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Les acteurs méconnus et indispensables des énergies vertes



  • La transition énergétique est un sujet omniprésent. Mais au-delà de sa médiatisation et de l’action publique, des acteurs de tous types – fonds d’investissement, coopératives, ou encore ONG – travaillent en coulisses en faveur de ce nouveau paradigme.

    Le fonds d’investissement, mobilisateur d’actifs

    Filiale du groupe AXA créée en 1996, Ardian est une société de capital investissement qui gère 125 milliards d’euros d’actifs au niveau mondial. Acteur de la finance responsable, ses principes directeurs s’inscrivent dans les concepts de cet écosystème, parmi lesquels les critères ESG et les Objectifs de développement durable de l’ONU. Son expertise se déploie sur divers marchés privés, notamment dans le soutien à la transition énergétique dont il se présente comme un pionnier. Dès 2007, Ardian a ainsi investi dans des actifs consacrés aux EnR. Son fonds Infrastructure s’est positionné sur les énergies renouvelables et gère une production totale de 7,6 GW au travers de sociétés européennes et américaines. Il totalise 21 milliards de dollars d’actifs sous gestion, et dispose de plus d’un milliard d’euros de capacité de financement par transaction. L’un de ses engagements affichés est de réduire l’impact environnemental des investissements dans les infrastructures.

    À ce titre, le fonds Infrastructure a créé la joint-venture Hy24, que l’entreprise présente comme « la plus grande plateforme mondiale d’investissement dédiée à l’hydrogène décarboné ». Son président Laurent Fayollas, par ailleurs responsable adjoint du fonds Infrastructure, promeut l’hydrogène comme solution contre le changement climatique et les émissions de CO2. Hy24 choisit d’investir dans l’hydrogène pour atteindre la neutralité carbone en 2050, en écho aux préconisations du Pacte vert pour l’Europe. Ce dernier se fixe pour objectifs principaux « la fin des émissions nettes de gaz à effet de serre à horizon 2050 », ainsi qu’une « croissance économique dissociée de l’utilisation des ressources ». En parallèle, Ardian a récemment orienté son activité dans la transition énergétique.

    En avril 2022, l’entreprise a annoncé le lancement d’un fonds permanent exclusivement dédié à l’accélération de la transition énergétique par le financement des énergies renouvelables. Ardian Clean Energy Evergreen Fund (ACEEF) compte lever un milliard d’euros pour son premier cycle. En deux mois, Evergreen a obtenu la moitié de cette somme et l’a investie dans un portefeuille de douze actifs solaires et éoliens, soit 1 GW sur les continents européen et américain. Présent aussi sur l’hydroélectricité, le fonds prévoit d’élargir son activité au biogaz, à la biomasse, au stockage et à l’efficacité énergétiques. Chaque investissement du fonds pourra atteindre jusqu’à 150 millions d’euros. L’ACEEF entre dans le cadre de l’article 9 du règlement européen 2019/2088 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers. Cet article dispose plusieurs exigences strictes relatives à la « transparence des investissements durables dans les informations précontractuelles publiées ». À une échelle plus locale, d’autres acteurs poursuivent les mêmes objectifs, comme la coopérative Enercoop.

    La coopérative, acteur à échelle humaine

    Fondée en 2005, Enercoop est 1e ex-aequo du classement de Greenpeace des fournisseurs d’électricité « vraiment verte ». L’offre de cette coopérative repose intégralement sur les énergies renouvelables, en contact direct avec les producteurs. Sa démarche et son modèle ont débouché sur l’obtention d’un agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS) de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS). En parallèle, Enercoop est le seul fournisseur labellisé au niveau 2 – le plus exigeant – de VertVolt, créé par l’ADEME, pour 100% de son offre aux particuliers. Il garantit l’utilisation d’une énergie verte sans origine nucléaire, bien que la crise énergétique issue de la crise en Ukraine force Enercoop à actuellement envisager des concessions temporaires pour préserver son business model.

    Ce modèle repose sur un approvisionnement chez 350 producteurs qui n’utilisent que des sources renouvelables. La majorité de ces EnR (53%) proviennent de producteurs éoliens, suivies de centrales hydrauliques (39%). Plus largement, la démarche d’Enercoop vise à démocratiser les pratiques autour de l’énergie verte. De ce fait, la moitié des sites de production où la coopérative s’approvisionne sont détenus par « des citoyens ou des collectivités, souvent réunis en collectif ». Enercoop se réclame de ce qu’elle nomme une transition énergétique « citoyenne » qui s’adosse à une gouvernance locale. À l’image d’Ardian, ses projets énergétiques s’inscrivent en outre dans le long terme, avec un engagement d’achat auprès des fournisseurs jusqu’à trente ans, afin de garantir au mieux leur viabilité économique et leur capacité d’emprunt bancaire.

    Ce choix du local est défendu par Estelle Kleffert, responsable des partenariats stratégiques de la coopérative. La résilience énergétique des territoires passe selon elle par une décentralisation de la production des énergies renouvelables, « adaptée aux ressources et aux besoins locaux ». Mais ces pratiques d’Enercoop se revendiquent par ailleurs d’un autre rapport à la consommation. La « clé de la résilience » est un mix entre la sobriété et l’efficacité énergétique. La sobriété limite la consommation à nos besoins, domaine dans lequel Enercoop dispense des conseils et sa formation Dr Watt. L’ampoule à LED plutôt qu’à filament est ainsi l’un des exemples choisis. Ce mix se retrouve chez d’autres acteurs, comme l’association négaWatt.

    L’ONG, interlocutrice institutionnelle

    Fondée en 2001, négaWatt regroupe des professionnels de l’énergie et des citoyens. Son nom indique sa raison d’être : le négawatt mesure une puissance économisée, « fruit d’une innovation technologique ou d’un changement de comportement ». En parallèle de ses mécènes physiques, négaWatt dispose du soutien de trois acteurs relativement influents. L’European Climate Foundation est présidée par Laurence Toubiana, nommée « championne du climat » auprès de la Convention-cadre de l’ONU sur les changements climatiques. La Fondation Charles Léopold Mayer, une ONG suisse, subventionne les associations qui appuient la transition énergétique, comme le fait également le troisième acteur, Fondation Terre Solidaire. Des positions qui correspondent aux travaux de négaWatt.

    Récemment, l’association a produit un scénario de transition énergétique 2022. Il fait écho au Pacte vert pour l’Europe que nous avons déjà évoqué avec Ardian et défend « la possibilité technique d’une France utilisant 100% d’énergies renouvelables en 2050, tout en atteignant la neutralité carbone ». Ce scénario formule des propositions pour réduire notre consommation d’énergie dans les domaines du bâtiment, du transport, de l’énergie, et de l’agriculture & alimentation au travers de mesures jugées prioritaires et de perspectives sur la sobriété et l’efficacité énergétiques. Au niveau des énergies renouvelables, négaWatt privilégie le recours aux bioénergies ainsi que l’exploitation des EnR électriques, tout en abandonnant progressivement le nucléaire pour une sortie définitive en 2045.

    Son statut associatif fait de négaWatt un acteur de la société civile et lui fournit une position privilégiée pour faire connaître ses requêtes en faveur des énergies renouvelables. De fait, l’ONG rapporte entretenir des liens réguliers avec des acteurs et institutions politiques et économiques afin de promouvoir les éléments présentés dans son scénario de transition énergétique. Plusieurs de ses membres, précise l’association, sont impliqués « dans les travaux et débats sur l’énergie menés à l’échelle nationale », avec quelques victoires revendiquées. En 2007 par exemple, le Grenelle de l’Environnement a débouché sur l’adoption de propositions de négaWatt, telles que le bonus / malus automobile ou la réglementation thermique dans les bâtiments neufs. En 2013, lors du débat national sur la transition énergétique, le scénario de négaWatt fut retenu comme « l’une des quatre trajectoires de référence de ce débat ».

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