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Haïti/République Dominicaine : Production nationale et règles du jeu commercial



  • dimanche 23 juillet 2006

    par Djems Olivier


    P-au-P, 23 Juil. 06 [AlterPresse] --- Consommer les produits fabriqués en Haïti pour encourager la production nationale, c’est ce que réclament différents secteurs de la société haïtienne depuis bien des lustres.

    Cette question a été soulevée au siège du Laboratoire des Relations Haïtiano-Dominicaines (LAREHDO) à Port-au-Prince lors d’un débat le 20 juillet 2006, auquel a assisté l’agence en ligne AlterPresse.

    Dans les supermarchés, des messages publicitaires ainsi que des espaces réservés uniquement aux produits haïtiens sont plus que nécessaires, conseillent les participants qui exhortent les Haïtiens à accorder la priorité à la consommation locale en vue de valoriser la production nationale.

    Consultant au LAREHDO, l’ingénieur-agronome Henry Châtelain, informe à l’assistance que le produit « Lèt Agogo » (Lait à gogo, en français) du Veterimed a été interdit d’exposer sur la frontière à Dajabon, lors de la deuxième édition de la foire écotouristique binationale et de production.

    Cette information a été confirmée par un représentant du Veterimed qui participait au débat. Des politiques de sensibilisation sont envisagées par cette organisation non gouvernementale dans l’objectif de porter les consommateurs haïtiens à prioriser les produits locaux.

    « Pour mieux contrôler le marché haïtien, les Dominicains nous découragent de produire », soutient-il.

    Le 11 novembre 2005, le projet haïtien de production de lait « Lèt Agogo » a remporté, à Santiago du Chili, le 1er prix sur 20 finalistes des meilleurs projets sociaux, sélectionnés parmi 1600 ayant participé au concours « Expériences d’innovation sociale », organisé par la Commission Économique des Nations Unies pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL) en partenariat avec la Fondation Kellogg.

    En recevant ce prix, le docteur Michel Chancy du Veterimed déclarait que « Lèt Agogo est la preuve qu’il est possible de produire en Haïti, et de produire différemment. »

    Interdire la vente d’un produit du genre sur le marché dominicain est, selon les participantes et participants au débat du 20 juillet 2006, une violation des normes et conventions établies par l’Organisation mondiale du Commerce (OMC).

    Pour Margaret Germain du Ministère haïtien du Commerce, s’exprimant à titre personnel, cela constitue une barrière au commerce, une distorsion. « Haïti pourrait porter plainte à l’OMC contre la République Dominicaine » pour cette restriction, soutient-elle.

    En Haïti, « nous ne protégeons rien. Les Etats-Unis d’Amérique et le Canada protègent leur agriculture, la République Dominicaine, aussi quoique ce dernier pays entre dans un accord de libre échange avec les Etats-Unis d’Amérique et le Canada », critique l’ingénieur-agronome Henry Châtelain.

    « Socialement parlant, le Dominicain contribue à la résolution d’un problème : il consomme le produit local, malgré son coût élevé, parce qu’il pense qu’en consommant ce produit, il aide 35 mille autres familles », poursuit le consultant du LAREHDO.

    L’ingénieur-agronome Carl Déjoie révèle, pour sa part, que les Dominicains exportent en Haïti près d’une centaine de produits par jour. Déjoie pense que les autorités haïtiennes devraient utiliser la diplomatie pour résoudre un tel problème.

    Une autre participante estime qu’en raison de la cherté des produits haïtiens sur le marché local, les produits importés sont toujours préférés. A titre d’exemple, elle cite le riz de l’Artibonite qui est concurrencé par le riz importé des Etats-Unis d’Amérique.

    Lors de l’intensification, en 2005, des persécutions [NDLR : qui continuent encore en 2006] contre les migrants haïtiens en République Dominicaine, de nombreux secteurs ont élevé la voix pour appeler au boycott des produits dominicains. La Chambre de commerce du Sud-Est et un Collectif d’intellectuels haïtiens étaient parmi ces secteurs.

    En décembre 2005, le président dominicain Leonel Fernandez Reyna a reçu une douche froide à Port-au-Prince à l’occasion d’une visite officielle dans la partie ouest de l’Île d’Haïti.

    Fernandez a été accueilli par une manifestation d’étudiants et d’autres citoyens haïtiens qui dénonçaient l’attitude des autorités dominicaines vis-à-vis des ressortissants Haïtiens en République Dominicaine. [do rc apr 23/07/2006 0:00]



    Djems Olivier [AlterPresse]
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