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Écologie " positive " ou " punitive ", les Français ont dépassé le clivage (The Conversation)


Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

Auteur : Patrick Jolivet, Adjoint à la directrice exécutive de la prospective et de la recherche, Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie)

Pour la première fois en 2019, l’environnement devient la question de société la plus importante aux yeux des Français, au même niveau que l’emploi et avant l’immigration, les impôts et taxes, les déficits publics et la dette de l’État. Ce souci grandissant se traduit par une meilleure acceptation de mesures environnementales volontaristes, autrefois jugées contraignantes.

Cette évolution invite aujourd’hui à dépasser la dichotomie entre mesures punitives et mesures incitatives, et ouvre un espace aux pouvoirs publics pour lutter contre le changement climatique. C’est ce que révèle la dernière vague des baromètres annuels publiés par l’Ademe publiée le 11 février 2020.

Les Français prêts à limiter l’usage de la voiture

L’un des éléments les plus marquants de l’enquête est l’ouverture progressive des sondés à des dispositions visant à limiter l’usage de la voiture en cas de pic de pollution.

Une évolution notable sur ce sujet sensible, puisque l’adhésion concernait jusqu’alors les mesures incitatives traditionnelles, comme la gratuité des transports, le développement des réseaux de transport en commun, ou l’incitation aux déplacements à pied et à vélo. Les sondés se montraient en revanche plus réticents vis-à-vis des mesures représentant des entraves à leur liberté de circulation.

Les mesures incitatives sont toujours les plus plébiscitées, mais d’autres connaissent aujourd’hui une forte progression. 58 % des opinions recueillies sont favorables à la mise en place de la circulation différenciée, qui interdit à certains véhicules de rouler en cas de pic de pollution, en fonction du niveau de leur vignette Crit’Air : une hausse de 9 points par rapport à 2017.

Plus de 5 personnes sur 10 (55 %) se montrent également en faveur de l’interdiction – toute l’année cette fois-ci – de la circulation des véhicules les plus polluants en fonction de leur vignette Crit’Air, soit 7 points de plus que deux ans plus tôt.

Cette tendance – croissante dans le temps – est cohérente, puisque la circulation routière constitue pour près de 7 Français sur 10 la première source de pollution de l’air préoccupante au niveau local (contre 57 % pour l’activité industrielle et 29 % pour l’agriculture).

D’autres dispositions volontaristes demeurent très majoritairement acceptées comme la limitation de la vitesse maximale autorisée dans les centres-villes (69 % des personnes interrogées y sont favorables) et l’obligation de livraison des marchandises en ville par des véhicules propres, même si cela pourrait se traduire par une légère augmentation des prix (67 % de réponses favorables à une telle mesure).

Prêts à payer plus cher

Ce volontarisme ne se limite pas à la question des transports. Désormais, les Français adhèrent de plus en plus à l’idée selon laquelle la lutte pour le climat aura un coût, et qu’il faudra modifier de façon importante nos modes de vie pour limiter le changement climatique.

En matière de production d’énergie, près des deux tiers (64 %) d’entre eux se disent prêts à augmenter leur budget énergie pour passer d’une énergie classique à une énergie renouvelable (ENR) – en moyenne, ils sont disposés à voir progresser leur facture énergétique de presque 12 %.

À l’heure de la transition énergétique, le souhait d’une production locale d’énergie renouvelable, même si elle coûte un peu plus cher, bénéficie d’un soutien massif de la population (86 % des enquêtés la jugent souhaitable), et 57 % seraient prêts à participer personnellement au financement de projets locaux d’ENR en y plaçant une partie de leur argent… mais seuls 8 % d’entre eux savent si de tels projets existent dans leur région.

Près de 7 de nos compatriotes sur 10 seraient intéressés par l’autoproduction à domicile d’électricité photovoltaïque, même si cela devait coûter plus cher.

Parmi les mesures que les pouvoirs publics pourraient prendre pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, « augmenter le prix des produits de consommation qui sont acheminés par des modes de transport polluants » atteint 71 % de « très » ou « assez souhaitable » ( 8 points depuis 2018). « Taxer davantage le transport aérien pour favoriser le transport par le train » est plébiscité par 66 % ( 11 points) de nos concitoyens et « taxer davantage les véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre » par 61 % d’entre eux.

La proposition « augmenter la taxe carbone » ne perd que 2 points pour s’établir à 46 % d’avis positifs contre 51 % d’avis négatifs, signe que la mesure est loin d’être rejetée par l’ensemble de la population mais qu’il reste à convaincre un peu plus de la moitié des Français.

Les outils de politique publique ne se limitant pas à la fiscalité, la demande d’une réglementation plus volontariste est également présente, non seulement en matière de transport, mais également en matière de rénovation des logements : plus des deux tiers (67 %) encouragent l’obligation pour les propriétaires de rénover et d’isoler les logements lors d’une vente ou d’une location.

Encore inégaux face à la transition

Les enquêtes de l’Ademe révèlent une adhésion croissante d’une majorité de la population à des mesures fortes, volontaristes, permettant de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, de lutter contre la pollution de l’air et d’accompagner la transition écologique et solidaire.

Alors qu’il faudra modifier de façon importante nos modes de vie pour limiter le changement climatique – 52 % des Français le pensent, contre 17 % qui estiment qu’il est inévitable et 11 % seulement qui fondent leur espoir sur le progrès technique – que plus de 9 Français sur 10 (93 %) se déclarent prêts à consommer moins, la première condition qu’ils posent pour accepter des changements importants dans leurs modes de vie est que ces changements soient partagés de façon juste entre les membres de la société : l’enjeu de justice sociale dans la transition est primordial.

L’adhésion majoritaire à des mesures ambitieuses ne doit en effet pas masquer la proportion non négligeable de la population s’y refusant encore. À titre d’exemple, 32 % des Français refusent de payer plus cher pour passer d’une énergie classique à une énergie renouvelable, et 51 % des habitants de communes rurales sont défavorables à l’interdiction de circulation des véhicules les plus polluants en cas de pics de pollution.

Les situations de dépendance, à la voiture ou au système de chauffage existant, impliquent donc de mettre en place des mesures d’accompagnement pour les individus ne disposant pas des ressources pour s’en passer ou les faire évoluer : ils ne doivent pas porter seuls la charge de la transition énergétique.

Au-delà de l’écologie positive et punitive

Il semble donc que l’opposition entre une « écologie positive », reposant sur l’incitation et la valorisation des bonnes pratiques, et une « écologie punitive » s’appuyant sur des mesures fiscales et réglementaires, n’a tout simplement plus lieu d’être pour nos concitoyens.

Face à l’urgence climatique, des politiques publiques ambitieuses sont attendues, qui relèvent de choix collectifs de société, et non pas du seul libre arbitre individuel, et ce même s’il faut pour cela en payer le prix et renoncer à des pratiques bien ancrées… pour autant que les mesures mises en œuvre le soient de façon équitable, condition sine qua non d’une adhésion massive à la transition écologique.

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Patrick Jolivet, Adjoint à la directrice exécutive de la prospective et de la recherche, Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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