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Fonds vert pour le climat, des projets malgré tout

Dans le sud du Maroc, les oasis souffrent du changement climatique. Le Fonds vert finance dans la région des projets d’adaptation. Fadel Senna/AFP

Le signal d’alarme lancé par les scientifiques du GIEC au début du mois d’octobre est très clair : si limiter l’augmentation des températures à +1,5 °C d’ici la fin du siècle (par rapport à l’ère pré-industrielle, c’est-à-dire la seconde moitié du XIXe siècle) est encore possible, cela réclame des changements radicaux de tous les pans de l’économie mondiale. Une volonté politique accrue, des déploiements technologiques rapides et des moyens financiers importants sont indispensables pour soutenir les transitions nécessaires.

Dans ce contexte, et à quelques mois de la COP24 qui s’ouvre le 3 décembre prochain en Pologne, l’attention portée au Fonds vert pour le climat est croissante. Au sein de la finance climat, ce dispositif est crucial pour permettre la réorientation des flux financiers vers un développement bas-carbone et résilient.

À Copenhague, genèse d’un Fonds hors norme

L’apparition du Fonds vert pour le climat (ou Green Climate Fund, GCF) date de 2009 lors de la COP15 de Copenhague. Entériné l’année suivante, le Fonds vert a pour objectif de :

« Soutenir des projets, programmes, des politiques et d’autres activités dans les pays en Développement en utilisant des fenêtres de financement thématiques. »

Instrument clé du mécanisme financier de la convention climat, le Fonds a tout d’abord connu une phase de création puis de constitution (avec notamment l’établissement d’un siège permanent en Corée du Sud, à partir de 2013) ; ses premiers projets ont été approuvés fin 2015.

Dans un contexte où les sources de financement possibles pour l’action climatique sont nombreuses, le Fonds Vert est le premier fonds multilatéral entièrement dédié au climat. Il est innovant par exemple car il permet un accès direct aux fonds (sans passage obligé par des entités intermédiaires, comme c’est le cas du Fonds pour l’environnement mondial), et notamment au secteur privé. Une banque privée peut ainsi être accréditée et obtenir des fonds directement auprès du Fonds Vert.

Des attentes fortes

Le Fonds a pour objectif de consacrer la moitié des financements obtenus à l’adaptation aux impacts des changements climatiques et l’autre moitié à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (l’atténuation). En vertu du principe central d’autonomisation des pays promu par le Fonds Vert, afin de financer leurs plans climat par exemple, les attentes des pays sont fortes.

On confond parfois à tort le Fonds vert – dont la capitalisation initiale a recueilli 10 milliards de dollars de promesses –, avec les 100 milliards de dollars/an promis par les pays développés à Copenhague, en 2009.

Le Fonds vert, dont la gouvernance se répartit entre pays développés et pays en développement, entre pays donateurs et pays récipiendaires, participe à la confiance si importante dans les négociations climat.

Des projets qui n’évitent pas les crises

Approuvant ses premiers projets quelques mois avant la COP21, qui s’est tenue à Paris fin 2015, le Fonds Vert s’est imposé comme un élément central du multilatéralisme climat. Cependant, sa mise en place et la mise en œuvre des premières initiatives approuvées par le conseil d’administration a pris du temps, attirant un feu de critiques.

Juste avant son 21e conseil d’administration, qui s’est réuni du 17 au 20 octobre à Bahreïn, 73 projets avaient été adoptés par le Fonds vert, pour un montant de 3,5 milliards de dollars – dont 1,4 en cours de mise en œuvre.

Les estimations données par le GCF font état de 217 millions de personnes dont la résilience est augmentées grâce à ces projets, et 1,3 milliard de tonnes de CO2 équivalent évitées. 68 projets ont lieu dans des États insulaires et les pays les moins avancés ou en Afrique, par exemple ce projet d’adaptation pour l’agriculture irriguée dans des zones semi-arides au Maroc.

Le 20e conseil d’administration, qui s’est tenu en juillet 2018 en Corée, a néanmoins mis en lumière les faiblesses du Fonds ; aucune décision n’a pu être entérinée lors de cette réunion, faute d’obtention du consensus (l’unique modalité actuelle de prise de décision – malgré les tentatives répétées d’amélioration de cet aspect de la gouvernance du Fonds). En outre, la démission de son directeur exécutif, Howard Bamsey, aux dernières heures du conseil a pu être vue par certains comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Ainsi, outre l’administration Trump, qui ne devrait honorer qu’une partie des 3 milliards de dollars de promesses faîte par l’administration précédente, d’autres pays contributeurs, comme l’Australie, se posent la question de leur prochaine contribution au Fonds.

Quel futur pour le Fonds vert ?

Le Conseil d’administration – qui s’est clôturé ce samedi 20 octobre – peut être qualifié de succès. Il a ainsi permis l’approbation de 19 projets, pour plus d’un milliard de dollars.

On pourra citer à titre d’exemple trois initiatives, à commencer par un projet régional dans le sud de l’Afrique pour développer les énergies renouvelables, mais aussi des transports doux, agir sur la gestion de l’eau, etc., portée par la banque de développement sud-africaine (DBSA) ; le projet de lignes de crédit pour augmenter la résilience des toutes petites, petites et moyennes entreprises en Amérique latine et Caraïbes de la CABEI.

Citons aussi l’ambitieux programme « Transformer les systèmes financiers pour le climat », porté par le groupe AFD. Celui-ci permettra de consacrer plus de 750 millions de dollars au financement de projets d’atténuation et d’adaptation, en Afrique principalement, avec une contribution du Fonds vert de près de 278 millions (l’une des plus importantes contributions financières de ce dernier depuis sa création).

Ces projets de trois institutions partenaires au sein de l’International Development Finance Club, illustrent la mobilisation croissante des banques publiques de développement dans la lutte contre les changements climatiques.

Ce conseil a aussi posé les bases du processus de reconstitution du Fonds Vert, qui doit permettre d’ici au prochain sommet climat du Secrétaire général des Nations unies (prévu courant 2019), d’aboutir à la reconstitution des fonds. Il s’agit d’un point crucial pour que les pays en développement gardent confiance envers les pays développés que le Fonds continuerait à délivrer.

Cependant, aucune des politiques cruciales pour l’avenir du Fonds n’a pu être approuvée, des membres du conseil reconnaissant eux-mêmes une crise de gouvernance ; la reforme tant attendue du Fonds vert devra encore attendre.

Si les discussions à venir sur la gouvernance et la reconstitution du Fonds s’annoncent délicates –, il permet néanmoins d’entraîner les acteurs vers des normes ambitieuses (parfois au-delà de la seule question climatique, comme sur la politique du genre par exemple).

Il permet aussi de faire effet de levier sur des financements privés et d’entraîner les institutions, qui, afin d’être accrédités et de bénéficier du Fonds vert, doivent aligner leurs stratégies, pratiques et standards à ceux du Fonds et surtout d’accélérer l’accès à la finance climat dans de nombreux pays.

Aujourd’hui, la crise vécue en juillet semble loin, et la reconstruction semble en marche pour ce dispositif emblématique. Il faudra néanmoins attendre la fin de la phase de reconstitution et les prochains conseils pour savoir si le Fonds vert sera à la hauteur des attentes que sa création a suscitées.

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