Forum politique de haut niveau, Session 2018,
1re, 2e & 3e séances – matin & après-midi
ECOSOC/6935

Pour son édition 2018, le Forum politique de haut niveau pour le développement durable de l’ECOSOC commence par examiner les progrès et les retards

La Réunion du Forum politique de haut niveau pour le développement durable organisée sous les auspices du Conseil économique et social (ECOSOC), dont les travaux se dérouleront sur huit journées, a ouvert ses portes ce matin sur des appels à éliminer les obstacles qui entravent la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Elle s’achèvera le 19 juillet par l’adoption d’une déclaration ministérielle. 

Les progrès dans la mise en œuvre du Programme 2030, les données, l’eau et l’assainissement, telles étaient les questions examinées aujourd’hui au cours de trois tables rondes.

La Présidente de l’ECOSOC, Mme Marie Chatardová, a annoncé la venue d’au moins 80 ministres et vice-ministres, ainsi que 2 500 acteurs non étatiques participant aux séances officielles comme aux manifestations parallèles pour lesquelles le Forum a reçu 600 demandes.  « La présence de tous ces participants montre le rôle fédérateur des objectifs de développement durable. »

Si l’on veut transformer le monde, il faut mobiliser les communautés, les organisations, les entreprises et les populations, a, de fait, reconnu Mme Chatardová en faisant le lien avec le thème du Forum cette année: « Transformer nos sociétés pour les rendre viables et résilientes. »

Les discours d’ouverture ont souligné les progrès réalisés depuis 2015, année de naissance des objectifs de développement durable.  D’après le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Liu Zhenmin, les États Membres ont travaillé d’arrache-pied pour traduire cette « vision transformative » du monde en « résultats concrets ».  La proportion des ménages vivant en dessous du seuil d’extrême pauvreté, notamment, a diminué de manière significative, passant de 27% en 2000 à 9% en 2017.  De plus, la mortalité maternelle s’est beaucoup réduite depuis 2000, notamment en Afrique subsaharienne où elle a diminué de 35%.

Mais les intervenants, comme le Secrétaire général dans son rapport*, ont prévenu qu’il reste du chemin à faire.  La faim, par exemple, a augmenté récemment pour la première fois en 10 ans.  M. Liu a déploré que 38 millions de personnes souffrant d’insécurité alimentaire se soient ajoutées aux 815 millions comptabilisées en 2015.  En outre, 3 personnes sur 10 n’ont pas accès à une eau sûre, 892 millions de personnes pas accès à des toilettes et 4 enfants sur 10 souffrent de diarrhée en Afrique subsaharienne.  Ce qui a fait dire aux participants à la table ronde de l’après-midi qu’il fallait s’attaquer à cette crise hydrique et en parler davantage à l’ONU.  « Trois heures tous les quatre ans », ce n’est pas assez, a déclaré la déléguée de la France. 

Mesurer les progrès et les retards est considéré comme un élément crucial de la réalisation du Programme 2030, raison pour laquelle M. Liu a insisté sur le renforcement des données et des systèmes statistiques en constatant des progrès trop lents depuis 2015.  Un propos tempéré par le Chef de la Commission statistique des Nations Unies et Statisticien en chef du Kenya, M. Zachary Chege, pour qui on se précipite un peu trop en mesurant déjà les progrès dans la réalisation des objectifs au lieu de se focaliser d’abord sur leur mise en œuvre.

De toutes les façons, il faudra une quantité énorme de données aux niveaux national et mondial pour évaluer le niveau de réalisation des objectifs, a prévenu la statisticienne en chef des États-Unis, Mme Nancy Potok.  Quantité et qualité obligent, la cofondatrice d’Open Data Watch, Mme Shaida Badiee, a chiffré à 200 millions de dollars par an les besoins de financement pour garantir la collecte de données fiables dans le monde.

Pour sa part, M. Alex Steffen, cofondateur du magazine en ligne www.worldchanging.com, a plaidé pour remplacer l’économie du passé par une nouvelle économie qui permettra la réalisation des objectifs de développement durable.  Une économie où les entreprises payent des compensations lorsqu’elles nuisent au développement durable, a prôné l’Envoyée spéciale du Secrétaire général sur le handicap et l’accessibilité, Mme María Soledad Cisternas Reyes.  Une économie où les entreprises pollueuses soient redevables d’une taxe carbone, a renchéri M. Jeffrey Sachs, Directeur du Centre pour le développement durable de Columbia University.

M. Sachs a jeté la pierre en particulier sur les industries, notamment pétrolière, qui défendent des intérêts particuliers.  Il a aussi lancé un appel aux 2 208 milliardaires que compte le monde pour qu’ils consacrent seulement 1% de leur fortune au développement.  « J’appelle M. Mark Zuckerberg à investir personnellement dans ces objectifs », a lancé M. Sachs.

Pendant cette session, les six objectifs suivants se verront consacrer chacun une séance entière: Eau propre et assainissement (6), Énergie propre et d’un coût abordable (7), Villes et communautés durales (11), Consommation et production responsables (12), Vie terrestre (15) et Partenariats pour la réalisation des objectifs (17).

En outre, le but ultime du Programme 2030 étant de « ne laisser personne de côté », des séances du Forum seront consacrées aux pays dans des situations particulières, aux sociétés résilientes, ainsi qu’au secteur science-technologie-innovation.  Les leçons tirées des expériences régionales et les perspectives des grands groupes de la société seront également mises à l’honneur.  Pour ce qui est de la réunion ministérielle de la semaine prochaine, elle sera consacrée aux examens nationaux volontaires de 47 pays. 

La Réunion du Forum politique de haut niveau pour le développement durable se poursuivra demain, mardi 10 juillet, à 9 heures.

* E/2018/64

FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Déclarations

La Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme MARIE CHATARDOVÁ (République tchèque) a d’abord invité les participants au Forum à visionner une vidéo qui a mis en exergue les travaux des huit jours de réunion sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Ce Forum, a ajouté la Présidente, est une occasion de jeter un regard sur les réalisations obtenues dans la poursuite des objectifs de développement durable.  « Nous sommes plus proches aujourd’hui de la réalisation de ces objectifs », s’est-elle réjouie.

« Votre présence confirme que l’engagement pour les objectifs est vivant et se porte bien. »  La Présidente a signalé que plus de 80 ministres et vice-ministres devaient se réunir dans le cadre du Forum, avec en outre 600 demandes de manifestations parallèles qui ont été reçues.  En ce qui concerne les acteurs non étatiques, plus de 2 500 d’entre eux se sont inscrits pour participer au Forum, a-t-elle précisé en soulignant que leur présence montre le rôle fédérateur des objectifs de développement durable.

Selon Mme Chatardová, ces objectifs sont ambitieux car ils n’appellent pas seulement le changement mais visent une transformation du monde.  Ils exigent plus que de l’implication et de la bonne volonté de la part des gouvernements.  Elle a souligné que les engagements pris par les dirigeants mondiaux en septembre 2015 engageaient les sociétés dans leur ensemble.  Si l’on veut transformer le monde, il faut mobiliser les communautés, les organisations, les entreprises et les populations, a-t-elle martelé.

Pour elle, « les objectifs de développement durable doivent nous inspirer à viser haut ».  Ils doivent être les critères utilisés par les populations et les institutions pour mesurer la réussite de leurs activités.  Ils devraient être le programme sur la base duquel les populations tiennent les gouvernements responsables.

« Comment faire en sorte que les populations aient leur mot à dire dans les décisions qui ont des conséquences sur leurs vies: tel est le thème de mon mandat à la présidence de l’ECOSOC », a rappelé Mme Chatardová.  Elle a expliqué que l’ECOSOC avait exploré comment la société civile, le secteur privé, les universités et les autres secteurs pouvaient aider à faire avancer la réalisation des objectifs de développement durable.

M. Milan Kundera, un écrivain tchèque, a écrit que « la pire des choses n’est pas que le monde soit privé de liberté, mais que les gens désapprennent leur liberté ».  Trop de gens ont désappris qu’ils ont le droit d’être engagés en politique et dans les processus de prise de décisions, a constaté la Présidente avant de rappeler le seizième objectif de développement durable qui vise à rendre la prise de décisions participative et inclusive.  C’est la raison pour laquelle les gouvernements, les organisations non gouvernementales, les grands groupes et les autres parties prenantes sont les bienvenus à ce Forum, a lancé la Présidente de l’ECOSOC.

Elle a rappelé que ce Forum est le fruit d’un processus préparatoire riche.  Cette année a encore montré que le Programme 2030 bénéficie d’une forte appropriation au niveau régional, a-t-elle dit en citant les cinq forums régionaux organisés par les commissions régionales des Nations Unies et les gouvernements hôtes.  Elle a aussi parlé des autres réunions de préparation avant d’annoncer que durant les huit prochains jours, les participants auront l’occasion de partager leurs expériences et de réfléchir sur les défis et les obstacles sur la route des objectifs de développement durable.

« Le rapport du Secrétaire général nous apprend que nous avons encore du chemin à faire pour atteindre les objectifs », a averti la Présidente en expliquant que les six objectifs choisis pour être examinés par ce Forum se verraient consacrer chacun une séance entière.  Le thème de cette année, a rappelé Mme Chatardová, est « Transformation vers les sociétés durables et résilientes », une vision fondamentale pour éliminer la pauvreté, augmenter la prospérité et ne laisser personne de côté.  C’est également la raison pour laquelle des sessions seront consacrées aux pays dans des situations particulières, à la science, à la technologie et à l’innovation.  « La dernière séance fera le point pour savoir si nous sommes en train d’améliorer la vie de ceux qui sont les plus exclus. »  Avant de terminer, la Présidente a déclaré que la réunion ministérielle de la semaine prochaine sera consacrée aux examens nationaux volontaires de 47 pays. 

Selon le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. LIU ZHENMIN, depuis l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 il y a trois ans, les États Membres ont travaillé d’arrache-pied pour traduire cette « vision transformative » du monde en « résultats concrets ».  Dans le cadre du Forum politique de haut niveau pour le développement durable de cette semaine, a-t-il poursuivi, ces pays auront l’opportunité de faire le point sur les progrès réalisés, en se basant sur les données issues de leurs systèmes statistiques nationaux, telles que rapportées au sein du système global utilisé pour le suivi de la mise en œuvre du Programme 2030.

Aux yeux du Secrétaire général adjoint, de nombreux individus bénéficient aujourd’hui de meilleures conditions de vie par rapport à il y a 10 ans.  La proportion des travailleurs du monde entier vivant avec leur famille en dessous du seuil d’extrême pauvreté a notamment diminué de manière significative, passant de 27% en 2000 à 9% en 2017.  Toutefois, a nuancé le représentant, les sécheresses et catastrophes naturelles liées aux changements climatiques et l’émergence de nouveaux conflits font obstacle à la réalisation de progrès plus rapides. 

Pour commencer, selon lui, de nombreuses poches de pauvreté persistent dans les zones rurales, où la proportion des personnes vivant en dessous des seuils de pauvreté nationaux est plus importante qu’en milieu urbain.  La protection sociale est d’une importance capitale pour remédier à ces situations, a poursuivi le Secrétaire général adjoint.  Or, selon lui, près de 4 milliards de personnes n’ont bénéficié d’aucune protection sociale en 2016, notamment les groupes les plus vulnérables, tels que les femmes avec des enfants en bas âge, les personnes âgées, les personnes handicapées, les enfants et les personnes sans emploi. 

« Pour la première, fois depuis 10 ans, la faim augmente », a également déploré le représentant, ajoutant qu’environ 38 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire se sont ajoutées aux 815 millions comptabilisées en 2015.

Sur le plan de la santé, M. Liu a indiqué que des progrès significatifs avaient été réalisés.  Il a notamment mentionné le recul de la mortalité maternelle depuis 2000, notamment en Afrique subsaharienne, où elle a diminué de 35% et où la mortalité des enfants de moins de 5 ans s’est aussi réduite de 50%.  De plus, a-t-il ajouté, certaines formes de discrimination à l’encontre des femmes ont diminué.  En Asie du Sud, notamment, le risque de mariage des filles a été réduit de 40% depuis 2000.  Le Secrétaire général adjoint a toutefois souligné que les discriminations à l’encontre des femmes demeuraient très importantes à l’échelle mondiale.

S’agissant de l’agriculture, M. Liu a mentionné la réduction des zones forestières et la surexploitation des sols qui s’ajoutent à la montée des températures, aux sécheresses et aux catastrophes naturelles.  Les petits États insulaires en développement (PEID), a-t-il souligné, ont particulièrement souffert de ces conditions climatiques défavorables.  Aussi, a-t-il dit, la transition vers des sociétés viables et résilientes dépendra de la mise en œuvre de modes de production durable.

Le représentant a également mentionné l’augmentation des conflits violents, qui ont forcé 68,5 millions de personnes dans le monde à fuir leur foyer.  Parallèlement, a regretté le Secrétaire général adjoint, l’aide publique au développement (APD) et la coopération Sud-Sud ne fonctionnent pas de manière satisfaisante.  En effet, selon lui, seuls cinq pays donateurs ont atteint le ratio d’APD requis en 2017.

Par ailleurs, M. Liu a insisté sur le besoin de disposer de données fiables pour mesurer les progrès.  Or, selon lui, le renforcement des données et des systèmes statistiques a été trop lent au cours des trois dernières années.  Nous devons davantage développer les outils pour la collecte, l’analyse et la production des données, a-t-il martelé.  Il ne nous reste plus que 12 ans pour mettre en œuvre ce Programme transformateur, a rappelé en conclusion le Secrétaire général adjoint.  « Ces objectifs sont pourtant à portée de main », a-t-il affirmé.

M. JEFFREY SACHS, Directeur du Centre pour le développement durable de Columbia University, a déclaré que les objectifs de développement durable sont réalisables, mais ne sont pas encore réalisés.  Le principal obstacle est la cupidité des plus riches, a dénoncé l’orateur en faisant remarquer que les ressources sont disponibles.  L’autre obstacle est la résistance des intérêts particuliers, comme ceux de l’industrie pétrolière, du secteur de l’énergie, de la finance et de l’industrie pharmaceutique.  L’industrie pétrolière cherche à pallier la baisse de la consommation d’énergie fossile, a dénoncé M. Sachs qui a aussi pris le refus du Gouvernement américain de soutenir, à l’échelle mondiale, l’allaitement maternel comme exemple de la résistance de l’industrie pharmaceutique.

M. Sachs a ensuite félicité la Suède en tant que premier pays à être le plus près d’atteindre les objectifs de développement durable, ainsi que l’Europe qui est la région du monde se rapprochant le plus vite de ces objectifs.  Les 10 pays les plus proches des objectifs sont européens, a-t-il annoncé.  La Suède et le Danemark sont aussi les deux premiers pays au classement de l’indice du bonheur, ce qui prouve que le développement est la voie du bonheur. 

Les États-Unis figurent à la trente-cinquième place de l’indice du bonheur national brut, a aussi précisé M. Sachs.  « Ce pays a réduit les impôts pour les riches sans pour autant investir dans l’éducation, la santé, les infrastructures », a-t-il noté en constatant que cela ne rapproche pas des objectifs de développement durable.  Pour parvenir à ces objectifs, le plus important est de garantir une éducation de qualité, un bon système de santé, une énergie propre, ainsi qu’une alimentation et une agriculture durables, a suggéré le Directeur qui croit que les pays riches peuvent facilement financer les efforts au lieu d’offrir des réductions pour les riches.  Ces pays riches doivent en outre aider les pays pauvres, a-t-il ajouté.

M. Sachs a aussi lancé un appel aux 2 208 milliardaires que compte le monde –dont la richesse est évaluée à plus 10 000 milliards de dollars- pour qu’ils consacrent seulement 1% de leur fortune au développement.  Cela représente déjà 90 milliards de dollars qui pourraient permettre de scolariser tous les enfants du monde, a-t-il observé.

« J’appelle M. Mark Zuckerberg à investir personnellement dans ces objectifs », a lancé M. Sachs en s’adressant aussi aux sociétés offshores et aux cinq géants de la technologie qui sont valorisées à plus 5 000 milliards de dollars.

Les transactions financières doivent aussi être taxées, a-t-il proposé.  Il faut instaurer en outre des taxes carbone pour les entreprises pollueuses.  Pour leur part, les industries pétrolières doivent participer au reboisement dans le monde pour protéger la planète du réchauffement climatique.  Il faut, enfin, réprimer l’évasion fiscale, a conseillé M. Sachs.  Tout le monde doit payer ses impôts pour que chaque enfant ait un avenir, a-t-il plaidé, arguant que « si les enfants n’ont pas d’avenir nous n’avons tout simplement pas d’avenir ».

L’Envoyée spéciale du Secrétaire général sur le handicap et l’accessibilité, Mme MARÍA SOLEDAD CISTERNAS REYES, a déclaré que le Programme 2030 était un outil « très puissant » pour la mise en œuvre du développement durable à l’échelle mondiale.  Cependant, de nombreux points faibles et obstacles persistent, selon elle, concernant cette mise en œuvre.

Force est notamment de constater, a regretté l’Envoyée spéciale, le manque de financement pour la réalisation des objectifs fixés.  Si certains pays développés offrent des exemples de mise en œuvre intéressants, les pays les moins avancés (PMA) sont, selon elle, majoritairement en retard.  Pour la représentante, le meilleur moyen d’allouer davantage de fonds au développement durable dans ces pays est de lutter contre l’évasion fiscale et la corruption, afin d’éviter que des fonds susceptibles de financer le développement ne se perdent dans des paradis fiscaux. 

Davantage de fonds doivent ainsi être consacrés à l’éducation et à la promotion de l’égalité entre hommes et femmes, a poursuivi l’Envoyée spéciale.  Outre ces deux piliers, elle a également appelé les entreprises privées à s’engager davantage en faveur des droits de l’homme et du Programme 2030, en évitant notamment de prendre des mesures allant à l’encontre du développement durable.  Lorsque des entreprises portent atteinte au développement durable, elles doivent payer des compensations, a-t-elle estimé, ajoutant que les entreprises privées devraient également favoriser les franges et secteurs défavorisés pour promouvoir l’intégration au travail.

Pour cela, l’Envoyée spéciale a appelé à accroître les investissements privés pour parvenir à l’accessibilité universelle.  Plus d’un milliard de personnes dans le monde vivent avec un handicap et plus de 800 millions d’individus sont des personnes âgées, a-t-elle rappelé.  « Il ne faut pas l’oublier. »  Aux yeux de la représentante, les entreprises privées ont d’ailleurs intérêt à rechercher l’accessibilité universelle, car ces personnes âgées et personnes handicapées sont aussi des consommateurs potentiels.  En conclusion, l’Envoyée spéciale a appelé les États Membres et les acteurs privés à prendre appui sur le Forum de cette semaine pour redynamiser leur engagement en faveur du Programme 2030.

M. ALEX STEFFEN, cofondateur du magazine en ligne www.worldchanging.com, a reconnu que depuis 2015, année de naissance des objectifs de développement durable, des progrès ont été faits.  « En même temps, personne ne pense que nous allons très vite », a-t-il constaté.  Mais pour lui, la vitesse et le rythme ne sont pas des problèmes; c’est la solution existante qui pose problème.  On pense depuis longtemps que le développement durable va réduire les tensions entre les pays riches et les pays pauvres, a-t-il rappelé en avertissant que ce n’est pas le cas. 

« Nous sommes à la veille de transformations majeures, d’un énorme bond en avant », a estimé M. Steffen en appelant à aller plus vite.  La réalité est que nous avons deux économies mondiales et non une, a-t-il relevé en mettant en évidence la concurrence entre les deux: l’une est prédatrice et freine les efforts pour réaliser le développement durable, en s’opposant aux règlementations pour faire des progrès dans le domaine de l’énergie, de l’environnement, de la consommation, entre autres. 

Selon M. Steffen, « notre tâche consiste à surmonter les crises et à déployer de nouvelles solutions pour dépasser les solutions non viables ».  Pour lui, la solution repose dans la vitesse.

Partout dans le monde, a-t-il poursuivi, les gens travaillent pour mettre en œuvre les progrès sociaux et les changements technologiques.  « Si nous ne les mettons pas en pratique, l’échec est une possibilité », a-t-il prévenu.  « Ce qui se passe dans mon pays, aux États-Unis, ne doit pas nous faire peur; M. Donald Trump ne doit pas nous faire peur. »  Pour M. Steffen, le Président des États-Unis est « un homme du passé » et « il faut regarder plus loin que de lui ».  M. Steffen a donc misé sur la diffusion de l’innovation et plaidé pour remplacer l’économie du passé par une nouvelle économie qui permettra la réalisation des objectifs de développement durable.  Ces deux facteurs doivent être réalisés car ils ne sont pas opposés, a-t-il argué.  Il a réitéré que le problème est l’ancien modèle économique et que la seule façon d’avancer est de le prendre de vitesse.

Suivi des progrès dans la réalisation des objectifs de développement durable

Les intervenants de la table ronde portant sur le thème « Suivi des progrès dans la réalisation des objectifs de développement durable » se sont penchés sur l’importance des données statistiques en vue de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030, en particulier s’agissant de l’égalité des genres abondamment évoquée.  Comment mieux exploiter ces données, proprement vitales pour atteindre les objectifs de développement durable?, a résumé Mme EMILY PRYOR, Directrice exécutive de Data2X et modératrice de cette table ronde.  Les différents orateurs n’ont pas fait mystère des nombreux retards accusés dans ce domaine.

« Il y a toujours des personnes qui doutent de l’ampleur des inégalités entre les sexes, c’est pourquoi les statistiques sont essentielles », a déclaré Mme ASA REGNER, Directrice exécutive adjointe d’ONU–Femmes.  Le Programme 2030 peut changer la vie des filles et des femmes, pour autant qu’il soit mis en œuvre, a-t-elle continué.  Elle a passé en revue les progrès accomplis cette dernière décennie, avec une scolarisation plus longue des filles et une participation accrue des femmes à la vie publique, « même si ces progrès sont lents, il faut bien en convenir ».  Une femme sur cinq dans le monde a ainsi été, sur les 12 derniers mois, victime de violences sexuelles ou physiques de la part de son partenaire.  Elle a par ailleurs mentionné la condition des femmes en milieu rural, le sort des femmes handicapées et les inégalités entre femmes.  Aux États-Unis, une femme autochtone d’Amérique a trois fois plus de chances de ne pas avoir de couverture sanitaire qu’une femme blanche.  Enfin, Mme Regner a reconnu que « nous avons à notre disposition seulement le tiers des statistiques nécessaires pour assurer le suivi des progrès dans la réalisation des objectifs de développement durable ».

« Les statistiques sont au cœur de la reddition de comptes », a déclaré M. PADRAIG DALTON, Directeur général du Bureau de statistiques de l’Irlande.  Ces statistiques permettent également aux décideurs de prendre des décisions de meilleure qualité et d’éviter le gaspillage des ressources publiques.  Il a insisté sur la fiabilité des données pour gagner la confiance des décideurs et des citoyens, « c’est pourquoi la transparence est requise dans la collecte desdites données ».  Il a aussi rappelé que les données brutes doivent être traitées et dégrossies pour les rendre plus accessibles et donc utilisables par les décideurs.  « Nous devons parler la langue des décideurs. »  Il a pris l’exemple de la crise du logement récente en Irlande et le travail de son bureau pour arriver à un indice du logement pertinent.  Enfin, M. Dalton a détaillé le portail statistique de son bureau consacré aux objectifs de développement durable.

Mme GRACE BEDIAKO, experte de la Commission de planification du développement du Ghana, a indiqué qu’un comité ministériel a été mis en place dans son pays pour assurer la mise en œuvre du Programme 2030.  En outre, le Président du Ghana est sérieusement impliqué dans le suivi de la mise en œuvre, tandis que les objectifs de développement durable sont pleinement pris en compte lors des discussions budgétaires annuelles.  Elle a insisté sur l’importance de la volonté politique pour réaliser le Programme 2030. Chacun peut et doit participer à la réalisation de ces objectifs, l’inclusion étant cruciale, a-t-elle conclu. 

« J’aimerais attirer l’attention sur l’absence de données s’agissant des inégalités économiques, en particulier sur la propriété des terres », a déclaré Mme SOFIA MONSALVE SUÁREZ, Secrétaire générale de FIAN international.  Il n’y a ainsi pas d’indicateur pour mesurer la concentration de la propriété des terres.  Elle a également mis l’accent sur l’importance de l’aspect qualitatif plutôt que quantitatif des statistiques.  « Pour savoir si nous allons dans la bonne direction s’agissant des objectifs de développement durable, il aurait été préférable qu’une femme venue du Yémen ou de la République centrafricaine se soit exprimée ce matin. »  Si elle a reconnu l’importance d’une véritable « révolution des données », elle a, dans le même temps, insisté sur le danger que les « mégadonnées » soient instrumentalisées à des fins incompatibles avec les droits de l’homme.  « Ces données peuvent accroître le pouvoir de grands groupes qui disposent déjà de beaucoup de pouvoir », a-t-elle prévenu. 

Réagissant sur le sujet des mégadonnées, le Directeur général du Bureau des statistiques de l’Irlande a indiqué que « la perfection est l’ennemi du bien » et que les mégadonnées ne sont pas une solution, mais une partie de la solution au défi statistique.  « Elles doivent avoir une véritable valeur ajoutée. »

De son côté, l’experte de la Commission de planification du développement du Ghana est revenue sur la distinction entre aspect qualitatif et quantitatif qui, a-t-elle estimé, n’est pas sans provoquer une tension dans le débat public.  « L’enjeu est de développer une méthodologie qui prenne en compte l’importance de la confidentialité des données et qui, surtout, ne laisse personne pour compte. »  La Directrice exécutive adjointe d’ONU–Femmes a, elle, insisté sur le besoin de débusquer ce qui se cache « derrière les chiffres » et l’apport des chercheurs à cette fin, en prenant l’exemple des violences faites aux femmes.

Prenant la parole, la délégation de la Suisse a appelé à investir dans les systèmes de collecte statistique, « sinon nous continuerons de comparer des pommes et des poires ».  Elle a également demandé une meilleure coordination au sein du système onusien, en particulier entre la Commission de statistique et l’ECOSOC.  « Nous devons innover et nous adapter au changement », a renchéri le Chef du Bureau des statistiques de l’Italie.  La déléguée de la République démocratique populaire lao a, elle, plaidé pour le renforcement des capacités statistiques des pays en développement, lequel est au cœur de la politique en la matière suivie par l’Union européenne, selon son représentant.

L’acuité du défi statistique a été soulignée avec éloquence par de nombreux orateurs, dont le représentant du grand groupe des enfants et des jeunes, qui a parlé « d’un tableau sombre ».  Seuls 57% des cibles retenues par les objectifs de développement durable devraient être atteintes par les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a admis le délégué de cette organisation.  Il a néanmoins noté les progrès réalisés par ces pays s’agissant de l’égalité entre les sexes, cet objectif bénéficiant d’engagements ambitieux au sein de l’OCDE.  Enfin, le représentant du Groupe des personnes handicapées a déploré qu’il n’y ait pas de données sur le handicap au niveau mondial.  « Si nous ne sommes pas comptés, nous ne comptons pas et nous resterons invisibles. »

Les meilleures données pour le développement durable

Cette table ronde sur les « meilleures données pour le développement durable », animée par la Directrice exécutive de Data2X, Mme EMILY PRYOR, devait répondre à la problématique posée par le Chef de la Commission de statistique des Nations Unies et statisticien en chef du Kenya, M. ZACHARY MWANGI CHEGE, qui s’est étonné du fait que l’on se précipite à mesurer déjà les progrès dans la réalisation des objectifs de développement durable et non l’état de leur mise en œuvre.  Pour cela, a-t-il indiqué, il faut un système de statistique efficace, impartial, viable et disponible au moment opportun, ce que n’ont pas les pays en développement.

Ces pays sont pris au piège du sous-développement statistique; ils souffrent du manque de coordination et de financement pour leurs systèmes statistiques nationaux, a-t-il poursuivi.  Le Plan d’action de Marrakech pour la statistique de 2004 vise à aider les pays à identifier leurs priorités et établir un plan stratégique en matière de statistique, a-t-il rappelé.  La Banque mondiale a aussi développé un autre programme qui vise à aider les pays dans le besoin à élaborer des stratégies et des plans d’action dans ce domaine.  Pour sa part, a ajouté M. Chege, la Commission de statistique des Nations Unies est en train d’élaborer un plan de renforcement de capacités à court et moyen termes dans les domaines des statistiques environnementales, administratives, et des données sur les handicaps.

La statisticienne en chef des États-Unis, Mme NANCY POTOK, a prévenu que pour évaluer les objectifs de développement durable, il faudra une quantité énorme de données aux niveaux national et mondial.  Le rôle des bureaux de statistique à cet égard est de s’assurer de la validité des données, a-t-elle précisé.  Comme l’utilisation des données repose sur les agences statistiques nationales, les capacités de celles-ci dans les pays en développement devraient être renforcées, a-t-elle ajouté, ce qui nécessite des partenariats entre la société civile, le secteur privé, et les gouvernements. 

Dans cet environnement complexe, il faut des données fiables et de grande qualité qui viennent des agences nationales de statistiques, a insisté Mme Potok en faisant valoir que ces agences produisent depuis longtemps des données en toute transparence.  Elles ont aussi veillé à la protection des données, en particulier les données sur la vie privée.  Mme Potok a lancé un appel pour le renforcement des agences statistiques mondiales, pour qu’elles puissent mener à bien leurs missions.  Dans 25 pays d’Afrique et d’Asie, il n’y a même pas eu de recensement de population entre 2006 et 2016, a-t-elle déploré.  Elle a conclu son exposé en appelant à investir dans la production de données permettant d’aider à réaliser les objectifs de développement durable.

C’est d’ailleurs sur le financement des données que la cofondatrice d’Open Data Watch, Mme SHAIDA BADIEE, a focalisé son intervention.  On a besoin de 200 millions de dollars par an pour avoir des données fiables dans le monde, en particulier dans les pays en développement, a-t-elle signalé, jugeant que « ce montant n’est pas énorme comparé aux salaires des deux meilleurs joueurs de football au monde ».  Le Plan d’action mondial du Cap concernant les données du développement durable permettra d’unir les pays dans la mise en œuvre du Programme 2030 et de financer les données, a-t-elle espéré.  Elle a en outre appelé à donner l’appui politique nécessaire pour le financement des données et accroître les ressources nationales et internationales à l’appui du développement.

La Directrice générale adjointe de l’Institut de la statistique de la Jamaïque, Mme LEESHA DELATIE-BUDAIR, a renchéri en soulignant le rôle central du Plan d’action mondial du Cap.  Ce Plan met l’accent sur le financement des systèmes de statistique des pays en développement, des pays en situation particulière et des pays à revenu intermédiaire.  Il prévoit la numérisation des données, ce qui nécessite un financement important.  « Mais comment mobiliser le financement dans les pays vulnérables? », a demandé Mme Delatie-Budair.  « Comment avoir les compétences nécessaires pour la collecte et l’utilisation des données?  Comment renforcer les capacités institutionnelles? »

En ce qui concerne la mobilisation du financement, le Chef de la Commission de statistique des Nations Unies a souhaité que les décideurs politiques reconnaissent l’importance de l’investissement dans les capacités statistiques nationales.  La coopération technique, qui vient après, est aussi fondamentale en ce qu’elle permet de moderniser les systèmes nationaux, notamment dans le recensement des populations. 

La statisticienne en chef des États-Unis a pour sa part prôné « un financement simple et adéquat », par les gouvernements, de leurs systèmes nationaux de statistiques.  Les gouvernements doivent assurer la participation de la société civile et du secteur privé pour avoir un financement pérenne, a-t-elle ajouté.  Pour le représentant de l’Afrique du Sud, des mécanismes de financement sont importants notamment pour le renforcement des capacités technologiques.  Son homologue de la Suisse a préconisé de développer une approche différente du financement des données pour le développement durable.

Le représentant de l’Italie est revenu sur l’importance de la coopération pour combler les lacunes en matière de statistique, une coopération entre les pays, les organisations régionales et les organisations internationales.  Il a aussi mentionné le rôle du Plan d’action mondial du Cap en matière de renforcement de capacités des systèmes nationaux de statistiques, un plan qui doit évoluer en fonction des réalités.  Le Chef de la Commission de la statistique des Nations Unies a également plaidé pour l’application de ce Plan d’action « pour espérer voir le bout du tunnel ».

Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau

Les intervenants de cette discussion ont examiné l’objectif 6, « Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau », la question de l’eau et de l’assainissement étant au cœur de nombreuses tensions dans le monde.  « Nous sommes mal partis pour réaliser cet objectif », a affirmé sans ambages une oratrice, résumant le sentiment général.  Diverses solutions pour faire face à cette véritable « crise hydrique », notamment l’importance d’une volonté politique robuste, ont été avancées.

Mme YONGYI MIN, Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, a livré des chiffres pour guider la discussion.  Environ 71% de la population utilise une eau sûre, 3 personnes sur 10 n’y ayant pas accès.  Près de 892 millions de personnes continuent de faire leurs besoins à l’air libre, en particulier en Afrique et en Inde, tandis que 2 milliards de personnes souffrent de stress hydrique, caractérisé par un possible manque d’eau à l’avenir en raison notamment des changements climatiques.  De surcroît, de 2012 à 2016, les financements pour améliorer l’accès à l’eau et l’assainissement ont diminué de 25%.

M. STEFAN UHLENBROOK, du Programme eau de l’ONU, a présenté le rapport de synthèse sur l’objectif 6 en louant les efforts colossaux des États, « même si on est encore loin du compte ».  Il a prévenu que « si la tendance se maintient, nous n’atteindrons pas cet objectif 6 ».  Des milliers d’enfants continuent de mourir en raison d’une mauvaise hygiène liée à l’eau et la demande en eau va aller en croissant à l’avenir, augmentant le stress hydrique.  Si 80% des pays du monde ont jeté les bases d’une gestion intégrée des ressources hydriques, beaucoup reste encore à faire, a-t-il affirmé.  La bonne gouvernance de l’eau est cruciale et peut permettre de passer de la pauvreté à la prospérité, a-t-il dit, en appelant à davantage d’investissements dans ce secteur.  « L’urgence de la crise hydrique ne saurait être exagérée. »

Pour sensibiliser sur la question, Mme MINA GULI, coureuse de fond et activiste, a indiqué qu’elle allait courir 100 marathons en 100 jours pour alerter sur la crise hydrique.  « L’eau, c’est la vie.  L’eau, c’est l’avenir. »  Or 4 enfants sur 10 souffrent de diarrhée en Afrique subsaharienne, a-t-elle déploré, avant d’évoquer le sort des jeunes filles chargées dans de nombreux pays de ramener l’eau du puits.  Sécheresse, pollution, tensions géopolitiques, les défis sont nombreux.  « Près de 40% de la population mondiale connaît le stress hydrique. »  Elle a évoqué des solutions pour y remédier avec la mise en place d’un système de gestion intégrée en eau et de technologies économes en eau, ainsi que la sensibilisation du grand public.  « Économiser l’eau doit devenir tendance. »

« Nous devons agir maintenant, c’est une question de survie », a renchéri M. DANILO TURK, Président du Groupe mondial de haut niveau sur l’eau et la paix.  Le stress hydrique est une question de paix et de sécurité internationales.  Il a déploré, face à cette situation, un leadership politique insuffisant et une expertise technique déficiente.  Tout n’est pas négatif, a-t-il nuancé, en mentionnant certains succès.  Il a loué la coopération de quatre pays autour du fleuve Sénégal, un exemple pour le monde, et s’est dit encouragé par les progrès accomplis en Asie centrale.  Autre signe positif, selon M. Turk, l’attention croissante du Conseil de sécurité sur cette question en vue de prévenir des conflits armés.  Il a plaidé pour une gestion intégrée de l’eau et la coopération transfrontalière autour de bassins d’eau, ainsi que pour la fourniture d’un appui international dans ce domaine.  « Voilà deux appels que ce Forum pourrait lancer. »

Un dialogue constant entre tous les acteurs autour de la question de l’eau, c’est ce qu’a prôné M. CALLIST TINDIMUGAYA, du Ministère de l’eau et de l’environnement de l’Ouganda, qui a aussi plaidé pour une mobilisation robuste de ressources.  Il a détaillé les progrès de son pays en vue de concrétiser l’objectif 6, soulignant l’importance d’un cadre institutionnel fort.

« Nous devons être plus ambitieux sur la question de l’eau », a ajouté Mme CLAUDIA SADOFF, Directrice générale de l’Institut international de gestion de l’eau.  Elle a souligné l’importance de la technologie, mentionnant par exemple la surveillance de l’irrigation des champs au moyen de drones.  Des lois pourraient être prises pour contraindre les ménages à être plus économes en eau, notamment en utilisant des appareils électroménagers gaspillant moins d’eau, a-t-elle suggéré.  « Nous devons aussi recycler davantage les eaux usées. »  Elle a plaidé pour une meilleure gouvernance de l’eau, arguant que la « crise de l’eau est une crise de gouvernance ».  « Si nous gérons mal l’eau, les conséquences sont tragiques. »  Elle a également appelé à des partenariats multisectoriels et à une collecte rigoureuse des statistiques.  « Changeons de paradigme, car l’eau est une ressource rare. »

Abordant la question de l’eau sous un angle à la fois juridique et pragmatique, Mme LUCÍA RUIZ, Vice-Ministre de l’environnement du Pérou, a dit que le droit à l’eau est inscrit dans la Constitution du Pérou, pays qui est très touché par le stress hydrique.  L’eau doit être utilisée de manière plus efficace, a-t-elle dit, en plaidant pour une gestion intégrée, « verte », de l’eau.  Les citoyens doivent être étroitement associés à cette gouvernance, en particulier les peuples autochtones, a—t-elle dit, en louant la sagesse inestimable de ces populations au Pérou lorsqu’il s’agit de gérer l’eau.  Enfin, elle a insisté sur l’importance d’un financement suffisant pour améliorer « la sécurité hydrique ».  La coopération avec le secteur privé pourrait aider à combler les lacunes de financement, a-t-elle conclu.

M. THOMAS STRATENWERTH, du Ministère de l’environnement de l’Allemagne, a insisté sur les liens entre l’objectif 6 et les autres objectifs.  « Nous devons changer de paradigme de communication sur l’eau en parlant davantage des solutions », a-t-il aussi conseillé.  Il a appelé à une stabilisation plus efficace des écosystèmes et suggéré la création d’une carte prépayée qui permettrait d’accéder à des ressources en eau en évitant le gaspillage.  Enfin, il a souhaité que l’ONU consacre davantage de temps à cette question cruciale de l’eau, en organisant notamment un débat de haut niveau. 

En Asie et en Afrique, Water and Sanitation for the Urban poor œuvre en vue de créer des unités permettant de répondre aux besoins en eau des consommateurs, comme à Nairobi, a indiqué M. NEIL JEFFERY en se prévalant de bons résultats à Accra et à Maputo.  Il a mis en garde contre la contamination des eaux par des matières fécales venues du secteur agricole.  Il a, par ailleurs, souligné l’importance d’appuyer les petites villes qui connaissent souvent une expansion rapide.

Le manque d’hygiène dû à une eau impropre est un problème sensible pour les femmes du Mozambique, a signalé M. FLORENCIO MARERUA, WaterAid Mozambique.  Ainsi, les femmes de son pays ont peur de tomber enceintes en raison du risque de décès de l’enfant et de la mère, lié notamment au manque d’hygiène, ce qui lui a fait dire qu’il faut adopter une approche révolutionnaire face à la mortalité infantile et maternelle.  Près de 7% des enfants au Mozambique meurent avant l’âge de 5 ans et 3 300 femmes meurent chaque année en couches, a-t-il précisé.  C’est pourquoi il a plaidé pour que « les dirigeants politiques fassent preuve de volonté politique et accordent l’attention nécessaire à la question de l’eau. 

M. NEY MARANHAO, Agence de l’eau du Brésil, a rappelé la mise en place d’un système de transfert de subsides en 2003 dans le nord-est du Brésil, région qui était alors confrontée à une grave sécheresse.  D’autres programmes ont permis de relever ce défi d’une sécheresse qui a duré six années, a-t-il dit.  « Nous devons augmenter la résilience face aux phénomènes extrêmes. »  Mais le représentant a déploré que trop souvent l’on règle les défis du XXIsiècle avec des idées du XXsiècle.

Dans la discussion générale qui a suivi, les délégations ont détaillé l’action menée pour faire face au stress hydrique et promouvoir une gestion intégrée de l’eau.  Des investissements considérables ont été consentis en vue d’améliorer les indices de croissance du secteur de l’eau à travers la construction de 76 barrages, de 8 857 forages, de 13 unités de dessalement d’eau et de 177 stations d’épuration d’eaux usées, a assuré le délégué de l’Algérie

Le Mexique encourage les nouvelles technologies pour garantir un accès à l’eau, tandis que le délégué de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a souligné la pertinence des technologies nucléaires pour une gestion intégrée de l’eau, via « l’hydrologie isotopique ».  « Dans la région du Sahara, l’Agence intervient dans cinq bassins. »

Le Kenya installe des distributeurs en eau, tandis que le Rwanda modernise son système d’évacuation des eaux usées.  En Fédération de Russie, « 96% des ménages ont accès à une eau potable en milieu urbain, 72% en milieu rural ».  L’accès à l’eau potable est de 100% en Autriche, alors qu’Israël recycle 90% de ses eaux usées.

Un autre axe de discussion a été le besoin d’une coopération internationale forte afin de réduire les tensions autour de l’eau.  L’Union européenne continuera ainsi d’étoffer sa diplomatie de l’eau, a promis la déléguée de l’Union, en apportant son soutien à l’Accord de Paris sur les changements climatiques, tandis que la Finlande a loué les accords transfrontaliers sur des bassins d’eau.  L’observateur de la Palestine a souligné le stress hydrique extrême que connaît la population de Gaza et fustigé l’occupation israélienne.

Enfin, de nombreuses délégations, comme celles de la France et du Mexique ou d’El Salvador, ont déploré le temps très limité consacré à la question de l’eau au sein de l’ONU.  Trois heures tous les quatre ans, ce n’est pas assez, a déclaré la déléguée de la France. 

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