Par Tom Ignacchiti pour la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement de l’Université Laval
Bien que les discussions entourant les avantages et les inconvénients des organismes génétiquement modifiés (OGM) soient moins médiatisées au Canada depuis quelques années, les débats sur l’opportunité de rendre obligatoire l’étiquetage des OGM au Québec refont surface, entretenus par de récentes autorisations de commercialisation et par l’évolution de la législation de certains pays.
En raison de l’importance de ces débats, la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement, en collaboration avec la Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires, ont invité le professeur Richard Ouellet, de la faculté de droit, de l’Université Laval, à apporter un éclairage juridique sur la vente et l’étiquetage des OGM au Canada et au Québec lors d’une conférence-midi le 22 mars 2017.
État des lieux
D’entrée de jeu, le professeur Ouellet rappelle que les OGM sont des organismes vivants (micro-organismes, plantes, animaux) dont le patrimoine génétique a été modifié par intervention humaine afin de leur apporter certaines caractéristiques. Il souligne que ces modifications sont le résultat des biotechnologies modernes, en particulier de la transgénèse, qui permet d’insérer un ou plusieurs gènes dans un organisme vivant. La majorité des OGM sont développés pour leurs tolérances aux herbicides, pour leurs résistances aux insectes ou pour les deux. Le professeur précise que d’autres OGM sont développés afin, de produire du bio carburant, d’augmenter l’apport nutritif de certains aliments, ou encore pour le développement de vaccins.
Avec 6,1% de la superficie des cultures génétiquement modifiées (GM) mondiale, le Canada est le cinquième producteur mondial d’OGM derrière l’Inde, l’Argentine, le Brésil et les États-Unis. Une relative stagnation des cultures OGM au Canada est à observer. Les principales cultures transgéniques sur le territoire canadien sont le soja, le maïs et le canola.
Le processus d’autorisation
Le professeur Ouellet insiste sur le fait qu’il faut distinguer, selon le droit canadien, entre l’approbation d’un OGM et l’autorisation de sa commercialisation, car de nombreux OGM sont approuvés seulement à des fins de recherche.
C’est Santé Canada[1] qui, en association avec plusieurs ministères et organismes, autorise les OGM à des fins de commercialisation[2]. Pour qu’un OGM soit approuvé comme un aliment nouveau, Santé Canada vérifie son innocuité en examinant le procédé utilisé pour sa mise au point et ses caractéristiques par rapport à la même variété de produits traditionnels, on parle alors du principe de l’équivalence substantielle. L’aliment GM doit présenter un caractère qui n’a pas été observé auparavant et qui lui confère un avantage. Le professeur Ouellet souligne que c’est particulièrement avec cette comparaison que Santé Canada va autoriser ou non l’aliment GM. La valeur nutritionnelle, la présence de substance toxique et le potentiel allergène de l’aliment GM sont également étudiés.
Au Canada, la commercialisation d’une dizaine de plantes GM a été approuvée : maïs-grain, canola, pomme de terre, tomate, courge, soja, lin, luzerne, coton, betterave à sucre, papaye et pomme. Le professeur Ouellet affirme qu’en mars 2015, deux pommes résistantes aux brunissements ont été autorisées pour l’alimentation humaine[3]. En mai 2016, la commercialisation d’un saumon à croissance accélérée a été approuvée [4]. Il s’agit du premier animal GM destiné à la consommation humaine commercialisé au Canada.
Un étiquetage volontaire
D’emblée, le professeur Ouellet rappelle que le droit international n’interdit pas aux gouvernements de prévoir l’étiquetage obligatoire des OGM.
Au Canada, l’étiquetage des OGM se fait de façon volontaire. En cause, un rapport d’experts de la Société royale du Canada de 2001, conclut qu’il n’est pas nécessaire d’étiqueter les produits contenant des OGM, car le risque additionnel à la consommation de ces produits par rapport aux produits non GM ne serait pas démontré[5]. Pour le professeur Ouellet, ce rapport a eu une lourde influence sur la position canadienne en matière d’étiquetage des OGM.
À l’inverse, au Québec en 2003, la Commission de l’éthique en science et en technologie s’est déclarée favorable à l’étiquetage obligatoire des OGM afin que le consommateur puisse prendre des décisions éclairées et exercer librement son choix[6]. Le professeur Ouellet rappelle que les débats ne sont pas clos. En effet, en 2016, le Ministre de l’agriculture et le président de l’Union des producteurs agricoles se questionnaient publiquement sur l’opportunité de s’inspirer du Vermont, premier État américain à adopter une loi sur l’étiquetage obligatoire des aliments contenant des OGM.
Une source d’inspiration
Le professeur Ouellet souligne que de nombreux pays ont rendu l’étiquetage des OGM obligatoire.
Dans l’Union Européenne (UE), un règlement du parlement européen[7] impose l’étiquetage des produits contenant des OGM destinés à la consommation humaine ou animale. Toutefois, le produit contenant des traces d’OGM (moins de 0,9%) est quant à lui non soumis à l’obligation d’étiquetage, au même titre que les produits d’origine animale nourris aux OGM. Le conférencier mentionne également qu’un étiquetage volontaire « sans OGM » est autorisé au sein de l’UE.
Le 1er juillet 2016, le Vermont devient le premier État américain à adopter une loi sur l’étiquetage obligatoire des aliments contenant des OGM[8]. La loi interdit également l’utilisation de la mention « naturel » sur ces produits. Elle s’applique aussi bien aux produits fabriqués aux États-Unis qu’à l’étranger. Le professeur rappelle que des exceptions sont prévues pour les produits d’origine animale nourris aux OGM, les boissons alcoolisées, les aliments qui contiennent moins de 0,9 % OGM, les produits biologiques certifiés par le National Organic Program de l’United States Department of Agriculture, ou encore les aliments vendus pour consommation immédiate. En cas de non-respect de l’obligation d’étiquetage, les contrevenants peuvent être condamnés à une amende de 1 000 US$ par jour. Le Connecticut et le Maine ont également adopté des lois dans ce sens. Selon le conférencier, la loi du Vermont représente un modèle d’inspiration pour le Québec.
En définitive, alors que le processus d’autorisation de commercialisation des aliments GM se révèle assez transparent, les renseignements sur leur commercialisation sont difficiles à obtenir, compte tenu de leur étiquetage volontaire. Une situation qui pourrait bien évoluer…
Source : GaïaPresse
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