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Né de l’affrontement du fleuve Sénégal avec l’océan Atlantique, la Langue de Barbarie fut conquise dès le XVIème siècle par le navigateur portugais Dinis Dias.

Jusqu’en octobre 2003 la Langue de Barbarie formait un même cordon de sable s’étirant sur plusieurs dizaines de kilomètres du Sud de Saint-Louis à l’embouchure du fleuve Sénégal. Mais craignant une inondation de Saint-Louis,  le Président Sénégalais Abdoulaye Wade ordonna d’ouvrir artificiellement une brèche à 7km de Saint-Louis avec l’aide de techniciens marocains.

Depuis la brèche ne cesse de s’élargir, vers le sud, séparant en deux et grignotant de plus en plus largement La Langue de Barbarie, d’une dizaine de mètres en 2003 à plusieurs kilomètres aujourd’hui. Cette nouvelle brèche s’est transformée en quelques années en véritable nouvelle embouchure. Certes elle permet aux eaux du fleuve de s’évacuer plus rapidement lors des crues mais l’environnement en a été fortement perturbé. Plus proche de l’estuaire, l’île Saint-Louis est beaucoup plus vulnérable aux marées et donc à la hausse du niveau des océans. Les pêcheurs des villages de la Langue de Barbarie, Guet Ndar, Ndar toute, Goxumbacc ou Santiaba, qui auparavant accostaient leurs pirogues sur les plages de l’Atlantique, préfèrent désormais rentrer par l’embouchure et remonter leurs embarcations jusqu’aux rives du fleuve Sénégal. Ce passage est très risqué, de nombreux pêcheurs y ont perdu la vie.

37Le Parc National de la Langue de Barbarie Le Parc National de la Langue de Barbarie est situé au sud de La Langue de Barbarie, dans le Gandiolais. Couvrant 2 000 hectares, ce parc créé en 1976, comprend l’estuaire du fleuve Sénégal, l’extrémité sableuse de la Langue de Barbarie, les marigots bordant le continent ainsi que deux îlots situés au milieu du fleuve. C’est un territoire d’un équilibre fragile et remarquable. Dès que vous quitterez Saint-Louis, vous serez surpris par la variété des paysages et la convivialité de l’atmosphère. Avant d’embarquer, vous traverserez le marigot où les femmes amassent le sel que laisse le fleuve en s’évaporant. Animés par leurs marchés, vous découvrirez, au long du fleuve, les villages de maraîchers et de pêcheurs situés dans le périmètre du Parc.

Toutefois, sans accoster pour ne pas déranger les nicheurs, vous reconnaîtrez avec l’aide de votre accompagnateur et du garde du Parc, les aigrettes garzettes et dimorphes, les vanneaux éperonnés, les dendrocygnes veufs, les sternes caspiennes et royales, les goélands railleurs et autres mouettes à tête grise… Alors commence l’approche du fleuve.

Protégés par le fragile cordon de sable de la Langue, vous évoluerez lentement vers les ilots aux oiseaux, croisant les pirogues revenant de leur campagne de pêche. Sites privilégiés de par leur situation géographique, ces ilots accueillent chaque année, d’avril à octobre, des milliers d’oiseaux migrateurs, le temps de la nidification.

Langue de Barbarie : un cordon plein de vitalité

La Langue de Barbarie, sur laquelle les quartiers dits des pêcheurs (Gooxumbath, N’Dar Toute, Guet N’Dar) forment une des trois entités de la cité de Saint-Louis-du-Sénégal (avec N’Dar Guedj, l’île Saint-Louis, et Sor, l’extension continentale). Large de 200 à 400 mètres sur une longueur nord sud d’environ 40 kilomètres depuis les confins mauritaniens, la Langue de Barbarie en sa partie urbanisée est un « segment proximal » qui commence à 3 kilomètres au nord de la ville de Saint-Louis, dans les landes de Sal Sal, et s’étire jusqu’à 1,5 kilomètres au sud, à l’Hydrobase. Cette portion de cordon est aussi la moins protégée de l’océan, avec seulement une pente de 3 à 4%. Et la plus densément peuplée de la cité. Juste au nord des dernières maisons de Gooxumbath, au-delà des séchoirs de poissons et des amoncellements de coquillages ‘yet’, il arrive que la mer tempétueuse franchisse la steppe côtière pour s’engouffrer dans le lagon du delta fluvial.Saint-Louis80[1]

La côte sénégalo mauritanienne (surtout de Nouakchott à la péninsule dakaroise du Cap vert) est classée parmi les côtes à forte énergie de houle »*. Un courant vigoureux du Nord-Ouest, régulier et haut d’1,5 mètres vient heurter l’infinie plage qui, quasiment sans interruption court de Nouadhibou, sur la frontière marocaine, aux Niayes de la banlieue de Dakar. Générée par des tempêtes d’ouest des hautes latitudes de l’océan Atlantique (55-60° Nord), la houle transporte de très importantes quantités de sable qui façonne le littoral, de mi-octobre à mi-juillet. Avec un paroxysme de puissance en mars et avril, accompagnée de grands vents marins, les alizés. De mai à novembre les vents de l’Atlantique Nord faiblissant pour laisser place aux remontées de la mousson et à un courant du Sud-Ouest moins fort, les houles faiblissent à leur tour.

Du milieu du XIXème à la fin du XXème siècles, le modelage naturel de la Langue de Barbarie était à « l’engraissement »*. On pense que la « faiblesse d’ensemble des houles » y était favorable. Cela n’empêchait pas des brisures dans le cordon, régulièrement tous les quatorze ans ; celles-ci créaient une nouvelle embouchure du fleuve, à environ sept ou huit kilomètres en amont de la précédente, avant que celle-ci ne redescende peu à peu vers le sud, jusqu’à la rupture suivante. Il suffit de voir l’emplacement du phare de Tassinère puis de se rendre à l’embouchure du parc national de la Langue de Barbarie pour comprendre combien ce long cordon vit et bouge… En 1972 par exemple, l’embouchure était à 25,42 kilomètres de l’île de Saint-Louis ; en 1973, à 15 kilomètres ! En 2002 (un an avant l’ouverture d’une brèche artificielle par l’Etat sénégalais et des techniciens marocains, à 7 kilomètres de la ville), elle était redescendue à 29,98 kilomètres…

Depuis quelques années –dérèglements climatiques obligent ? Ou cycles naturels ?-, la tendance est à l’effritement de la Langue ; le probable renforcement des courants et de la houle éroderaient plus violemment le cordon, et de plus en plus haut. La Langue de Barbarie serait-elle appelée à se transformer en Radeau de la Méduse ?

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Langue de Barbarie – Saint-Louis du Sénégal

Texte : Frédéric Bacuez. Photos : Laurent Gerrer, Eddy Graëff et Frederic Bacuez