Le sommet mondial climat et territoires de Lyon s'est achevé par une déclaration de bonnes intentions de la part des collectivités locales du monde entier. Toute leur bonne volonté n'aura pas suffi: elles n'ont pas réussi à s'accorder sur des objectifs concrets de lutte contre le changement climatique. Des objectifs, chiffrés et mesurables, avaientpourtant été annoncés avant la tenue du sommet mondial Climat et territoires ces 1er et 2 juillet à Lyon. L'évènement était présenté comme l'une des étapes majeures pour les acteurs non étatiques avant la COP 21.
A l’heure de présenter la déclaration "politique" issue du sommet Climat et territoires de Lyon, les organisateurs se sont réjouits de l’ampleur inédite des signatures collectives (tous les grands réseaux des collectivités locales, du monde économique, des grandes coalitions syndicales internationales, etc). Et Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations climatiques s’est dite "regonflée à bloc" pour la COP 21. Pourtant, cette déclaration ne contient aucun objectif chiffré. 

Des intentions louables, peu d’engagements nouveaux



Le document qui vient d’être publié ressemble plus à une liste de bonnes intentions. Les "non parties concernées", comme elles se définissent pour marquer la différence avec les États (seuls autorisés à négocier le texte international de l’accord sur le climat attendu en décembre à Paris), y expriment "leur volonté commune de relever [le] défi [de la limitation du réchauffement à 2°C], d’inscrire leur propre action, quotidienne et territoriale, dans une trajectoire de décarbonation de l’économie mondiale, en tenant compte des différentes situations nationales, régionales et locales, et de leurs capacités d’action respectives, tout en considérant que tous se doivent d’envisager l’avenir de leur société dans une perspective d’économie faiblement carbonée et résiliente." Les propositions issues des ateliers qui se sont tenus les deux jours du sommet n’y sont pas intégrées. Elles seront précisées et apportées aux prochaines négociations de Bonn assurent les organisateurs.
En ce qui concerne les engagements plus concrets, la déclaration renvoie aux – nombreux – réseaux de territoires engagés sur le climat. Leurs actions, réalisées par des coalitions d’acteurs représentant 11,5 % de la population mondiale, permettraient déjà "de réduire les émissions de CO2 de 1,5 Gt au niveau mondial à horizon 2020, à quelques milliers de tonnes près" selon Ronan Dantec, porte-parole climat de Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) et cheville ouvrière du sommet de Lyon. Ce qui correspond à 15 % de l’effort nécessaire, chiffré par le GIEC à 9Gt de CO2, pour espérer limiter la hausse des températures globales sous les 2° d’ici la fin du siècle.
La Convention des maires, le plus grand réseau, européen, est une initiative de la Commission européene et dirigée par Energy cities. Il compte plus de 6 400 signataires représentant 200 millions de personnes. Il engage ses membres à aller plus loin que les objectifs européens (20% en 2020 et 40% en 2030). En moyenne, ils ont des objectifs de réduction de 28 % d’ici 2020.
Au niveau mondial, le Pacte des maires (qui regroupe Cities Climate leadership Group (C40), Local governments for sustainability (UCLEI) et United Cities and local government (UCLG)) a été lancé par Ban Ki-Moon et son envoyé spécial pour les villes et le changement climatique Michael Bloomberg. Il compte une centaine de villes sur tous les continents. Ce pacte ainsi que le Pacte des États fédérés et des régions , qui compte 20 membres, promeuvent le reporting des engagements, en termes de réduction des émissions et de développement des énergies renouvelables. Il y travaille notamment avec le CDP (Carbone disclosure project), qui fait depuis quelques années le même travail sur les entreprises.
D’autres réseaux comme Metropolis s’engagent  à soutenir les plans de réduction des émissions de leurs membres, dans l’objectif de limitation du réchauffement à 2°C, et en prenant en compte les contextes nationaux.

Des réseaux ambitieux mais encore limités



D’autres collectivités ont décidé d’aller beaucoup plus loin. Et beaucoup plus vite. L’Alliance des villes neutres en carbone, créée en 2009 à l’initiative de Vancouver (Canada), réunit aujourd’hui 40 villes ayant la même ambition, comme Copenhague qui assure être en ligne pour atteindre son objectif de neutralité d’ici 2025.
L’initiative "Under 2 MOU" emmenée par la Californie, engage les signataires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95 % d’ici 2050 par rapport à leurs niveaux de 1990, ou de réduire à moins de 2 tonnes leurs émissions annuelles par personne d’ici 2050.
À ce jour, 17 collectivités, représentant 123 millions de personnes et 5 milliards de dollars de PIB, ont pris le pari de la neutralité carbone. Lors du sommet de Lyon, la région Rhône-Alpes, l’Écosse, le Pays Basque espagnol et la Lombardie (qui signera officiellement en octobre) ont annoncé qu’elles rejoignaient l’Ontario et la Colombie britannique (Canada), la Basse Californie et Jalisco (Mexique) ou encore l’Oregon et le Vermont (États-Unis).
"Cela n’est pas bon seulement pour l’environnement, mais aussi pour une croissance économique forte" a répété Matthew Rodriguez, directeur de la Protection de l’environnement californien. Sa région, 7ème PIB mondial, affiche 65 000 emplois liés au solaire…
D’autres contributions, individuelles ou collectives (402 villes et 78 régions à ce jour), sont consignées dans la plateforme NAZCA des Nations Unies, qui concentre les engagements des acteurs non étatiques dans le cadre de l’Agenda des solutions. L’Agence française en charge de l’environnement et de la maitrise de l’énergie, l’ADEME, est actuellement en train de mettre au point une méthode permettant de réaliser cette évaluation a annoncé le Président de la République, François Hollande, en ouverture du sommet.

Un accès direct des collectivités aux financements climat



Mais pour mettre en œuvre ces différents engagements, la question du financement a une nouvelle fois été mise sur la table par les acteurs territoriaux : "Nous appelons au renforcement des moyens dédiés par les États et les institutions financières internationales à la lutte contre le dérèglement climatique, à la mise en œuvre de nouveaux mécanismes (garantie d’emprunts, green bonds, tiers-financements, intégration d’un prix du carbone dans l’économie) pour démultiplier les capacités d’action."
Les acteurs territoriaux appellent aussi à un accès facilité aux fonds internationaux, comme le Fonds vert pour les collectivités territoriales des pays en développement, à une étude de la faisabilité de fonds spécifiques dédiés à l’action territoriale, pouvant être abondés directement par les collectivités ou des financements innovants, et enfin à la coordination des financements.
Un appel entendu par François Hollande, qui a annoncé vouloir "faire droit à [leur] proposition". En France, les collectivités pourront bientôt bénéficier du fonds pour la transition énergétique, de l’appel à projets pour les territoires à énergie positive auxquelles ont déjà répondu 500 collectivités, ou d’une partie des 15 milliards d’euros que la Caisse des dépôts va dédier au financement de la transition écologique et énergétique.
Reste finalement l’essentiel : distinguer "l’appel de Lyon" parmi les initiatives du même genre. En ouverture du sommet le Président de la République mettait en garde : "Il y a eu l’appel de Paris, il y a eu l’appel de Bordeaux, l’appel de Yamoussoukro, l’appel du Québec. Je suis heureux qu’il y ait autant d’appels qu’il y a de villes, mais faudrait-il encore que cela puisse converger et se rassembler."

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