Article | 28 Mai, 2018

Patrimoine mondial en péril : récif du Belize en rémission, le lac Turkana menacé par un barrage - UICN

Le statut de site en péril, déclaré pour le Réseau de réserves du récif de la barrière du Belize (la deuxième barrière de corail au monde), pourra être levé, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), chargée de conseiller le Comité du Patrimoine mondial de l’UNESCO sur les sites naturels. Par ailleurs, l’UICN recommande de placer sur la liste en péril les Parcs nationaux du Lac Turkana, au Kenya, dont la valeur unique pourrait rapidement se dégrader avec la mise en service d’un nouveau barrage en Éthiopie sans réelle évaluation d’impact préalable. L’UICN exprime également sa préoccupation quant aux plans récemment annoncés d’exploitation du bois au cœur de la Réserve de gibier de Selous, en Tanzanie, pourtant classé site en péril.

Enfin, l’UICN recommande quatre nouveaux sites naturels au Canada, en Colombie, en France et au Mexique pour inscription sur la Liste du Patrimoine mondial.

Les conseils de l’UICN ont été publiés aujourd’hui par l’UNESCO et sont adressés au Comité du Patrimoine mondial, l’organe dirigeant sur le Patrimoine mondial, constitué de 21 gouvernements. Le Comité prendra ses décisions lors de sa réunion annuelle, qui aura lieu à Bahreïn du 24 juin au 4 juillet.

La protection du récif de la barrière du Belize encouragée par l’interdiction des activités pétrolières et gazières

L’UICN recommande de supprimer le Réseau de réserves du récif de la barrière du Belize de la liste du patrimoine mondial en péril, suite à une décision sans précédent du gouvernement du Belize d’interdire toute activité pétrolière et gazière offshore dans ses territoires marins, et de protéger les mangroves de la réserve du surdéveloppement.

« Cette mesure décisive du Belize pour protéger l’un des plus beaux récifs coralliens de la planète montre la vision à long terme du gouvernement. C’est une inspiration pour la Convention sur le patrimoine mondial et un formidable encouragement pour la conservation mondiale » a déclaré Peter Shadie, Conseiller principal sur le patrimoine mondial à l’UICN. « Cela montre que lorsque l’engagement existe, la liste des sites en péril peut avoir une vraie utilité pour aider à réduire les menaces et sécuriser des résultats positifs pour la conservation et les populations. »

La liste du patrimoine mondial en péril est un mécanisme permettant d’attirer l’attention sur les sites du patrimoine mondial sérieusement menacés, afin que des mesures urgentes soient prises.

Le Réseau de réserves du récif de la barrière du Belize a été placé sur la liste  en péril en 2009 du fait de plusieurs menaces, notamment le développement touristique non-durable sur de nombreuses îles et cayes de sable. Les activités pétrolières et gazières se profilaient comme des menaces pour le fragile écosystème du site, avec plusieurs concessions accordées au sein de l’aire marine.

Situé dans la mer des Caraïbes en Amérique centrale, ce site est le deuxième réseau de récif corallien au monde, après la Grande Barrière en Australie. Il inclut sept zones, qui illustrent l’évolution des récifs et offrent un habitat pour des espèces menacées comme les tortues de mer, les lamantins et le crocodile marin américain.

Le niveau d’eau du lac Turkana change suite à la construction d’un barrage

Les Parcs nationaux du Lac Turkana, site du patrimoine mondial au Kenya, sont menacés par le barrage Gibe III construit en Éthiopie voisine. Ce barrage, qui s'élève à 243 mètres de hauteur, est la deuxième centrale hydroélectrique d’Afrique de par la taille. Depuis que le réservoir du barrage a commencé à être rempli début 2015, le niveaux d’eau en aval ont rapidement décliné, selon les données étudiées par l’UICN.  

Les fluctuations saisonnières du lac Turkana - le plus grand lac de désert sur Terre - ont également été perturbées, avec très certainement des répercussions pour la vie sauvage et les stocks de poissons dont dépendent les communautés locales. Une évaluation des impacts environnementaux du barrage sur les valeurs exceptionnelles du site n’a jamais été réalisée, malgré les demandes répétées du Comité du patrimoine mondial.

En outre, le projet sucrier Kuraz, en Éthiopie, va probablement augmenter la consommation d’eau tirée de la rivière Omo - en amont du lac Turkana. En conséquence, l’UICN recommande l’arrêt du projet jusqu’à ce que ses impacts potentiels sur les flux et la qualité de l’eau soient entièrement évalués.

Des plans de déforestation alarmants au cœur du Selous

Le mois dernier, la Tanzanie a annoncé son projet d’exploiter 143 638 ha au cœur de la réserve de gibier de Selous, le long de la rivière Rufiji. Cette zone est un habitat important pour certains mammifères emblématiques comme le rhinocéros noir, En danger critique.

L’exploitation du bois prévue aurait lieu au même endroit que le barrage proposé de la gorge de Stiegler. S’alignant avec les conseils de l’UICN, le Comité du Patrimoine mondial a noté à plusieurs reprises que le barrage causerait des dommages importants à la valeur exceptionnelle du Selous. Cette nouvelle annonce représente une autre menace sérieuse à la réserve et renforce le besoin de répondre de toute urgence aux préoccupations croissantes.

La réserve de gibier de Selous - l’un des plus grands sites du patrimoine mondial sur Terre - a été mise sur la liste des sites en péril à cause du braconnage d'éléphants qui y sévit.

Quatre inscriptions recommandées par l’UICN en 2018

Cette année, l’UICN recommande l’inscription de quatre sites sur la liste du patrimoine mondial pour leurs valeurs naturelles. Deux des recommandations de l’UICN ont été publiées aujourd’hui par l’UNESCO et deux autres l’ont été le 14 mai.

Trois des sites recommandés sont proposés comme sites « mixtes » naturels et culturels. Ils soulignent l’importance de l’engagement avec les communautés locales et le rôle des populations autochtones pour protéger une nature intacte.

Dans la vallée de Tehuacán-Cuicatlán : habitat originel de Mésoamérique, Mexique, une stratégie vise à impliquer les communautés locales pour encourager un tourisme responsable. La biodiversité de cette région soutient depuis longtemps le développement humain, et à l’heure actuelle plus de 1000 espèces sont utilisées par les populations locales. Le site abrite une diversité remarquable de cactus, qui sont très menacés dans le monde, et l’un des plus hauts niveaux de biodiversité animale sur une terre sèche.

Pimachiowin Aki au Canada et le Parc national de Chiribiquete, en Colombie, également proposés comme sites mixtes, incluent tous les deux des territoires ancestraux de populations autochtones.

Un autre site, le Haut lieu tectonique Chaîne des Puys - faille de Limagne, France, est recommandé pour inscription sur la liste du Patrimoine mondial du fait de sa valeur géologique illustrant les processus et caractéristiques de la rupture d’un continent - qui sont essentiels dans l’histoire de notre planète Terre.

Suivez l’UICN lors de la 42e session de la réunion du Comité du Patrimoine mondial sur www.iucn.org/42whc