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Chapitre 8 - Le rôle des forets et de la foresterie dans l'atténuation des effets du changement climatique


41. Quelles possibilités offrent les forets et l'aménagement forestier pour atténuer les effets du changement climatique prévu?
42. Quelles devraient être les caractéristiques des mesures visant a atténuer les effets potentiels du changement climatique?
43. Quelles recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les effets potentiels du changement climatique sur les arbres et les forets, et pour mettre au point des méthodes d'adaptation et d'atténuation?
44. Existe-t-il des accords internationaux encourageant le développement et la protection des forets en vue de renforcer leur aptitude a atténuer les effets du changement climatique?
45. Comment le programme d'action forestier tropical (PAFT) peut-il contribuer a l'élaboration de programmes dans le secteur forestier pour aider a atténuer les effets du changement climatique?
46. Quelles mesures peut-on prendre pour réduire les taux actuels de déforestation sous les tropiques et comment pourraient-elles influer sur les émissions de GES par les forets?
47. Que peut-on faire pour réduire la fréquence et l'ampleur de la destruction des forets et des savanes boisées par la combustion de la biomasse?
48. Comment l'augmentation de l'efficacité de la combustion du bois de feu et d'autres biocombustibles peut-elle réduire les émissions de GES?
49. Comment l'utilisation du bois et d'autres "biocombustibles" a la place des combustibles fossiles peut-elle aider a réduire les concentrations de GES dans l'atmosphère?
50. Comment une récolte du bois plus efficace peut-elle réduire les rejets de GES par les forets?
51. Comment la gestion et la conservation des forets naturelles peuvent-elles renforcer leur capacité de fixer et de stocker le carbone?
52. Quelles sont les utilisations des forets et des produits forestiers les plus souhaitables du point de vue du stockage du carbone a long terme?
53. Combien de carbone peut être fixe dans le bois et dans le sol par hectare de plantation forestière dans les zones boréales, tempérées et tropicales?
54. Quelle surface supplémentaire de plantations forestiers serait nécessaire pour compenser complètement les accroissements annuels actuels des niveaux de gaz a effet de serre, toutes sources confondues?
55. Dans quelle mesure des terres adaptées au boisement ou au reboisement sont-elles disponibles? ou se trouvent-elles?
56. Quelles sont les autres contraintes affectant les initiatives de plantation forestière a grande échelle?
57. Sur quel appui peuvent compter les activités de boisement et de reboisement, particulièrement au niveau international?
58. Comment l'agroforesterie et les plantations d'arbres en milieu urbain peuvent-elles contribuer a l'atténuation du changement climatique?
59. Est-il judicieux de planter des arbres uniquement pour l'absorption du CO2, compte tenu des autres besoins en terre?
60. Quelles politiques forestières devraient être envisagées au niveau national pour faire face a la menace du changement climatique?

41. Quelles possibilités offrent les forets et l'aménagement forestier pour atténuer les effets du changement climatique prévu?

Les forêts offrent des possibilités d'atténuer en partie les effets prévus du changement climatique. Trois stratégies globales sont envisageables:

La réduction des sources de gaz à effet de serre.
Le maintien des puits existants de gaz à effet de serre.
Le développement des puits de gaz à effet de serre.

Chacune de ces approches comporte des actions spécifiques décrites dans les sections 8A, 8B et 8C du présent chapitre.

Durant la phase de planification des stratégies et des programmes forestiers visant à atténuer les effets du changement climatique, il faut tenir compte des deux éléments suivants:

* Les arbres et les forêts ne sont que des puits temporaires de carbone. Lorsque les arbres sont récoltés, brûlés ou meurent, une partie du carbone stocké est de nouveau libéré dans l'atmosphère. Les politiques et stratégies du secteur forestier devraient donc viser à prolonger aussi longtemps que possible la capacité de stockage du carbone des arbres et des forêts.

* Toute mesure d'atténuation prise dans le secteur forestier doit s'accompagner de mesures correspondantes dans les autres secteurs qui contribuent sensiblement à la formation de GES dans l'atmosphère, comme l'industrie, l'agriculture, les transports et la production d'énergie.

42. Quelles devraient être les caractéristiques des mesures visant a atténuer les effets potentiels du changement climatique?

Indépendamment du choix des mesures prises pour atténuer les effets prévus du changement climatique, celles-ci devraient présenter les caractéristiques suivantes:

Ecologiquement durables - Ces interventions devraient répondre aux besoins à long terme des générations présentes et futures.

Economiquement viables - Les actions proposées devraient comporter de faibles coûts de démarrage et être un facteur d'intégration sociale en s'appuyant sur les besoins, le mode de vie et les traditions des populations locales.

Technologiquement simples - Ces actions devraient pouvoir être mises en œuvre avec succès dans des conditions très variées avec un minimum d'équipement, de connaissances ou de techniques spécialisés.

Adaptables - Elles devraient être suffisamment souples pour s'adapter à des conditions économiques, politiques, sociales, écologiques et climatiques en évolution.

Socialement acceptables - Les actions proposées devraient procurer des avantages immédiats et clairs, en particulier aux populations locales.

43. Quelles recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les effets potentiels du changement climatique sur les arbres et les forets, et pour mettre au point des méthodes d'adaptation et d'atténuation?

Le problème du changement climatique mondial est porteur de nombreuses incertitudes. Dans le domaine des forêts et de la foresterie, ces incertitudes ont trait à l'impact du changement climatique éventuel sur les écosystèmes forestiers, à l'adaptation des forêts au changement climatique et aux possibilités offertes par les forêts d'atténuer les effets négatifs prévus du changement climatique.

Durant une Conférence ministérielle sur la protection des forêts en Europe, tenue à Helsinki, en Finlande, en 1993, les Etats européens et l'Union européenne ont adopté de concert un programme de recherche et de coopération intensifié sur les forêts et le changement climatique. Ce programme fournit un modèle détaillé pour des interventions nationales et (ou) régionales et recommande les directions de recherche suivantes:

* Obtenir une meilleure compréhension des relations entre le changement climatique et les écosystèmes forestiers, notamment les feed-backs des écosystèmes vers le système climatique.

* Quantifier le rôle des forêts, des sols forestiers et des tourbières en tant que réservoirs, puits et sources de carbone et comprendre le rôle des forêts dans le cycle global du carbone. Les activités de recherche dans ce domaine pourraient comprendre la mise au point de méthodologies communes pour la recherche, pour des inventaires nationaux et régionaux et l'élaboration et la gestion de base de données sur les réservoirs, les puits et les sources de carbone dans les écosystèmes terrestres.

* Définir la variabilité génétique associée aux essences forestières importantes au niveau régional et leur aptitude à réagir aux changements du climat et à l'accroissement des concentrations de dioxyde de carbone, et l'intensité et le rythme des processus d'évolution et de l'adaptation.

* Déterminer l'équilibre dynamique des rapports hôte-parasite dans les nouveaux environnements climatiques.

* Etudier les changements survenant dans les processus de formation des sols, tels que la minéralisation de la matière organique et le lessivage, sous l'effet du changement climatique.

* Elaborer des modèles d'écosystèmes prédictifs, basés sur les processus, applicables à l'échelon régional et pouvant servir à intégrer les changements prévus dans le climat, les interactions avec la pollution atmosphérique, les effets sur les écosystèmes forestiers, les flux de gaz à effet de serre et leurs effets sur les forêts et l'aménagement forestier.

* Définir des moyens de modifier les systèmes d'aménagement forestier afin d'optimiser l'adaptation au changement climatique, d'assurer la santé et les fonctions des forêts et de maximiser le piégeage et le stockage du carbone.

Un programme général de recherche concernant les interactions forêt/atmosphère aux Etats-Unis a également été mis au point par le Service forestier du Département de l'agriculture des Etats-Unis (1988).

44. Existe-t-il des accords internationaux encourageant le développement et la protection des forets en vue de renforcer leur aptitude a atténuer les effets du changement climatique?

Plusieurs outils et objectifs internationaux ont été élaborés, soutenant le développement du secteur forestier à grande échelle comme moyen d'atténuer les effets des changements climatiques prévus.

Un des premiers accords internationaux sur le changement climatique directement lié à la foresterie est la Déclaration de Nordwijk sur le changement climatique, élaborée en 1989. Cette déclaration a fixé pour objectif une croissance nette de la surface forestière de 12 millions d'ha/an d'ici au début du siècle prochain. Une réunion technique complémentaire tenue à Bangkok, en Thaïlande, en 1991 a conclu que les perspectives d'atteindre cet objectif étaient très limitées (IPCC, 1992).

Au cours de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), tenue à Rio de Janeiro, au Brésil, une Convention cadre sur le changement climatique, visant à contrôler et à réduire les émissions futures de gaz à effet de serre a été signée. En décembre 1994, cette Convention avait été ratifiée par 100 pays signataires.

Une déclaration non juridiquement contraignante mais faisant autorité, intitulée "Principes pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et le développement durable de tous les types de forêts", a été adoptée lors de la CNUED. La déclaration souligne que les terres forestières doivent être gérées de manière durable afin de répondre aux besoins sociaux, économiques, écologiques, culturels et spirituels des générations actuelles et futures. Ces principes et Action 21 (Agenda 21), programme pour la protection de l'environnement au XXIe siècle également élaboré durant la CNUED, proposent des mesures de conservation des forêts visant à préserver les réserves de carbone et à renforcer leur sécurité.

Ces déclarations doivent se traduire concrètement par la mise en œuvre de programmes d'action au niveau des pays et des communautés. Plusieurs pays, notamment la Chine, le Danemark, la Finlande, la France et l'Italie ont mis au point des plans d'action stratégique dans le cadre de ces accords internationaux. Ainsi, la France s'est fixé l'objectif de boiser 30 000 ha de terres par an pendant les 50 prochaines années et de promouvoir des utilisations plus durables du bois (par exemple, dans le secteur du bâtiment) (Ministère de l'agriculture et de la pêche, 1994).

Des organisations internationales comme la FAO peuvent fournir un large éventail d'actions d'assistance technique et de formation en rapport avec le changement climatique et l'identification des possibilités offertes par les forêts d'atténuer ses effets.

45. Comment le programme d'action forestier tropical (PAFT) peut-il contribuer a l'élaboration de programmes dans le secteur forestier pour aider a atténuer les effets du changement climatique?

Le PAFT a pour objectif d'aider les pays à conserver et à utiliser de manière durable leurs ressources forestières tropicales. Ce programme est le fruit d'efforts menés parallèlement par la FAO, la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l'Institut pour les Ressources Mondiales (World Resources Institute, WRI). Il a été officialisé en 1987 et renforcé en 1991. La direction du programme est sise à la FAO.

Le PAFT consiste en une approche de la planification et de la gestion des ressources forestières élaborée au niveau de chaque pays. Le processus, multidisciplinaire et intersectoriel, repose sur une forte participation des populations locales et des organisations non gouvernementales. Le PAFT commence par la formulation ou la révision des politiques et stratégies forestières à long terme et l'élaboration d'un plan forestier national. Ce processus peut faciliter l'intégration des considérations relatives au changement climatique dans la formulation et la mise en oeuvre de politiques, stratégies et plans du secteur forestier à long terme.

8A
LA REDUCTION DES SOURCES DE GAZ A EFFET DE SERRE

46. Quelles mesures peut-on prendre pour réduire les taux actuels de déforestation sous les tropiques et comment pourraient-elles influer sur les émissions de GES par les forets?

Si l'on veut stopper les taux actuels de déforestation, il faut prendre des mesures qui réduisent les pressions visant à convertir les terres forestières à d'autres usages et protègent les forêts restantes de manière à ce qu'elles puissent être gérées d'une manière durable. La plus grande partie de la déforestation est due à l'extension de l'agriculture, elle-même conséquence directe de l'accroissement démographique et de l'essor économique. Les programmes visant à réduire la déforestation doivent donc être accompagnés d'efforts pour accroître la productivité et la durabilité des terres agricoles existantes, de sorte que la production progresse au même rythme que la demande croissante. Dans de nombreux cas, la déforestation a été considérée comme un problème concernant uniquement le secteur forestier, alors qu'en réalité il s'agit d'un problème multisectoriel.

Selon une estimation, 80% des opérations de défrichement des forêts en faveur de l'agriculture itinérante ou sédentaire pourraient être éliminées et remplacées par des systèmes de culture durables (Lashof et Tirpak, 1989). Ils suggèrent les actions suivantes pour réduire l'extension de l'agriculture dans les forêts tropicales:

* Introduire des systèmes de cultures en mélange, de plantation et de gestion et des variétés améliorées visant à accroître la productivité par unité de surface sur les terres agricoles existantes. Dans certains cas, des investissements dans des engrais, des systèmes d'irrigation et l'apport de capitaux (systèmes à fort apport d'intrants) seront nécessaires pour parvenir à une intensification et à une durabilité agricoles satisfaisantes.

* Etudier les possibilités de recours à des systèmes de culture à faible apport d'intrants extérieurs là où les hauts niveaux d'intrants sont impossibles.

* Favoriser le développement des cultures de rente ainsi que des cultures de subsistance de manière à ce que les agriculteurs puissent obtenir le numéraire nécessaire à l'achat d'engrais, de matériel d'irrigation et d'autres technologies.

* Intensifier la gestion des pâturages existants pour accroître la productivité des sites par l'introduction de stratégies améliorées d'affouragement, la fertilisation, la mécanisation et la gestion améliorée du bétail.

* Axer le développement agricole sur des sites ayant des sols non forestiers adéquats comme la savane, les pâturages et les terres arables sous-utilisées.

Les possibilités de mettre en œuvre ces options et d'autres devraient être déterminées moyennant l'élaboration de plans stratégiques de gestion des terres et des ressources au niveau national.

47. Que peut-on faire pour réduire la fréquence et l'ampleur de la destruction des forets et des savanes boisées par la combustion de la biomasse?

La plupart des feux survenant dans les savanes et les terres boisées sont des feux dirigés ou intentionnels. Ils sont provoqués par les populations locales qui ont recours au feu pour défricher, éliminer les résidus agricoles, améliorer la qualité du fourrage pour le bétail ou rabattre le gibier. Ces pratiques s'appuient sur des traditions souvent vieilles de plusieurs milliers d'années. S'il n'y a pas de changement radical dans les pratiques agricoles et les méthodes de gestion des parcours dans ces pays dans un proche avenir, ces pratiques et les émissions de carbone qui en résultent se poursuivront.

Il n'est pas rare que des feux dirigés se propagent sur des zones que l'on n'avait pas l'intention de brûler. Le nombre de feux incontrôlés ou feux non intentionnels et la superficie concernée peuvent être diminués par la mise en oeuvre de programmes de lutte intégrée contre les incendies. Si le principal avantage de ces programmes est qu'ils protègent les forêts et autres espaces naturels contre les feux incontrôlés, ils réduisent du même coup les émissions de carbone.

Les éléments d'un programme de lutte intégrée contre les feux incontrôlés comprennent la prévention générale contre les incendies; la préparation de la défense contre les incendies (détection des incendies, méthode d'évaluation du risque d'incendie fondée sur les conditions météorologiques et celles des combustibles sur place (Fig. 8.1), formation et équipement des brigades anti-incendies); et l'extinction, c'est-à-dire la lutte effective contre les incendies de forêts et de terres boisées.

La prévention générale contre les incendies devrait s'adresser directement aux groupes de population particuliers qui provoquent les feux incontrôlés. Par exemple, dans les zones boisées de plusieurs parcs nationaux en Indonésie, le risque de feux incontrôlés est important en raison du brûlage pratiqué par les agriculteurs installés à proximité. Ceux-ci constituent un des groupes cibles identifiés dans le cadre du projet financé par le Programme de coopération technique (PCT) de la FAO pour la gestion des feux incontrôlés. Le programme ultérieur de prévention contre les incendies s'est adressé spécifiquement à ce groupe. Un autre aspect essentiel de la prévention est la gestion des combustibles. Elle comprend la mise en place de coupe-feu dans des endroits stratégiques et le recours périodique au brûlage dirigé afin de réduire les volumes de combustibles dans la forêt. Une méthode relativement simple, consistant à apprendre aux agriculteurs à construire des coupe-feu autour des pâturages ou des champs qui doivent être brûlés peut empêcher les feux dirigés de se propager et de brûler les forêts et les terres boisées environnantes.

En élaborant les programmes de lutte contre les feux incontrôlés, il est nécessaire de bien comprendre le rôle écologique des feux naturels dans les zones devant être protégées. Dans de nombreux écosystèmes semi-arides, le feu joue un rôle fondamental dans la succession végétale. L'élimination des incendies peut entraîner la formation d'une biomasse végétale plus abondante que le site n'est capable d'en porter. Cette végétation devient ensuite sensible aux attaques des insectes, des maladies et autres agents nuisibles, entraînant une accumulation excessive de combustibles. En conséquence, quand un feu incontrôlé se déclare après une longue période sans feu, il brûle avec une plus grande intensité et peut causer plus de dégâts (Hessburg et al, 1994, Département de l'agriculture des Etats-Unis, 1994).

Figure 8.1 - Dans la Péninsule du Yucatan, au Mexique, un forestier examine les combustibles forestiers. La connaissance des conditions des combustibles est un facteur important dans la planification des programmes de lutte contre les incendies de forêt.

48. Comment l'augmentation de l'efficacité de la combustion du bois de feu et d'autres biocombustibles peut-elle réduire les émissions de GES?

Le bois de feu et d'autres biocombustibles, dont le charbon de bois, les résidus agricoles, les déjections animales et d'autres formes de biomasse servent dans de nombreuses régions du monde à la cuisson des aliments, au chauffage et à la transformation des matières premières à l'échelle domestique (Fig. 8.2). Les biocombustibles sont actuellement la quatrième source d'énergie dans le monde, la consommation de bois de feu et de charbon de bois représentant à elle seule 10% de la consommation énergétique mondiale totale. Dans les pays en développement, la biomasse est la principale source d'énergie. Par exemple, en Ethiopie, les biocombustibles représentent plus de 93% des ressources énergétiques nationales (Karekezi, 1994). On estime que l'utilisation de biocombustibles domestiques contribue dans la mesure de 2 à 7% aux émissions annuelles de GES d'origine anthropique. Le bois de feu et d'autres biocombustibles servent aussi dans bon nombre de pays en développement à alimenter de nombreuses petites et moyennes industries rurales: fours à charbon de bois, fours de boulanger, fours à briques, usines de traitement du tabac et du café.

Dans la majorité des cas, les biocombustibles domestiques sont convertis en énergie à l'aide de méthodes inefficaces et à faible rendement, avec un fort dégagement de GES par unité d'énergie produite. L'utilisation de systèmes de combustion plus efficaces permet d'augmenter la production d'énergie et de diminuer le dégagement de GES. Ils fournissent l'avantage supplémentaire de diminuer la pression sur les ressources en biocombustibles existantes. Ceci est particulièrement important dans de nombreuses régions semi-arides où des populations en expansion rapide exercent une pression accrue sur ces ressources, conduisant à la déforestation et à la désertification.

Figure 8.2 - Transport du bois de feu d'une plantation forestière jusqu'au village, en Indonésie. Dans les pays en développement, les ruraux sont fortement tributaires du bois de feu pour la cuisson des aliments et le chauffage: Une utilisation plus efficace des biocombustibles permettrait une diminution des émissions de GES.

L'introduction de fourneaux de cuisine et de procédés industriels plus performants pourrait réduire les besoins en bois de feu de 25 à 70% pour un faible coût d'investissement. Cela pourrait également contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. En outre, l'utilisation d'une biomasse de meilleure qualité en termes de dimension, de teneur en humidité et de pouvoir calorifique, le cas échéant, peut contribuer à un meilleur rendement énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Afin de tirer le maximum d'avantages des technologies à meilleur rendement énergétique, leur introduction doit être accompagnée d'une formation adéquate concernant leur utilisation telle que celle offerte par les programmes de certaines ONG comme la Fondation pour la dissémination des fours à bois (Foundation for Woodstove Dissemination, FWD).

49. Comment l'utilisation du bois et d'autres "biocombustibles" a la place des combustibles fossiles peut-elle aider a réduire les concentrations de GES dans l'atmosphère?

La substitution de la biomasse aux combustibles fossiles en tant que source d'énergie moderne est susceptible de modifier radicalement les conséquences de l'augmentation de la consommation énergétique sur le réchauffement de la planète, surtout dans les pays tropicaux. Il existe des possibilités d'utiliser de grandes quantités de résidus agricoles et forestiers qui autrement seraient perdus. Il est également possible de développer les cultures de biomasse, principalement pour la production d'énergie. S'ils étaient produits efficacement, ces "biocombustibles" pourraient couvrir une partie importante de la demande d'énergie commerciale durant les prochaines décennies.

Les avantages de l'utilisation de la bioénergie vont au-delà de la substitution des sources de combustible. D'une part, les biocombustibles peuvent aider à fermer le cycle du CO2 et à réduire les émissions de GES, et d'autre part, les plantations de biomasse établies sur des terres actuellement en jachère augmenteraient aussi les réservoirs de carbone. De plus, le remplacement de la biomasse d'origine nationale permettrait aussi aux pays démunis d'énergie de redresser leur balance des paiements. De nouvelles possibilités d'emploi dans les zones rurales et la décentralisation des ressources énergétiques représentent d'autres avantages potentiels.

Ce sont naturellement les déchets agricoles et industriels qui constituent le meilleur moyen d'utiliser la biomasse pour la production d'énergie. En Indonésie, par exemple, de grandes quantités de déchets ligneux provenant des opérations d'exploitation forestière et de la transformation du bois sont empilées et brûlées, utilisées pour des remblais ou déversées dans les cours d'eau ou l'océan. Ces matériaux sont actuellement considérés comme posant un problème d'évacuation des déchets et non comme une source d'énergie. On estime qu'en Indonésie, les déchets ligneux provenant des scieries et des fabriques de contreplaqués suffiraient à produire 1000 mégawatts d'électricité. Cela équivaut à 20-30% de l'énergie tirée aujourd'hui des combustibles fossiles. Les déchets de canne à sucre et de riz offrent les mêmes possibilités. Certains déchets agricoles et industriels peuvent également être incorporés dans le sol pour accroître la quantité de carbone stocké.

Le potentiel d'utilisation de la biomasse va au-delà de l'utilisation des déchets. Les plantations forestières tropicales ont enregistré des rendements équivalant à plus de 15 tonnes de carbone par ha et par an. Même dans l'hypothèse de taux de croissance modestes, ces plantations pourraient contribuer sensiblement aux approvisionnements énergétiques et au stockage temporaire du carbone si elles étaient établies sur de vastes superficies (Trexler et al, 1992).

50. Comment une récolte du bois plus efficace peut-elle réduire les rejets de GES par les forets?

Les opérations d'expolitation forestière non réglementées entraînent une perturbation excessive du sol, des résidus d'exploitation et laissent les arbres résiduels endommagés. Ceci provoque des émissions accrues de CO2 et d'autres GES et diminue la capacité de la forêt résiduelle d'absorber du carbone (Pinard, 1994). L'exploitation forestière est un processus destructeur, quelque soit le soin avec lequel elle est planifiée et mise en œuvre. Toutefois, certaines méthodes de planification et d'exploitation permettent de réduire les perturbations causées aux systèmes forestiers.

Une bonne récolte du bois commence par l'élaboration de plans de gestion forestière et de plans de récolte. Les plans de gestion forestière comprennent des cartes et des descriptions des zones à exploiter, des zones à protéger, des informations d'ordre contractuel et d'autres politiques générales. Les plans de récolte décrivent dans le détail l'opération de récolte.

La diminution des dégâts dûs à l'abattage, caractéristique d'une forêt bien gérée, résulte d'une planification soigneuse de la récolte du bois (Dykstra et Heinrich, 1992). Ces avantages pour l'environnement sont en général peu coûteux et peuvent même accroître l'efficacité des opérations de récolte et réduire les coûts.

Plusieurs techniques peuvent réduire sensiblement les dégâts dûs à l'abattage. Le pré-abattage des lianes est souvent recommandé lorsqu'elles relient les arbres entre eux pour limiter les dégâts causés par leur chute. L'abattage directionnel est recommandé dans les zones destinées à une coupe sélective. Il réduit les dommages aux arbres potentiellement exploitables dans le futur et facilite le traînage. Le débusquage mérite aussi beaucoup d'attention car il peut endommager les sols et les arbres résiduels. Les sols dénudés sont sujets à l'érosion et au lessivage de la matière organique, dont le carbone. Il est possible de réduire les dégâts dûs au débusquage en limitant l'accès des bulldozers à certaines pistes de débardage et en allongeant au maximum les distances de treuillage des grumes. On peut encore réduire les dégâts au sol en recourant à des méthodes de débusquage comportant le transport des grumes suspendues dans l'air (par exemple, cables aériens, hélicoptères et ballons).

L'utilisation accrue des arbres abattus se traduira par une réduction de la surface totale à mettre en coupe. Une étude de la FAO (Dykstra, 1994) a révélé que dans plusieurs pays tropicaux, moins de 50 % du bois des tiges principales des arbres tropicaux abattus pour la récolte sont vraiment utilisés. Le reste de la tige principale et les autres parties de l'arbre sont abandonnés. En comparaison, la proportion moyenne des tiges principales utilisée dans les pays industrialisés dépasse 78%.

Les pratiques après récolte comme l'enlèvement des traversées de cours d'eau qui entravent le débit, une bonne élimination des résidus de coupe et des traitements favorisant la croissance de la végétation dans les zones dénudées faciliteront la régénération des superficies exploitées (Putz, 1994).

Une étude réalisée dans les forêts à Dipterocarpacées au Sabah, en Malaisie, fournit un exemple des avantages des techniques de récolte améliorées (Pinard, 1994). Normalement, les arbres de plus de 60 cm de diamètre à hauteur de poitrine sont récoltés et traînés jusqu'aux premiers dépôts transitoires par des bulldozers. Environ 8 à 15 arbres par ha sont prélevés de cette manière et jusqu'à 75% des arbres résiduels souffrent de dégâts dûs à la coupe. Avant d'être exploitées, ces forêts peuvent stocker jusqu'à 330 tC/ha. L'opération de récolte prélève à peu près 80 tC/ha. Grâce à des techniques de récolte contrôlées, il a été démontré que si les dommages au peuplement résiduel pouvaient être réduits de 40 à 20%, la quantité supplémentaire de carbone subsistant dans la forêt résiduelle après 10 ans pourrait dépasser 65 tonnes/ha (Fig. 8.3).

Figure 8.3 - Comparaison des quantités de carbone résiduel stocké dans le cas d'une exploitation classique et dans le cas d'une exploitation à impact réduit en Malaisie (Source: Pinard, 1994)

Exploitation classique

Exploitation à impact réduit

8B
LE MAINTIEN DES PUITS EXISTANTS DE GAZ A EFFET DE SERRE

51. Comment la gestion et la conservation des forets naturelles peuvent-elles renforcer leur capacité de fixer et de stocker le carbone?

Une meilleure gestion des forêts naturelles peut augmenter la productivité et le potentiel de stockage du carbone en favorisant une croissance accélérée, le maintien de niveaux optimums de peuplement et de protection contre les incendies, les ravageurs et les maladies (voir question 40). Il existe de nombreuses possibilités d'améliorer la gestion des forêts naturelles dans le monde. Sous les tropiques, par exemple, on estime que 137 millions d'ha de forêts exploitées pourraient bénéficier de plantation d'enrichissement et de pratiques de régénération car les méthodes actuelles d'exploitation sélective ont abaissé la productivité à long terme (Grainger, 1989) (voir question 50).

Le développement des produits forestiers non ligneux serait un autre moyen d'encourager l'entretien et la protection des forêts. Il pourrait s'y ajouter l'effet souhaitable d'une augmentation du stockage du carbone. Parmi les exemples de possibilités de développer les produits forestiers non ligneux, il faut citer la production de latex, de noix, de résine, de champignons, de viande de gibier et de plantes médicinales (Fig. 8.4).

L'établissement de réserves forestières ou de forêts protégées, non soumises à la récolte du bois, aidera aussi à maintenir les forêts naturelles existantes en tant que puits de carbone, à condition qu'elles soient protégées des effets nuisibles du feu, des ravageurs et des maladies. Ces forêts offrent encore de nombreuses possibilités pour la gestion des ressources forestières non ligneuses. Elles fournissent entre autres un habitat à la faune sauvage, constituent des sites où les plantes rares ou menacées peuvent être protégées in situ, permettent la conservation in situ des ressources génétiques, ta création de sites de loisirs en plein air, la protection des ressources en sols et en eaux et la récolte de produits non ligneux comme les fruits sauvages et les champignons. Quant au potentiel d'absorption de carbone de ces forêts, il serait limité car elles sont souvent constituées en grande partie de peuplements mûrs où la quantité de carbone absorbé est à peu près égale à celle du carbone dégagé.

52. Quelles sont les utilisations des forets et des produits forestiers les plus souhaitables du point de vue du stockage du carbone a long terme?

Sur le plan du stockage du CO2 les utilisations les plus souhaitables des forêts et produits forestiers sont celles qui allongent les durées de rotation et la production de biens durables. Le carbone peut ainsi être stocké dans le tissu ligneux aussi longtemps que possible. Toutefois, les besoins locaux et nationaux en biens et services auront la priorité sur les préoccupations globales concernant le piégeage du carbone. Par conséquent, sous l'angle socio-économique, les forêts devraient être soumises à toute utilisation permettant de répondre aux besoins nationaux et locaux, à condition que ces utilisations soient durables. Si les forêts subviennent aux besoins des populations, elles fournissent en elles-mêmes les motivations pour une gestion durable et leur probabilité de survie à long terme et les avantages à en tirer seront accrus.

La transformation des arbres en biens durables, par exemple des meubles ou de la charpente, prolongera le piégeage du carbone. Le recyclage des papiers réduira le besoin d'exploiter les arbres pour la fabrication de nouveaux produits papetiers.

Figure 8.4 - Au Viet Nam, une femme recueille de la résine dans une plantation de pins. Les produits forestiers non ligneux peuvent fournir des motivations économiques pour la gestion et la protection des forêts, maintenant ainsi leur capacité d'absorber et de stocker le carbone.

8C
LE DEVELOPPEMENT DES PUITS DE GAZ A EFFET DE SERRE

53. Combien de carbone peut être fixe dans le bois et dans le sol par hectare de plantation forestière dans les zones boréales, tempérées et tropicales?

Le taux de fixation du carbone est fonction de nombreuses variables. Parmi celles-ci, l'espèce, les taux de croissance, la longévité, le site, les précipitations annuelles, la longueur de la période de croissance, la durée de la rotation, etc. C'est dans les jeunes plantations que le taux annuel de carbone fixé est le plus élevé.

Les taux de fixation pour plusieurs essences de plantations forestières tropicales pendant une rotation déterminée ont été récapitulés par Schroeder (1991) (Tableau 8.1).

TABLEAU 8.1
TAUX DE FIXATION DU CARBONE POUR PLUSIEURS ESSENCES DE PLANTATIONS FORESTIERES TROPICALES (Source: Schroeder, 1991)

Essences

Rotation (Années)

Moyenne du carbone stocké au-dessus du sol (Tonnes C/ha)

Pinus caribea

15

59

Leucaena sp.

7-8

21-42

Casuarina sp.

10

21-55

Pinus patula

20

72

Cupressus lusitanica

20

57

Acacia nilotica

10-15

12-17

Qu'il s'agisse de boisement ou de reboisement, il est indispensable que l'espèce et sa provenance soient adaptées au site sur lequel elles doivent être plantées. En outre, il faut choisir des essences qui répondent aux objectifs de la plantation et soient acceptables par les populations locales. Si ces conditions sont remplies, et avec une gestion et une protection correctes, les plantations devraient être assurées d'un taux de survie élevé, d'une bonne croissance et répondront aux objectifs pour lesquels elles ont été établies, notamment le piégeage du carbone (Fig. 8.5).

54. Quelle surface supplémentaire de plantations forestiers serait nécessaire pour compenser complètement les accroissements annuels actuels des niveaux de gaz a effet de serre, toutes sources confondues?

Un certain nombre d'études ont été effectuées pour estimer la surface forestière requise pour compenser les émissions de CO2. Une étude de Sedjo et Solomon (1989) indique que l'accroissement annuel actuel du carbone atmosphérique pourrait être piégé pendant environ 30 ans dans à peu près 465 millions d'ha de plantations forestières. Cela nécessiterait une augmentation de plus de 10% de la surface actuelle des forêts de la Terre. Cela représenterait également une augmentation de plus de quatre fois la surface actuelle des plantations dans le monde. Cette estimation s'appuie sur l'hypothèse d'une croissance annuelle moyenne de 15 m3/ha/an. Un taux de croissance annuel de 5 m3/ha/an est plus réaliste pour les plantations des zones boréales et tempérées et de nombreuses zones tropicales. Par conséquent, cette estimation peut sembler très prudente.

Grainger (1990) a fait des calculs pour plusieurs scenarios de plantation forestière. Ils laissent prévoir ce qui suit:

* La plantation de 60 millions d'ha par an pendant 10 ans établirait une surface forestière suffisante pour absorber 2,9 GtC par an, l'accroissement net de CO2 provenant de toutes les sources.

* La plantation de 20 millions d'ha par an commençant en 1990 permettrait une absorption de carbone égale à la contribution actuelle nette par an du CO2 d'ici à l'an 2020.

* En plantant 2 millions d'ha par an pendant 30 ans, on aurait des forêts capables d'absorber 10% de l'accroissement annuel net de CO2.

* En poursuivant les plantations forestières au rythme actuel pendant les 40 prochaines années, on neutraliserait moins de 10% de l'accroissement actuel net de CO2.

* La plantation de 2 à 5 millions d'ha par an pourrait compenser les émissions de CO2 provenant des forêts tropicales d'ici à l'an 2020.

Le taux de plantation actuel sous les tropiques est d'environ 1,8 million d'ha par an (FAO, 1993).

Figure 8.5 - Les plantations d'arbres à croissance rapide, comme cette plantation de Pinus radiata au Chili, peuvent absorber le CO2 atmosphérique tout en fournissant une vaste gamme de produits et services ligneux et non ligneux.

55. Dans quelle mesure des terres adaptées au boisement ou au reboisement sont-elles disponibles? ou se trouvent-elles?

Pour répondre à cette question, il faut d'abord préciser ce que l'on entend par "adaptées". Il ne s'agit pas seulement d'une définition technique concernant les sols et les conditions climatiques. Des facteurs sociaux et économiques entrent aussi en jeu. Il est possible, à un certain prix, de planter des arbres presque partout; le coût, toutefois, ne sera pas seulement en termes monétaires mais aussi en termes humains, étant donné qu'une grande partie des terres classées "dégradées" et disponibles pour les plantations sont en fait utilisées par des populations sans terre. La décision de consacrer une certaine superficie à des plantations forestières doit être techniquement correcte, économiquement viable et socialement acceptable.

Plusieurs estimations ont été faites concernant les terres disponibles pour le boisement sous les tropiques. Grainger (1990) estime qu'il pourrait y avoir 621 millions d'ha de terres "techniquement" disponibles. Cette estimation ne prend pas en compte les aspects socio-économiques. Sur cette surface, 418 millions d'ha se trouvent dans des régions sèches de montagne et 203 millions d'ha sont des jachères forestières en zones humides. Selon Houghton (1990), il y aurait dans les régions tropicales 865 millions d'ha de terres disponibles pour le boisement. Sur ce total, il pourrait y avoir environ 500 millions d'ha de terres abandonnées qui portaient auparavant des forêts en Amérique latine (100 millions d'ha), en Asie (100 millions d'ha) et en Afrique (300 millions d'ha). La surface supplémentaire serait disponible seulement si des accroissements de la productivité agricole sur d'autres terres permettaient de soustraire ces terres marginales à la production. Winjum et al (1992) estiment qu'une combinaison d'activités de boisement, d'agroforesterie et de protection des forêts sur 300 à 600 millions d'ha de terres disponibles pourrait piéger 36 à 71 PgC en 50 ans.

Aux latitudes moyennes et élevées, les utilisations des terres se sont stabilisées dans la plupart des régions au siècle dernier. Toutefois, il subsiste des possibilités importantes de reboisement ou de boisement. Dans certains pays de la zone tempérée, la superficie des terres forestières a augmenté car les terres agricoles marginales abandonnées sont retournées à l'état de forêts naturelles ou ont été reboisées. En France 14% du territoire était couvert de forêts en 1789 et aujourd'hui 27%. Au cours des 15 dernières années, environ 600 000 ha par an ont été soustraits à la production agricole en Europe, dont environ 40% convertis en forêts ou autres terres boisées (FAO, 1992).

Aux Etats-Unis, on estime à 46,8 millions d'ha les terres cultivées et les pâturages capables de porter des arbres et mieux adaptés à cette utilisation. Il existe également des possibilités de planter des arbres à croissance rapide pour la production de combustible sur 14 à 28 millions d'ha et d'établir des plantations de brise-vent sur 1,37 million d'ha. Si ces superficies étaient plantées, elles pourraient constituer une capacité supplémentaire de stockage de carbone de 66 à 210 millions de tonnes par an (Sampson et Hamilton, 1992).

Un type de terre dégradée potentiellement adaptée aux plantations est la terre salée, à condition qu'elle ne soit pas utilisée par des populations sans autre source de terre. On ne dispose pas d'estimations fiables et récentes concernant ces terres, mais sous les tropiques, il pourrait s'agir de plus de 50 millions d'ha en Afrique et en Asie et plus de 30 millions d'ha en Amérique latine, ainsi que de vastes zones en Australie et en Asie tempérée et subtropicale (Massoud, 1977). Plusieurs programmes de recherche sont en cours pour la sélection d'espèces et de provenances d'arbres de plantation tolérant le sel, particulièrement en Australie et en Asie, mais il faut noter qu'il existe également des programmes de recherche pour le développement de cultures tolérant le sel. Néanmoins les sols affectés par le sel sont une source importante, bien que non quantifiée, de terres pour les plantations.

Sur la base des informations ci-dessus, il semblerait que de vastes surfaces adaptées au boisement et au reboisement (c'est-à-dire non occupées et avec des taux de croissance suffisamment rapides) existent dans les zones tempérées de l'Amérique du Nord, de l'Europe, de l'Australie, du Chili, de l'Argentine, du Brésil et de l'Uruguay. En Afrique, on trouve de vastes zones de savane boisée dégradée, mais elles ont un potentiel de rendement plus faible et pourraient être occupées. Toutefois, il ne faut pas oublier que de vastes surfaces de plantations pourraient ne pas être la meilleure façon d'utiliser ces terres, notamment du point de vue des besoins des populations qui les occupent ou les utilisent actuellement. Tout projet de boisement ou de reboisement à grande échelle devrait s'inscrire dans un plan d'utilisation des terres établi avec la pleine participation des populations tributaires de ces terres.

Il existe également un potentiel considérable pour la plantation d'arbres dans les jardins familiaux, les brise-vent et les systèmes agroforestiers (voir question 58).

56. Quelles sont les autres contraintes affectant les initiatives de plantation forestière a grande échelle?

Outre la disponibilité des terres, plusieurs autres contraintes pèsent sur les initiatives de boisement à grande échelle. Elles peuvent être classées en quatre catégories générales: contraintes d'infrastructure, sociales, économiques et écologiques.

CONTRAINTES D'INFRASTRUCTURE - Une capacité institutionnelle limitée, le manque de recherche sur les essences appropriées à la plantation, des incitations gouvernementales peu réalistes et des taux de croissance démographique galopants résultant en une pression accrue sur les terres disponibles peuvent limiter les activités de boisement.

CONTRAINTES SOCIALES - Les intérêts et les besoins des populations locales vivant dans les zones proposées pour la plantation forestière sont d'une importance capitale. Si les buts et les objectifs des projets forestiers ne coïncident pas avec ceux des populations locales, les résultats seront inférieurs à ceux recherchés. Les agriculteurs peuvent facilement percevoir les opérations de boisement ou de reboisement soutenues par le gouvernement comme un empiètement sur les droits coutumiers d'utilisation des terres et comme une menace à leur bien-être. Des réactions de cette nature ont souvent conduit à une opposition active et même à des actes de sabotage comme des incendies intentionnels (Trexler et al, 1992).

CONTRAINTES ECONOMIQUES - Les coûts des programmes de plantation sont très variables, selon la nature du terrain à planter, les coûts de la main-d'œuvre et les essences choisies. Une estimation globale approximative indique que les coûts de la plantation d'arbres peuvent aller de 200 $US à 2 000 $US par hectare. Les avantages socio-économiques attendus de ces plantations peuvent ne pas justifier les coûts (Bernthal, 1990). Il serait donc difficile, voire impossible, pour les pays qui reçoivent des prêts des banques de développement pour des projets de plantation forestière de les rembourser.

CONTRAINTES ECOLOGIQUES - Les inconvénients écologiques des grands projets de plantation comprennent le risque d'introduire de faibles niveaux de variabilité génétique qui peuvent caractériser de vastes zones de plantations monospécifiques. Ceci peut réduire leur résistance au stress lié au site ou au climat et (ou) aux attaques des insectes et des maladies. Les plantations forestières à grande échelle peuvent également menacer les ressources en eau existantes dans des zones ayant déjà des déficits et où la demande en ressources en eaux souterraines ne cesse de croître.

57. Sur quel appui peuvent compter les activités de boisement et de reboisement, particulièrement au niveau international?

Parmi les bailleurs de fonds potentiels, il faut citer:

* Les gouvernements nationaux.
* Les banques de développement internationales et régionales.
* L'industrie forestière.
* Les bailleurs de fonds internationaux, par exemple le PNUD.
* Les bailleurs de fonds bilatéraux.
* Les ONG.
* Les entreprises privées.
* Les organisations reconnues d'utilité publique intéressées par la compensation des émissions de carbone.

Un grand nombre de bailleurs de fonds du monde développé, dont les organismes internationaux, ont étendu leur aide financière à l'établissement de plantations forestières dans les pays en développement. La Banque mondiale a financé des projets forestiers d'une valeur d'environ 2,5 milliards $US jusqu'en 1990. Plus de 50% de ce montant a été utilisé pour des plantations forestières (Pandey, 1992). En 1990, l'aide au développement dans le domaine d'action "gestion des forêts et des plantations à usage industriel" s'est élevée à 347,6 millions $US, soit 25% du total. Cette valeur est 1,8 fois supérieure aux

191,9 millions $US mis à disposition en 1988 (Ball, 1992). Il y a lieu de noter, toutefois, que la Banque mondiale et de nombreux bailleurs de fonds bilatéraux accordent moins de prêts à des conditions de faveur ou de subventions pour les plantations industrielles de bois rond, sous prétexte qu'elles devraient être assez rentables pour chercher un appui auprès de sources de financement normales.

Le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), géré par la Banque mondiale, le PNUD et le PNUE, est une source de financement orienté vers quatre problèmes essentiels de l'environnement: la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la protection de la biodiversité, la protection des eaux internationales et la diminution de l'appauvrissement de la couche d'ozone.

Un autre élément important des projets de boisement et de reboisement est l'assistance technique. Elle est également disponible auprès de plusieurs sources dont les gouvernements nationaux, les organismes internationaux d'assistance technique comme la FAO et les bailleurs de fonds internationaux. Le Programme arbres, forêts et communautés rurales (FTPP) est un programme novateur visant à aider les communautés rurales des pays en développement à mettre au point des stratégies, méthodes et outils plus efficaces pour les activités forestières, y compris la plantation d'arbres. Ce programme opère sur la base d'un partenariat entre une équipe d'experts en foresterie communautaire du Département des forêts de la FAO à Rome et plusieurs instituts nationaux et régionaux en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

58. Comment l'agroforesterie et les plantations d'arbres en milieu urbain peuvent-elles contribuer a l'atténuation du changement climatique?

L'importance de la contribution des plantations agroforestières au stockage du carbone dépendra de l'échelle à laquelle elles sont établies et de l'utilisation finale du bois.

On a constaté que lorsque les conditions économiques, sociales et ambiantes sont appropriées, les agriculteurs adoptaient rapidement des systèmes agroforestiers. Dans les pays où les terres forestières domaniales sont de faible étendue, ou lorsque les efforts menés par le gouvernement pour planter des arbres sont restreints, les plantations agroforestières peuvent représenter une contribution importante à la plantation d'arbres et au piégeage du carbone. Il est possible d'augmenter les plantations forestières à la fois dans les zones tropicales et tempérées. Des programmes agroforestiers de grande envergure comportant la plantation d'arbres, comme les programmes "Four Around" en Chine, auraient été mis en œuvre sur plus de 6,5 millions d'ha de terres agricoles durant la décennie 1981-1990. Un projet de cette ampleur, s'il réussit, permettrait le piégeage de grandes quantités de carbone et fournirait d'autres avantages pour l'environnement comme la protection du sol de l'érosion par le vent et l'eau.

Les systèmes agroforestiers sont considérés en Europe de l'Ouest comme une alternative aux systèmes de production intensive actuellement en place, qui produisent de gros excédents de certaines cultures. Aux Etats-Unis, de vastes zones bénéficieraient du développement des plantations de brise-vent et de rideaux d'arbres protecteurs (voir question 55) (Sampson et Hamilton, 1992).

Les plantations d'arbres en milieu urbain auraient un impact plus limité que les plantations rurales sur le stockage de carbone car, par définition, elles ne seraient pas très étendues. Toutefois, elles ont la capacité de fournir d'autres avantages beaucoup plus importants dans le contexte du changement climatique (Fig. 8.6). L'effet des arbres urbains sur les microclimats locaux a fait l'objet de recherches durant deux décennies, principalement dans les pays développés. Il est clair que ces arbres ont un effet important et quantifiable sur le climat local immédiat et on a tenté à plusieurs reprises d'évaluer l'effet d'un programme de plantations d'arbres en milieu urbain et communautaire sur l'atténuation des émissions de carbone.

Figure 8.6 - Les arbres d'ombrage, comme ces neems plantés en bordure de chaussée à Niamey, capitale du Niger, font baisser la température et créent un cadre plus agréable.

Selon une estimation des Etats-Unis, la plantation de 100 millions d'arbres autour des maisons, associée à des mesures visant à réduire l'absorption et le rayonnement de la chaleur par un programme de conversion des surfaces de couleur sombre (parkings ou édifices), en surfaces de couleur claire, équivaut à réduire d'environ 17 millions de tonnes le carbone pénétrant dans l'atmosphère chaque année (Akbari et al, 1988). Des forestiers urbains chinois rapportent que le climat de certaines villes a été fortement modifié par des programmes de plantation d'arbres de grande envergure (voir encadré 8.1).

Les arbres peuvent aussi avoir un effet positif sur le coût du chauffage en hiver et de la climatisation en été dans les bâtiments. Selon l'emplacement, la conservation d'énergie effectuée par un seul arbre urbain peut empêcher la libération de 15 fois plus de gaz carbonique qu'il n'est capable d'en piéger. En ville, les arbres font disparaître les "îlots de chaleur" en fournissant de l'ombre. L'ombre fournie par des arbres placés stratégiquement autour d'une maison peut réduire les besoins de climatisation dans la maison de 30 à 50%. Des arbres plantés comme brise-vent dans les régions tempérées et boréales peuvent réduire la consommation de chauffage en hiver de 4 à 22%. Les arbres de milieu urbain offrent donc un double avantage: ils stockent de petites quantités de carbone et protègent les bâtiments des températures extrêmes, ce qui aboutit à une baisse de consommation des combustibles fossiles. Les plantations d'arbres en milieu urbain peuvent se révéler particulièrement bénéfiques dans les régions tropicales où les arbres poussent rapidement et où le rafraîchissement dû aux arbres d'ombrage procure des avantages directs importants (Sampson et al, 1992).

Encadré 8.1 Effets de la plantation d'arbres sur le microclimat à Nanjing, en Chine.

La ville industrielle de Nanjing, qui compte 1,5 million d'habitants, est connue comme l'une des cinq "villes fourneaux" de ta vallée du Yangtse. Depuis 1949, environ 3,4 millions d'arbres ont été plantés dans la ville et en périphérie dans le but précis de réduire les températures estivales et plus généralement de réguler le climat local, en purifiant l'air et en embellissant l'environnement. On prétend qu'une chute de la température estivale moyenne de 32,2°C à 29,4°C pendant la période 1949-1981 est liée directement à l'effet "rafraîchissant" des arbres plantés. En 32 ans, environ 23 arbres par habitant ont été plantés. Les plantations comprennent le boisement en blocs de coteaux dégradés, des brise-vent, des triples rangées d'arbres le long des voies ferrées et la plantation d'arbres dans les rues (Carter, 1994).

L'effet de la plantation d'arbres autour des bâtiments pour la conservation de l'énergie dépend du type et de la forme de l'arbre planté, ainsi que de son emplacement. Des arbres décidus qui font de l'ombre sur des fenêtres exposées à l'ouest en été mais permettent aux rayons du soleil de frapper ces mêmes fenêtres en hiver sont particulièrement recommandés. Dans l'hémisphère nord, les arbres plantés côté sud d'une maison devraient être de grande taille et assez proches de la maison, et la partie inférieure de leurs fûts devrait être élaguée de manière à ce que le soleil puisse y pénétrer en hiver. Pour que les arbres soient efficaces en terme de rendement énergétique, 11 est important que l'espèce, l'emplacement et la gestion de l'arbre soient adaptés avec soin et correctement à chaque situation (Sampson et al, 1992).

59. Est-il judicieux de planter des arbres uniquement pour l'absorption du CO2, compte tenu des autres besoins en terre?

Le problème du changement climatique global est actuellement rempli d'incertitudes. De plus, dans de nombreux pays, la superficie de terre disponible à potentialité agricole ou forestière est limitée. Par conséquent, toute tentative du secteur forestier visant à s'adapter aux effets potentiels du changement climatique ou à les atténuer devrait représenter une politique rationnelle indépendante du réchauffement prévu de la planète, et produire des bénéfices nets distincts de ceux qui finiraient par se manifester dans le contexte du changement climatique (par exemple, bois d'oeuvre, bois de feu, protection des bassins versants, produits non ligneux et utilisations non commerciales comme l'écotourisme et les activités récréatives). La position de la FAO au sujet des plantations forestières pour l'absorption du CO2 consiste à encourager la plantation d'arbres dans les zones où la couverture forestière est la végétation appropriée. Ces activités devraient être définies dans le cadre de plans d'utilisation des terres et de stratégies forestières telles que celles décrites dans le Programme d'action forestier tropical (PAFT) et non par des objectifs théoriques (FAO, 1990) (voir aussi question 45).

Au lieu de se focaliser sur le boisement et le reboisement, la FAO appuie l'adoption d'une approche intégrée comprenant les éléments suivants:

* La gestion et la protection des surfaces existantes de forêts naturelles afin d'assurer une productivité durable à long terme d'une vaste gamme de ressources à valeur commerciale ou non, dont l'absorption de CO2.

* L'intensification progressive des efforts de boisement ou de reboisement des sites appropriés, suivis par leur aménagement et leur protection.

* Une utilisation appropriée du bois produit pour réduire les émissions de carbone.

60. Quelles politiques forestières devraient être envisagées au niveau national pour faire face a la menace du changement climatique?

Une politique visant à réduire les taux actuels de déforestation et de dégradation des forêts devrait être prioritaire dans les pays où la déforestation est une activité importante. La mise en œuvre d'une telle politique nécessitera des actions aussi bien dans le secteur forestier que dans le secteur agricole (voir question 46). Une politique de boisement/reboisement est également justifiée à condition qu'elle soit valable sur les plans économique, écologique et social, même en l'absence de considérations relatives au changement climatique. Les initiatives de boisement/reboisement devraient être accompagnées de politiques et de programmes destinés à assurer la santé à la fois des plantations et des forêts naturelles de sorte que les objectifs des investissements dans le développement du secteur forestier soient atteints. Une politique de remplacement partiel des sources d'énergie fossile par le bois et d'autres biocombustibles mérite aussi d'être envisagée. L'utilisation du bois à la place de matériaux provenant d'autres sources dont la production requiert beaucoup plus d'énergie contribue aux économies d'énergie, à la réduction des émissions de GES et au maintien des réservoirs existants de carbone.

En élaborant des politiques forestières propres à atténuer les effets du changement climatique prévu, il faut reconnaître que celles-ci peuvent être mises en œuvre seulement si elles sont menées de concert avec des mesures parallèles visant la diminution des émissions de combustibles fossiles et la promotion de l'agriculture durable. La plus grande partie de la contribution actuelle des gaz à effet de serre provient de l'utilisation de combustibles fossiles. La conservation des combustibles fossiles et le recours à des sources d'énergie de substitution, dont des sources d'énergie renouvelables, sont donc essentiels.


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