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Pourquoi faut-il à tout prix comprendre les conséquences du changement climatique sur la pêche en Afrique et agir rapidement ?



  • Par Magda Lovei, chef de division au pôle Environnement et ressources naturelles de la Banque mondiale

    L’impact du changement climatique sur l’hydrologie, les ressources naturelles et les différents secteurs de l’économie -  allant de l’agriculture au transport, en passant par l’énergie – est depuis longtemps un sujet de recherche et de débat. Mais ses effets sur la pêche, un des principaux secteurs d’activité en Afrique et qui fait vivre de nombreux Africains, sont souvent moins bien compris.

    Que sait-on des conséquences du changement climatique sur la pêche ?

    L’augmentation de la température de l’océan causée par le changement climatique, oblige les poissons à migrer des zones équatoriales vers des zones plus froides, et entraîne aussi une diminution de leur taille. Ce phénomène de réchauffement agit également sur la quantité des réserves halieutiques, leur flux migratoire et leur taux de mortalité.

    En Afrique de l’Est, le réchauffement de l’océan a déjà détruit une bonne partie des récifs coralliens qui abritaient certaines espèces et a considérablement réduit les stocks de poissons. Dans quelques pays d’Afrique de l’Ouest, comme la Sierra Leone, l’élévation du niveau de la mer a provoqué des inondations dans les villes et villages du littoral, exposant davantage les populations déjà très vulnérables.

    Selon un scénario de fortes émissions de CO2,, on estime que d’ici 2050, les prises de la pêche diminueront de 7,7% à l’échelle de la planète à cause du changement climatique, entraînant ainsi une baisse de 10,4% des revenus liés à ce secteur (Lam, Cheung, Reygondeau, Sumaila, 2016).

    Cette baisse pourrait atteindre 26 % en Afrique de l’Ouest et encore plus dans les pays plus proches de l’Équateur : 53 % au Nigéria, 56 % en Côte d’Ivoire et 60 % au Ghana.

    Pourquoi s’intéresse-t-on particulièrement à l’Afrique ?

    En Afrique, le poisson est un des principaux aliments et souvent la principale source de protéines. C’est pour cette raison qu’il est urgent d’intervenir sur ce continent pour changer ces pronostics alarmants.

    Les poissons et leurs dérivés représentent 18 % de la consommation de protéines animales des Africains (selon les données de la Banque mondiale). L’Afrique produit actuellement un peu plus de 9 millions de tonnes de poissons et de produits dérivés par an, soit 5% de la production mondiale.

    Un chiffre pourtant insuffisant pour répondre à la demande domestique croissante, ce qui oblige le continent à dépendre des importations.

    En effet, en raison de la forte croissance démographique et de la hausse du revenu par habitant, la demande en poissons et produits halieutiques devrait augmenter de 30% d’ici 2030. Le ratio entre les importations et la consommation de poisson en Afrique subsaharienne devrait augmenter de 4% à 34% entre 2000 et 2030. Si aucune mesure n’est prise, les importations continueront probablement d’augmenter pour combler cet écart, et de fait pèseront sur les taux de change déjà élevés.

    Selon la Banque mondiale, l’Afrique subsaharienne emploie plus de 12 millions de personnes dans le secteur de la pêche, avec des effets multiplicateurs importants sur l’emploi en général : en Mauritanie par exemple, pour chaque pêcheur employé 1,04 poste annexe est créé sur la terre ferme. Ce ratio atteint 3,15 en Guinée.

    Toutefois, la surpêche, due à la pêche illégale et à une mauvaise gouvernance, ont porté un coup dur à ce secteur et les effets du changement climatique ne font qu’aggraver la situation.

    Il est temps de prendre des mesures draconiennes pour lutter contre le réchauffement de la planète et promouvoir une pêche écoresponsable en Afrique. Sans cela, d’ici 2030, le stock de poissons diminuera de 1 % par an, soit de 5,6 kg par personne et par an. Cela aura des conséquences dramatiques pour les Africains déjà vulnérables qui dépendent essentiellement de la pêche pour se nourrir ou gagner leur vie et n’auront pas le temps et les capacités de s’adapter. 

    Que faut-il faire ?

    Afin de donner la priorité à des solutions rentables et orienter efficacement les investissements en faveur d’une pêche durable, nous devons mieux comprendre l’ampleur et les conséquences du changement climatique sur la pêche en Afrique et définir les politiques publiques à mettre en place.

    Pour y parvenir, la Banque mondiale a invité ses partenaires à faire le bilan des connaissances actuelles, à identifier les lacunes à combler et à proposer des solutions.

    L’Union africaine a récemment approuvé le projet de lancement d’une étude régionale pour évaluer les effets du changement climatique sur la pêche sur le continent et définir les mesures à prendre au niveau politique. Cette étude sera menée conjointement par la Banque mondiale et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) avec le soutien des pays concernés. 

    L’étude dressera une cartographie des littoraux les plus vulnérables sur le continent ; évaluera les risques liés au changement climatique selon des critères biophysiques et socioéconomiques. Elle estimera également le coût économique de l’inaction, et les limites en termes de mise en œuvre des mesures d’atténuation et d’adaptation. L’étude identifiera enfin les différentes actions susceptibles de stimuler efficacement le potentiel du secteur de la pêche en Afrique.

    Parallèlement, les économies côtières africaines doivent impérativement continuer d’investir pour améliorer la gouvernance et la gestion de la pêche, aider les communautés vivant de la pêche et déployer des actions pour permettre aux zones côtières de résister et de s’adapter au changement climatique. Des programmes nationaux et régionaux tels que le Programme régional pour la pêche en Afrique de l’Ouest et le Projet sur la gouvernance des pêches et la croissance partagée dans le Sud-Ouest de l'océan Indien (ou “SWIOFish”) y contribuent déjà.

    Nous devons redoubler d’efforts pour permettre aux millions d’Africains d’aujourd’hui et de demain, vivant sur le littoral de faire face au changement climatique. 

    Lire l'article du Blog de la Banque mondiale

    [CdP23-climat]

    Source : Banque Mondiale

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