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Quotidien

Dans la famille Antigaspi, les restaurateurs se mettent au compostage

Depuis deux mois, une trentaine de restaurants parisiens participent à une opération de tri. L’idée est simple : collecter la centaine de déchets alimentaires quotidiens pour en faire du méthane et de l’engrais.


Chemise blanche légèrement entrouverte et lunettes de soleil, Thomas Chaput cultive l’art de la négligence sophistiquée. Branché, mais pas trop. Comme le restaurant Pirouette dont il est le cogérant. Une enseigne « bistronomique » : « Nous faisons attention à la qualité, nous privilégions des produits bio, de saison. » Depuis près de deux mois, l’équipe du restaurant fait aussi attention à ce qui sort de la cuisine : ils compostent.

Comme quatre-vingts autres enseignes, ils participent à une opération pilote lancée par le Syndicat nationale des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat). Objectif : mettre en place une collecte des déchets alimentaires pour produire du méthane et de l’engrais.

L’homme à l’origine de cette démarche s’appelle Stéphane Martinez. Lui aussi est restaurateur, mais aussi entrepreneur et ambassadeur inventif du compostage. « Tout a commencé en 2007, quand j’ai mis en place le lombricompostage dans mon restaurant L’auberge Saint-Roch, raconte-t-il. J’étais le premier restaurateur français à me lancer dans cette démarche. »

Son constat est simple : pour chaque couvert, 200 grammes d’épluchures et de restes de nourriture partent à la poubelle. « On produit entre 80 et 100 kg de déchets par jour », estime Thomas Chaput.

« L’idée m’est venue en voyant le manque de matière organique dans les sols en France et en Europe, poursuit Stéphane Martinez. En tant que restaurateur, la matière organique, on connaît, on travaille tous les jours avec. Le compostage, c’est simple à mettre en place dans nos cuisines. »

Pour prouver le bon fondement et l’efficacité de sa méthode, il crée des « moulibox », des boîtes contenant cent-cinquante lombrics, pour sensibiliser au lombricompostage. Mais Stéphane Martinez voit plus grand. Il veut convaincre les restaurateurs de se lancer dans l’aventure. Au sein du Synhorcat, il coordonne donc depuis un mois et demi la mise en place de l’opération.

- Stéphane Martinez -

Au départ, « les restaurateurs n’étaient pas partants, ils trouvaient ça compliqué. » Il faut donc simplifier au maximum le processus. Il décide alors de créer son entreprise de collecte de déchets alimentaires, Moulinot Compost. Huit salariés, et des camions.

« Nous passons tous les jours chez les restaurateurs, puis nous transportons les déchets vers une plate-forme de transfert, en Seine-Saint-Denis. De là, tout est emmené vers une usine de méthanisation, à Evry. »

Ce processus permet de créer, à partir des détritus alimentaires, de l’engrais et du méthane. Une tonne de bio-déchets produit ainsi trois-cent-cinquante kilowatts d’énergie et neuf-cent-cinquante kilogrammes de matière organique riche en azote. Seul bémol, pour faciliter le tri, les restaurateurs ne font pas la différence entre les déchets végétaux et carnés. Le substrat obtenu après méthanisation n’est donc pas un bon compost, mais un engrais azoté.

Pour Thomas Chaput, « c’est une manière de boucler la boucle ». Renvoyer l’ascenseur aux agriculteurs qui les fournissent en légumes et en fruits. Mais il s’agit également d’un « acte de civisme ». « Je suis habitué au quotidien à trier, chez moi. Donc ça m’a paru logique de faire la même chose pour le restaurant. »

Le plus compliqué ? La prise de conscience. « Il a fallu former le personnel, tout le monde n’était pas sensibilisé ». Quand la cadence s’accélère en cuisine à l’heure du déjeuner, les épluchures partent encore parfois dans la poubelle verte.

Un argument semble faire mouche auprès des gérants : la loi. Car en application du Grenelle de l’environnement, dès 2016, « les producteurs ou détenteurs d’une quantité importante de déchets composés majoritairement de biodéchets sont tenus d’en assurer le tri à la source en vue d’une valorisation organique » (décret du 11 juillet 2011). « Il s’agit d’anticiper et de faire d’une contrainte législative future, un atout pour la communication du restaurant aujourd’hui », explique Stéphane Martinez.

L’opération rencontre donc un certain succès. De trente enseignes partenaires à l’origine, le syndicat espère passer à quatre-vingt. Parmi les participants, l’Hôtel Napoléon, Le Petit Choiseul, géré par Stéphane Martinez, Le Ragueneau, ou L’épicerie. Coût de l’opération : 308 000 €, financés par la Ville de Paris et par les restaurants.

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