours sur l’ambition et l’incapacité des Etats à s’entendre pour agir. »
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