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Une approche par les communs pour un monde plus juste et plus durable


Dans le cadre d’une convention programme établie mi-2019 avec l’Agence française de développement (AFD), le Gret a engagé une réflexion sur l’adoption d’une approche par les communs dans une douzaine de projets dédiés à la gestion de territoires, de services essentiels et de ressources naturelles en Afrique de l’Ouest et centrale, Madagascar, Haïti et Asie du Sud-Est.

 

Les dimensions politiques et écologiques des communs 

Cette convention intitulée « Communs et gouvernances partagées autour des ressources, territoires et services » s’inscrit dans une réflexion initiée en 2016 par l’AFD pour intégrer la notion des communs dans les politiques de développement. Le Gret y fait l’hypothèse qu’une « approche par les communs » est pertinente pour mieux répondre aux enjeux de justice sociale et de transition écologique.

Très ancienne, la notion de « communs » a été réactualisée par la politologue Elinor Ostrom, lauréate en 2009 du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel (le prix « Nobel » d’économie). En réaction à la vague néolibérale des années 1980, les travaux de son équipe de recherche ont démontré que les populations locales sont capables de gérer de façon durable des ressources naturelles d’accès partagé, sans recourir ni à l’Etat ou au secteur privé, ni à la propriété privée ou publique. Impulsant une multitude de débats académiques, ces travaux ont nourri de nombreuses expériences citoyennes de commoners visant la construction de modèles de société alternatifs, plus justes et durables.

Un bien commun est constitué d’une ressource et d’un ensemble d’acteurs ayant des droits sur celle-ci : comme construit social, il devient un commun lorsque les acteurs s’engagent dans une action collective pour définir le dispositif de gouvernance partagée permettant de le gérer durablement. Chaque commun est donc localement situé et prend une forme spécifique, dans son objet, ses acteurs et ses règles de gouvernance. Initialement théorisée autour des ressources naturelles, la notion s’est élargie au fil de son appropriation par les commoners : un commun peut être matériel (une ressource naturelle, mais aussi un territoire ou espace, un service, etc.) ou immatériel (la connaissance partagée, un label, etc.).

En s’appuyant sur les capacités des acteurs locaux à s’organiser et définir des dispositifs de gouvernance plus justes et plus durables, l’approche par les communs promeut une réappropriation citoyenne à côté des Etats et du secteur privé. En renforçant la résilience des populations face aux défis climatiques et sociaux à venir, elle permet de mieux répondre au double objectif politique et écologique qui traverse la mission du Gret d’œuvrer pour le développement durable.

L’adoption de l’approche n’est pas simple et la démarche reste à être opérationnalisée dans le cadre de l’aide au développement, ce qui pose plusieurs défis. Le premier défi est l’appropriation de la notion de communs par les décideurs et opérateurs qui doivent faire évoluer leur biais de raisonnement. Un autre défi consiste à faire dialoguer des dynamiques « horizontales » de commoning avec des acteurs institutionnels, dans une approche dite de « communs administrés ». Un autre défi est celui des méthodes d’accompagnement pour faciliter des processus de construction de communs dans le cadre contraint des projets.

 

Une ambition d’opérationnalisation

Le programme crée un espace d’expérimentation opérationnelle et d’apprentissage collectif pour tester l’opérationnalisation de l’approche. Conçu sur neuf ans (en trois phases de trois années), il s’inscrit dans la durée. Dans neuf pays, les équipes d’une douzaine de projets mis en œuvre par le Gret se sont engagées dans cette aventure collective.

Le programme a une double ambition. La première est d’ordre opérationnel, avec un objectif de renforcement du rôle des citoyens et usagers dans le cadre de gouvernances partagées sur les ressources, services ou territoires, visant une gestion plus durable, équitable et résiliente.

Les projets accompagnent les acteurs locaux (populations, pouvoirs publics, secteur privé, milieu académique, etc.) dans la construction de dispositifs de gouvernance portant sur les objets diversifiés de communs : des services d’eau en milieu rural au Sénégal, des services d’électrification rurale à Madagascar, des territoires urbains en Haïti, des mares urbaines au Laos, une aire de pêche à Madagascar, un parc national en Mauritanie, etc. L’approche vise à d’avantage impliquer les acteurs locaux dans la définition et les enjeux des communs, dans l’analyse du contexte, dans la construction des règles de gouvernance, dans la priorisation des activités, leur mise en œuvre et leur évaluation.

La deuxième ambition est d’ordre méthodologique. Il s’agit de produire et tester des outils et méthodes d’intégration de l’approche dans les projets. Certains sont des outils d’analyse et d’appropriation des enjeux, tels que des grilles de lecture du contexte, explorant l’ensemble des composantes du commun et invitant les équipes projets et les acteurs locaux à approfondir leur compréhension des contextes, enjeux, motivations. D’autres sont des outils de facilitation et d’animation, notamment par des jeux mettant en situation les négociations d’accès aux ressources naturelles. L’approche adoptée pour construire ces méthodes et outils est comparative, par son étendue géographique, la multiplicité des objets des communs et d’avancée des projets. La circulation de l’information sur les projets sera facilitée entre porteurs et partenaires du programme, via les réseaux sociaux, de façon à impulser la dynamique collective et les échanges directs sur les avancées des projets.

Pour enrichir la démarche expérimentale de recherche-action, le programme repose également sur des partenariats avec la recherche : avec l’équipe Green du Cirad, au travers d’échanges sur les recherches en cours, d’accompagnement méthodologique et d’appropriation d’outils et de méthodes ; mais aussi avec d’autres acteurs de la recherche, notamment dans les pays d’intervention.

 

Ateliers de lancement et mise en route du programme 

Les premiers mois ont été consacrés à une série d’ateliers de définition, cadrage puis lancement de la réflexion collective.

Une fois l’organisation fonctionnelle du programme mise en place, l’équipe d’animation a tenu des séances de travail avec des chercheurs et acteurs impliqués sur les communs, de façon à confronter les lectures institutionnelles et affiner nos stratégies de réflexion et d’action.

Une série d’ateliers a été organisée fin 2019 avec les équipes opérationnelles du Gret au siège et dans les trois régions d’intervention (Sénégal, Madagascar et Laos) pour lancer la réflexion collective et l’expérimentation de l’approche dans les projets. Ces ateliers ont permis de tester des jeux, d’échanger sur les attentes politiques de l’approche par les biais d’interviews vidéos, de prendre connaissance de principes clés de réussite de communs, de tester des grilles de lecture. Ces étapes ont permis aux équipes de mieux appréhender les concepts et l’intérêt de la démarche, de la traduire de façon concrète, et de commencer à identifier des entrées pertinentes pour créer les conditions d’actions collectives d’une démarche par les communs.

Chaque équipe est invitée à poursuivre l’exercice, à identifier, produire, tester et échanger des outils et méthodes avec l’ensemble du programme.

Une deuxième séquence d’ateliers d’échanges régionaux est prévue à la mi-2020 pour partager les avancées du programme, de l’appropriation des outils et méthodes, et organiser l’étape suivante.

Sur l’île Sainte-Marie, à Madagascar, bâtir des « communs » au service de la biodiversité et du développement

3 questions sur… les « communs »

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