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Livraison zéro-déchet : faire pied de nez aux grandes surfaces


Par Catherine Paquette pour GaïaPresse 

De plus en plus de Québécois, pris dans le tourbillon de la vie quotidienne, misent sur le commerce en ligne pour recevoir à la maison leur épicerie. D’autres, soucieux de leur empreinte écologique, prennent le temps de rassembler leurs contenants et choisissent soigneusement leurs produits en vrac sur les tablettes de l’épicerie zéro-déchet du coin[1]. Et si, pour allier l’utile à l’écologique, on se faisait livrer des produits dans des contenants réutilisables?

C’est le pari que font deux entreprises de la région de Montréal, qui ont choisi de miser sur la livraison de produits en vrac, afin d’aider les clients aux horaires chargés à réduire leurs déchets. L’une de ces entreprises a choisi la voiture, l’autre la bicyclette : Bocoboco et Vrac sur roues font ainsi passer le mode de vie zéro-déchet à un autre niveau dans la métropole montréalaise.

Bocoboco est née de l’idée de Lauren Rochat et de Martin Le Bas, deux québécois d’origine française qui ont lancé leur entreprise au cours de l’année 2018, ayant comme principal but « d’accompagner les consommateurs et simplifier leur transition vers le zéro-déchet », explique l’entrepreneuse. Selon l’entreprise, la livraison par Bocoboco permettra la réduction de 28 kg des matières acheminées à la collecte sélective par client, annuellement, sur un total estimé à 88 kg.

L’épicerie, exclusivement en ligne, offre pour l’instant des produits secs – salés et sucrés – ainsi que des produits de nettoyage dans des contenants consignés, qui peuvent être livrés les soirs de semaine dans des voitures électriques aux résidents de l’arrondissement Rosemont – La-Petite-Patrie (pour l’instant). Les clients peuvent également venir chercher leurs emplettes à la succursale située dans le Mile-End, mais aucun achat ne pourra être fait sur place.

« C’est certain qu’on aimerait augmenter notre gamme de produits pour intégrer les fruits et légumes, puis les produits frais », explique Lauren Rochat. Bocoboco, dont les locaux de 1400 pieds carrés hébergent aussi une cuisine commerciale toute équipée, mise également sur les partenariats avec les traiteurs pour élargir éventuellement son offre commerciale. L’idée novatrice de Bocoboco et son visuel attrayant lui ont valu de nombreuses bourses, dont un prix de 50 000 $ octroyé par la Ville de Montréal à la suite d’un concours où les internautes votaient pour leur initiative zéro-déchet favorite.

Dans l’ombre (médiatique) de Bocoboco, il y a Vrac sur roues, une petite entreprise lancée par Simon Gosselin-Barbeau, un jeune entrepreneur de Longueuil qui livre tous ses produits zéro-déchets… entièrement seul et à vélo. L’entreprise, qui a vu le jour il y a deux ans, offre désormais un choix de plus de 280 produits, qui sont emballés dans des contenants lui appartenant, puis transvidés lors de la livraison chez le consommateur. 

« Mon but, c’est de pouvoir aider les gens. Mon service n’est pas express comme la livraison des grands supermarchés. Je prends le temps d’avoir des conversations quand je fais la livraison, je connais mes clients, c’est beaucoup plus agréable », explique l’entrepreneur, qui dit effectuer entre 50 et 60 commandes par mois dans la grande région métropolitaine.

Compétition grandissante

Les petits joueurs comme Vracs sur Roues et Bocoboco et les autres petites entreprises épiceries en ligne doivent faire face à une compétition de taille. En effet, de grandes entreprises comme Métro, Loblaw, Sobeys, et même Amazon Prime, offrent désormais le service en ligne et la livraison. Bien que les Canadiens soient pour l’instant peu nombreux à faire leur épicerie en ligne, il est estimé que le marché du cybercommerce alimentaire au Canada représentera autour de 20 % des achats alimentaires d’ici 2025, selon le Food Marketing Institute.

Ces entreprises livrent par ailleurs des produits frais, qui représentent un défi sur le plan des pertes pour les plus petits joueurs comme Vrac sur Roues et Bocoboco. Il y a lieu de penser également que les paniers de fruits et légumes locaux (des Fermes Lufa, par exemple) et les épiceries locales en ligne (Mon épicier BioTerroirs QuébecTotavo) devront aussi faire face à une compétition grandissante. Le succès de ces entreprises zéro-déchet ou basées sur l’alimentation locale ne repose plus que sur les choix des consommateurs.

Simon Gosselin-Barbeau ne s’en soucie pas pour autant. « On a vraiment notre place dans l’industrie de l’épicerie en ligne, parce que contrairement à Amazon, on a un soucis de ce qu’on fait. Notre but, ce n’est pas uniquement de faire des ventes, c’est pour ceux qui veulent du zéro-déchet. Et on est les seuls à faire ça », explique-t-il.

Le mode de vie zéro-déchet gagne effectivement de plus en plus d’adepte. Selon le « circuit zéro-déchet », un annuaire en ligne québécois, on compterait désormais plus de 300 commerces offrant des produits en vrac répartis partout dans la province.

Une industrie appelée à se renouveler

Les commerces zéro-déchet en ligne pourraient par ailleurs répondre aux problématiques environnementales importantes que représentent le gaspillage, le sur-emballage et le transport sur de longues distance par les grandes surfaces.

Malgré sa modernisation technologique et son offre en ligne, l’industrie alimentaire a en effet beaucoup à faire pour réduire son empreinte écologique et celle des consommateurs, tel que l’illustre la récente diplômée en environnement de l’Université de Sherbrooke, Raphaëlle Pelland St-Pierre, dans un essai réalisé dans le cadre de sa maîtrise.

Ces entreprises utilisent des quantités importantes d’emballage et de produits pour la livraison et le refroidissement les aliments[2]. Selon l’experte, le cybercommerce alimentaire devrait être encouragé davantage par les gouvernements pour qu’il mette en place des pratiques plus durables. « Les entreprises de commerce alimentaire en ligne pourraient ajouter une option de livraison écologique et sensibiliser les consommateurs aux enjeux environnementaux », écrit-elle.

La « fenêtre de livraison verte » en est un bon exemple : il s’agit de demander au consommateur d’être suffisamment flexible sur l’heure et la journée de livraison de sa commande afin de planifier un plus grand nombre de livraison sur le même circuit, ce qui réduit considérablement l’énergie consommée pour le transport des commandes.

Mme Pelland St-Pierre recommande également « d’élargir l’offre de services et de réduire la quantité totale d’emballage », ce à quoi peuvent répondre les épiceries zéro-déchet en ligne.

« Le défi auquel ces entreprises vont faire face, c’est la diversification de leurs produits. Parce que si le consommateur ne peut pas recevoir tout ce dont il a besoin, il va se déplacer pour aller chercher les autres produits ailleurs », souligne-t-elle en entrevue avec GaïaPresse.

À la fois chez Bocoboco et Vrac sur Roues, la machine (zéro-émission) est en marche : plus les clients seront nombreux, plus il sera facile de diversifier l’offre et les plages horaires de livraison verte.

[2] Pelland St-Pierre, R. (2018) L’épicerie du futur? Analyse des impacts environnementaux du cybercommerce alimentaire, p. 36, en ligne : https://savoirs.usherbrooke.ca/bitstream/handle/11143/13592/Pelland_St_Pierre_Raphaelle_MEnv_2018.pdf?sequence=1&isAllowed=y

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