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Des primes aux producteurs pour assurer la survie des arbres



  •  Fatimata Koama a reçu cette année 580.000 francs CFA (environ 1.235 dollars) comme prime d'encouragement à son groupement, dans la province du Nayala, dans l'ouest du Burkina Faso, pour avoir planté et entretenu 1.200 arbres depuis 2008. 

    "Les arbres sont importants, nous plantons surtout des arbres exotiques, mais aussi le manguier, le moringa, le papayer" dans cette province du Burkina, un pays sahélien d'Afrique de l'ouest, explique à IPS, Koama, chef du groupement Magoulé (qui signifie 'J'y crois' en San, une langue de la région). 

    Quelque 50 millions FCFA (environ 106.380 dollars) ont déjà été distribués aux producteurs qui ont entretenu leurs plants, dans le pays, dans le cadre d'une initiative qui permet aux producteurs de planter les espèces qu'ils souhaitent, selon l'organisation non gouvernementale (ONG) SOS Sahel et le ministère de l'Environnement du Burkina. 

    Dans la province du Nayala, plus de 170 contrats ont été signés avec des producteurs qui ont reçu depuis 2008 quatre millions FCFA (environ 8.510 dollars) pour 15.000 arbres, ajoutent les mêmes sources. 

    "Voilà trois ans que j'ai signé le contrat. J'ai 11 hectares et j'ai été primé à 206.000 FCFA (environ 438 dollars) pour mon verger d'arbres fruitiers comprenant des goyaviers, des papayers et des manguiers", raconte, enthousiaste, Boureima Dao de la commune de Ey, dans le Nayala. 

    Confronté depuis des années à une déforestation galopante menaçant son écosystème, le Burkina Faso encourage le reboisement par contrat qui permet de conserver plus de 70 pour cent des nouveaux plants contre seulement dix pour cent lors des campagnes de reboisement ordinaires. 

    Selon une étude de 2010 du ministère de l'Environnement, 110.500 hectares de forêts sont dégradés par an au Burkina, soit 4,04 pour cent de la superficie totale. Selon l'étude, des espèces comme le kapokier à fleurs jaunes, le rônier, le fromager ou encore le néré, sont sérieusement menacés par la déforestation. 

    "Si l'arbre survit au-delà de 24 mois, on prime tous ceux qui ont planté. On ne paye pas tout ce qu'ils ont fait, mais on les encourage, on les accompagne afin qu'ils comprennent que planter un arbre et l'entretenir, c'est mieux", explique à IPS, Mouni Conombo, le coordonnateur de SOS Sahel dans le Nayala. 

    Depuis 2001, l'ONG a mis en oeuvre l'approche du reboisement par objectifs, adopté par le ministère de l'Environnement et du Cadre de Vie, mais en y apportant sa propre touche qui consiste à primer en espèces les producteurs qui auront mieux protégé les plants. Les primes sont payées par l'ONG SOS Sahel aidée par ses donateurs. 

    Selon Salifou Ouédraogo, directeur exécutif de l'ONG, cette approche fait suite au constat d'échec du reboisement classique qui n'assure que 10 à 15 pour cent de réussite. "Nous avons cherché et nous avons trouvé cette expérience utilisée par le colonisateur pour introduire le cacao et la café en Côte d'Ivoire", explique-t-il à IPS. 

    "A chaque fois qu'ils les forçaient, les producteurs utilisaient de l'eau chaude pour tuer les plantes de cacao et café. Mais, le colon incitait les chefs en leur donnant des primes comme le fusil et le pagne. Ainsi, le cacao et le café ont été acceptés", raconte Ouédraogo. 

    "On croit que reboiser est un geste très simple, or il y a des précautions pour que ce que nous mettons en terre permette de lutter contre désertification. Parmi les mesures, c'est la protection car nous sommes dans une zone d'élevage, il y a aussi les actions anthropiques, il y a des effets naturels qui affectent le taux de réussite des plantations", souligne à IPS, Adama Dolkoum, directeur des forêts au ministère de l'Environnement. 

    Dix régions sur les 13 que compte le pays bénéficient de l'initiative qui a débuté en 2001. Cette année, l'opération, qui vise la mise en terre de 400.000 pieds, a été lancée pour la région de l'est du Burkina, selon le ministère. Et 28 millions FCFA (environ 59.575 dollars) de primes seront distribués aux producteurs. 

    "Nous sommes édifiés car cela permet un bon entretien de ces plants qui sont mis en terre", se réjouit Joachin Ouédraogo, directeur général de la conservation de la nature. "Après les sécheresses des années 1973-1974, il y a eu des reboisements industriels à travers le Burkina avec des engins et des gardiens et cela bien marché au début. Mais, il y avait un problème d'approche et d'appropriation de ces plantations", reconnaît-il. 

    Ce changement a abouti, dans les années 1978-1979, à l'adoption des "foresteries villageoises" puis en 1984, au programme "8.000 villages 8.000 forêts", indique Ouédraogo. "Mais l'approche par contrat responsabilise ceux qui reboisent'', dit-il à IPS. 

    "Cela déconnecte avec le reboisement traditionnel pour lequel on donne (seulement) des plants. Pour nous, c'est voir l'engagement réel à planter un arbre et à l'entretenir comme si l'on s'occupait d'un enfant pour qu'il grandisse", déclare Conombo, de SOS Sahel du Nayala. 

    "Nous donnons des plants aux associations et nous proposons des contrats dans lesquels ils s'engagent à respecter les clauses, mais sur dix associations, seules cinq reviennent pour les plants l'année suivante car les autres n'ont pas respecté les contrats", souligne Ouédraogo. 

    article écrit par  Brahima Ouédraogo pour l'Agence IPS

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