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7e CONGRES international des recherches féministes



  • Ce 7e CONGRES international des recherches féministes dans la francophonie à Montréal, du 24 au 28 août 2015, dont le Thème sonne bien « PENSER CRÉER AGIR » est organisé par trois institutions qui l’on construit ensemble, avec plus de 130 activités et 41 pays sur 5 continents.

    %u25AA   RéQEF : réseau québécois en études féministes (Francine Descarries)

    %u25AA   UQÀM : Université du Québec à Montréal, Service aux collectivités ( Lyne Kurtzman) .

    %u25AA   IREF : Institut de Recherches Féministes, (Rachel Chagnon); www.iref.uqam.ca cet organisme lance des recherches, des thèses de doctorat sur les trop souvent oubliées de l’histoire : les femmes.

    Le comité de planification et d’organisation attendait 500 personnes. Et, ce sont 1000 inscriptions qui ont été enregistrées mettant en œuvre nombre de bénévoles étudiants pour l’équipe logistique. Le congrès stimule rapidement un bon réseau de communication. Quant à l’équipe scientifique, elle regroupe une vingtaine de chercheures de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, de Laval et Rennes 2, d’Ottawa; de l’ UQÀM, de l’Université de Montréal, de Voix Sans Frontières, des Relais-Femmes, de l’Université du Québec en Ouatanais, de Concordia et Institut Simone de Beauvoir, de l’IREF et Histoire de l’art.

    La plénière d’ouverture est honorée de la présence du recteur de l’UQÀM, monsieur Robert Proulx qui relève le dynamisme prometteur d’un champ de recherches jeune, qui a transformé la science par mieux « VOIR FAIRE PENSER » le monde et AGIR sur le monde des deux côtés de l’Atlantique depuis 1975 avec des programmes d’échanges féministes. Il relate la création de l’UQÀM en 1969 et la création de son service aux collectivités qui travaille de façon ancrée depuis 1990 et se dit fier de l’excellence de ses chercheur-es et jeunes diplômé-es, capables de monter un événement international pour montrer les avancées de travaux théoriques et pratiques.

    Francine Descarries, professeure, émue face aux militant-e-s expose que la théorie, la création et les pratiques montrent la pluralité des féminismes et appelle à l’urgence des mises en commun, car penser, créer et agir sont « trois façons indissociables pour enrichir les défis qui sont posés à la société ».

    Rachel Chagnon parle des femmes autochtones qui osent parler, des colonialismes en Europe et de leur fin, ce qui permet de baigner dans le féminisme en rêvant, de fraterniser… pour mieux nous ressourcer dans nos convictions. Elle salue tous ceux et celles qui ont aidé avant de laisser la parole à Natasha Kanapé-Fontaine.

    La jeune poétesse et slameuse, Natasha Kanapé-Fontaine est née du peuple inuit. Elle met son chapeau venu de Laponie pour parler de son identité humaine de femme « proche de l’environnement et du besoin de se rassembler avec toutes les femmes du monde » pour avancer dans la modernité, rétablir l’équilibre à l’image de la terre nourricière, elle prône une ouverture au monde, aux nations, aux peuples et aux territoires avec équilibre, respect, dialogue car l’avenir dépend de nous, toutes générations confondues dit-elle.

    Dans son chant elle aborde le mouvement des femmes autochtones qui veulent s’assurer, s’affirmer, parler DEBOUT. Elle rappelle le nombre de femmes autochtones assassinées, disparues, celles qui ne savaient ni lire, ni écrire, ni croiser la beauté car l’exploitation pétrolière et la construction de pipeline appelait la folie de l’argent, avançait avec cupidité et on violait des femmes. Son poème s’étire puis elle rappelle les 14 femmes étudiantes et professeure mortes à l’École polytechnique le 6 décembre 19891, tuées en salle de cours par un psychopathe qui n’aimait pas les féministes. Natasha souligne son travail poétique par le titre de son livre publié en 2014 : N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures.

    Puis, de sa voix chaude et souriante, Danièle Magloire de l’Université Kay Famm d’Haiti, membre de la concertation nationale contre les violences faites aux femmes à Port au Prince, parle des rapports sociaux de sexe et des médias. Pour elle, être féministe, c’est ne laisser personne de côté, c’est une urgence car les libertés sont sournoisement menacées partout. Elle insiste sur le mot DEMOCRATIE, elle se désole que l’on stigmatise l’islam car il y a aussi des sectes catholiques réactionnaires qui endorment le peuple en lui disant qu’il suffit de prier ; or les valeurs féministes, c’est surtout EDUCATION CIVISME ENVIRONNEMENT pour éviter le triste spectacle de l’obscurantisme sur une planète qui s’enlaidit ; c’est une expertise au service du social, vulgariser les savoirs, y compris dans les manuels scolaires, nous devons donner des outils en faveur des femmes, agir avec des politiques pertinentes, elle s’élève contre le micro-crédit qui fait des ghettos, elle parle de coopérations internationales, des passerelles à construire entre les femmes pour dépasser le caractère ponctuel des solutions, faire du DURABLE. Elle rappelle que donner c’est aussi recevoir et que les haïtiennes ont des choses à nous dire, comme « on n’évolue pas dans un vase clos » ou « si vous nous étudiez, il y a des limites, et laissez-nous vous étudier, invitez nous !!»

    C’est Danièle Magloire qui évoque l’Éthique, le MATRIMOINE, rappelle la violence contre les trois soeurs caribéennes sauvagement assassinées en République dominicaine qui ont fait que la journée du 25 novembre est devenue une journée internationale.

    Puis, Nicole Brossard, romancière féministe depuis 1970 avec Les têtes de pioches, elle qui vient d’intégrer le Petit Robert 2015 parle de CREATION et fustige le mot Créativité mis à toutes les sauces, elle parle du sens, de l’être, de la responsabilité des femmes par rapport au temps, espace et corps ; mère porteuse ? Femme cachée qui va en burqua à un coin de la rue ou femme qui fait le tour du monde en avion : Parlons de L’intime et passes-moi le pluriel de ton enfance, dit-elle, car l’intime n’est ni la vie intérieure ni la vie privée.

    Extrait de Après les mots, page 76 et 78, paru en avril 2015.

    (ouvrage traduit en espagnol par Gabriel Martin)

    d’univers en utopies d’univers

    je vais urbaine unanime

    dans l’urgence

    et l’usure ultrasonique des uppercuts ubuesques 

    *

    vent de voyelles dans la voix

    vertige autre voltige

    visage ventre voilà la vie qui va

    versatile et la vérité

    si je veux c’est voyage valises

    Vienne ou Venise

    villes vaillantes puis le vide…

    Et, Karen Messing2, http;//ecosociete.org,pionnière en recherches ergonomiques sur les accidents du travail et maladies professionnelles avec Cinbiose et 130 publications ferme la soirée avec Le coût de l’invisibilité – le danger de la visibilité des femmes au travail par un exposé sur le travail des nettoyeuses et nettoyeurs et les risques pour la santé, études faites avec trois centrales syndicales et une équipe de chercheures en économie, qui compare entre 1996 et 2006 le travail des hommes et des femmes dans les mêmes tâches en milieu hospitalier. Les femmes époussettent lavent frottent s’étirent se penchent s’accroupissent, les hommes passent la vadrouille (la serpillière) et elles ont utilisé l’étude pour faire augmenter leur salaire qui était moindre. Que faire pour que l’accès à l’égalité ne menace pas la santé des femmes ? se demande Karen… Peut être aurons nous l’explication dans son prochain livre à paraître en 2016 Préjugés et préjudice – ce que la science peut apprendre des travailleuses et des travailleurs.

    Les commissions, telles celle sur le travail ou celle sur la littérature à laquelle j’assiste sont surtout composées de femmes plutôt jeunes (elles sont 35 à 40 en nombre et âgées de 25 ou 30 ans, quelques unes ont de 60 à 65 ans) et de quelques rares hommes ( maximum 5, dynamiques et passionnés)

    Changement social, égalité, justice et solidarité dans les contextes du néolibéralisme, du néocolonialisme et de la globalisation est l’axe que je suis le plus : Des contributions analysent d’un point de vue féministe les impacts du néolibéralisme, du néocolonialisme, de la globalisation des marchés ou de la militarisation des sociétés.

    Comment de telles recherches remettent-elles en question les divisions et les hiérarchies sociales induites par ces différentes dynamiques de pouvoir et par leur interrelation ? Quels en sont les effets sur le quotidien des femmes ?

    Comment mettre au jour les mécanismes par lesquels nos sociétés (re)produisent de l’inclusion et de l’exclusion, en partant du principe que le racisme, le sexisme, l’homophobie et les rapports de domination entre catégories sociales ne peuvent pas être entièrement expliqués s’ils sont étudiés séparément ?

    Comment s’organise la division sexuelle du travail sur les plans local et international ?

    Par corollaire, quelles sont les analyses et les revendications des femmes qui vivent des expériences de discrimination entrecroisée ou de marginalisation ?

    Comment intégrer dans les perspectives et les problématiques leurs expériences particulières des rapports sociaux de domination ? Qu’en est-il du « Nous femmes » lorsque le statut privilégié des unes dépend de l’exploitation des autres ? Qui parle au nom de qui ? Comment transformer, décoloniser les rapports entre féministes à partir des propositions et des luttes des femmes autochtones et des femmes des Sud ne sont que quelques-unes des dimensions pouvant être analysées à partir de ces questionnements.

    En ce qui concerne les questions de santé au travail, il est dit que la grossesse reste encore une difficulté partout car les employeurs résistent à admettre que des produits toxiques comportent des risques pour la mère et l’enfant. Dans le commerce de détail, le nettoyage et les transports, les horaires atypiques avec imprévisibilité ou flexibilité des horaires sont néfastes. Par crainte de représailles sur les horaires justement, le silence est d’or. Le donnant-donnant amplifie l’asymétrie du rapport au pouvoir employeur et les formes d’inégalités. Déni, impuissance, résignation… de multiples facteurs entrent en jeu dans les milieux de travail, car il faut toujours prouver la pénibilité.

    Les ergonomes présentent le travail en milieu agricole avec les porcs et analysent l’activité de travail – de l’animal et du travailleur et de la travailleuse – selon la gestation la maternité la pouponnière l’engraissement de l’animal le nettoyage du lieu, et ici on parle de postures contraignantes, de répétitivité, les femmes ayant plus de postures statiques souvent douloureuses dans la porcherie, et une gêne à préciser le lieu de leur emploi, tout comme les femmes qui travaillent dans les cimetières.

    Donc mettre à plat les différences entre hommes et femmes, échanger les savoirs et savoirs faire, ouvrir le dialogue est un défi important en impliquant la hiérarchie et les employeurs, pour repenser les équipes de travail, la rotation des tâches entre les équipes.

    De fait les employeurs sont prêts à faire des actions de prévention, mais Combien çà coûte et combien çà me rapportera, restent les deux questions immédiatement posées.

    Autre facteur aggravant : Le présentéisme dégradé pour gagner plus quand les salaires sont bas et entraînant des maladies chroniques, souvent c’est le fait des femmes consciencieuses et épuisées. Comment prendre en compte la dimension Genre et celle du Temps selon le cycle de la journée de travail.

    Quand on fait une recherche avec les femmes, il est utile immédiatement de mettre en place un vrai dialogue pour parler des rémunérations, du temps partiel, de l’emploi temporaire, du cumul d’emplois, du bénévolat, de la sphère privée et des loisirs.

    On parle souvent d’atteinte à la dignité et de discriminations au travail que ce soit sexuel ou raciste à l’égard des femmes, car si des lois existent il faut un fardeau de preuves car les employeurs ne veulent pas entendre parler du harcèlement psychologique ou sexuel… (voir des études australiennes de Hutchinson, et Eveline, 2010 et belge de Garcia, Harcourt, Bara, 2006)

    Des études qualitatives sont relatées sur les trajectoires migratoires des femmes en Colombie, avec le déplacement de personnes entre 1985 et 2012 ce qui crée un problème pour l’embauche car tendance dure à se représenter toutes les colombiennes comme prostituées ou proches de trafiquants de narcotiques, ou impliquées en politique. Le travail sur les images de l’autre est à faire. Parfois la pauvreté pousse la mère à fermer les yeux sur le fait que sa fille de 20 ans, serveuse est harcelée sexuellement par son gérant car les gens pauvres peuvent avoir peur de manquer de nourriture et de salaire même non déclaré.

    En ce qui concerne au Québec la situation des travailleuses immigrantes hautement qualifiées originaires du Maghreb, elle fait l’objet de deux études qualitatives sur les femmes vétérinaires, chauffeures de taxi, ingénieures en informatique, infirmières, employées administratives, si bien que l’on constate que nombre d’emplois ne sont pas affichés clairement : le racisme de préjugés existe. Idem pour l’accès aux garderies, car les maghrébines sont assimilées à musulmanes, on confond trop souvent la religion et le territoire.

    Le travail domestique est interrogé à partir du travail auprès d’un proche handicapé dont l’enfant autiste, et de l’invention des écoles ménagères, de leur histoire, du lien avec la religion catholique – un conflit dure de 1944 à 1948, entre le curé Tessier face à Eveline Leblanc, laïque – .

    Les récits de vie au travail Paris Diderot sont à l’honneur et il est agréable d’entendre parler de Vincent de Gaulejac, et aussi de Danièle Kergoat, Liane Mozère, de Paola Tabet, du théâtre de l’opprimé avec René Badache et du sociodrame fait par la jeune docteure Rose-Myrlie Joseph de Lausanne avec 69 femmes haïtiennes à Haïti et en France. « Même pas en rêve, en jouant, je jouerai le rôle d’une femme qui ne travaille pas ! » lui a dit une femme servante mais autonome face à un mari violent.

    Le débat sur les magazines féminins / féministes est intéressant.. de Vero et Jovette, 1920 à Vero magazine 2013 en passant par Châtelaine en 1960 jusqu’aux revues de recherches féministes, dont trois numéros sont mis en valeur : Où en sommes nous avec le féminisme en art. Numéro 2 de 2014 Femmes extrêmes, Numéro 1 de 2014 Représentations ; plus ancien, volume 7,2. 1994.Les femmes « actuelles » parlent moins de religion, ont plus d’humour, aiment le fantastique, la science fiction dans les magazines.

    Ginette Francequin

     

    1 Mémoire de maîtrise en histoire de Mélissa Blais ( 2007) Entre la folie d’un homme et les violences faites aux femmes.

    2 Karen Messing est membre du conseil consultatif de l’Institut de santé des femmes et des hommes des IRSC. Elle est membre du Centre d’étude des interactions biologiques entre la santé et l’environnement (CINBIOSE) (lien www.cinbiose.uqam.ca) à l’Université du Québec à Montréal qu’elle a fondé en collaboration avec Donna Mergler. (Sc. juridiques, UQAM).

    Les intérêts de recherche de la Dre Messing se centrent sur les indicateurs qui permettent de rendre visibles les contraintes et les effets du travail des femmes. Ses activités se situent dans trois axes : 1 – L’analyse de l’activité de travail dans des emplois traditionnellement occupés par les femmes. 2 – L’analyse de l’activité de travail des femmes dans les emplois non-traditionnels. 3 – L’analyse différenciée selon le genre et le sexe en santé au travail. Parmi les travaux en cours, on étudie les effets du travail des enseignantes et des infirmières, la prise en charge des opérations exigeantes sur le plan physique, dans les équipes de travail mixtes, et (avec Nicole Vézina) la posture debout prolongée.

    1993 : Prix Jacques-Rousseau (recherches interdisciplinaires) de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences.

    1994, nommée (conjointement avec sa collègue Donna Mergler) Femme de mérite (science et technologie).

    Bourse d’excellence (1995-97) du Conseil québécois de recherche sociale.

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