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Les politiques de lutte contre la déforestation sont-elles vouées à l'échec ?


Un collectif de 23 chercheurs, consultants et acteurs d'ONG de 13 pays d’Europe et d’Amérique du Nord vient de publier un article intitulé « La transition forestière mondiale est une affaire humaine » dans One Earth (Cell Press). C’est la première étape de la collaboration de cette équipe internationale, coordonnée par Claude Garcia du Cirad et de l'ETH Zurich. 

Le Cirad explique : « Ensemble, ils affirment que les politiques de déforestation et de reforestation doivent revoir la façon dont elles prennent en compte les décisions humaines. L’article insiste sur la nécessité de rendre explicites les enjeux et intérêts des décideurs quels qu’ils soient lors des négociations. Les auteurs proposent ainsi une toute nouvelle approche : celle des jeux de stratégie, qui mettent en lumière les objectifs et les contraintes des acteurs de la gestion forestière. Cette méthode a d’ailleurs déjà fait ses preuves dans plusieurs arènes de négociations à des échelles locales et régionales. Les auteurs de l’article suggèrent que les négociateurs des grandes négociations internationales, telles que la COP15 de la Convention sur la Diversité Biologique (2021, Kunming, Chine) et la COP26 de la Conférence des Nations Unies sur le Changement Climatique (2021, Glasgow, Royaume-Uni), se prêtent au jeu ! « Cela fait un quart de siècle que nous discutons, et pourtant nous sommes loin d'avoir inversé les tendances. Il est peut-être temps d'essayer autre chose », déclare Claude Garcia, écologiste au Cirad et premier auteur de l'article.

Cet article montre, que malgré les nombreuses initiatives nationales, internationales, publiques et d'entreprises ces dernières années, les objectifs ne sont pas atteints, et les tendances à la déforestation se poursuivent, voire repartent à la hausse, si l’on prend en compte la dégradation des forêts. 

En septembre 2019, les entreprises Nestlé et Procter & Gamble ont annoncé par ailleurs qu'elles n'atteindraient pas l’objectif zéro déforestation qu'elles s'étaient imposées. Des pays entiers eux-mêmes se fourvoient : dix pour cent des signataires du Bonn Challenge se sont fixés l'objectif impossible de restaurer un espace forestier qui, en surface, dépasse considérablement l’espace de restauration disponible à l'intérieur même de leurs frontières. Plus récemment, le Brésil assiste à une recrudescence de la déforestation alors que l’épidémie de Covid-19 fait rage partout dans le monde. 

Sini Savilaakso, chercheure invitée à l'université d'Helsinki et co-auteure principal du document, déclare : « au lieu d'imposer des objectifs et de proposer des visions qui ne sont pas partagées, commençons plutôt à construire ensemble ». Pour l’équipe de spécialistes, il faut abandonner l'hypothèse selon laquelle tout le monde doit travailler à la réalisation d'un objectif commun. Ils proposent au contraire une méthode qui permet aux acteurs et aux décideurs d'« aligner leurs forces », malgré des valeurs et des visions du monde différentes voire opposées. Dans cette optique, des jeux de société spécialement conçus se révèlent être des outils essentiels dans le processus d'introspection, d'apprentissage et de négociation.

Grâce aux jeux, les participants peuvent prendre conscience de leurs perspectives et de leurs processus de décision, ce qui permet l'identification d'objectifs compatibles. Les jeux offrent aux participants, jouant leur propre rôle ou celui de quelqu'un d'autre, l’occasion de vivre l'expérience de la prise de décision et de ses conséquences hypothétiques, rendant ainsi les leçons apprises plus significatives. La méthode a connu un succès particulier en 2018, lorsque, après deux ans d'impasse, un jeu de ce type a permis aux participants de parvenir à un accord sur la gestion des paysages forestiers intacts dans le bassin du Congo. 

(Photo C. Garcia, Cirad)

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