16/07/18

Crise de financement dans le secteur semencier africain

Semences Article
Jeune plante expérimentale en phase de croissance - Crédit image: A. Singkham

Lecture rapide

  • Les pays africains souffrent d'un déficit de personnel dans l'encadrement du secteur semencier
  • À cela s'ajoutent les difficultés financières, qui rendent inapplicable un important instrument régional
  • Une plus grande sensibilisation des pouvoirs publics est requise, pour garantir la sécurité alimentaire

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Les participants à une réunion internationale rassemblant plusieurs organisations régionales du secteur des semences ont relevé des difficultés structurelles dans la mise en œuvre d'un instrument régional de consolidation de l'industrie semencière en Afrique de l'Ouest et du Centre.

A l'initiative du Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF), soixante-dix experts de l’industrie semencière des 17 pays du Comité régional des semences et plants de l’Afrique de l’ouest (CRSPAO) se sont réunis à Dakar la semaine dernière (du 9 au 11 juillet).

Au centre des débats se trouvait la question de l’état de mise en œuvre du Règlement semencier régional harmonisé sur le plan national au niveau de chaque État membre et surtout les défis que rencontre l’industrie, de façon générale.

“Le manque de financements est l’un des principaux défis que nous devons résoudre, pour avoir une filière semencière forte.”

Halimé Mahamat Hissen, directrice des semences et plants

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Adopté en 2008 par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et en 2009 par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), le Règlement semencier régional harmonisé concerne 17 pays de la CEDEAO, de l’UEMOA et du Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS).

Il vise à créer les conditions favorables à l’émergence d’une industrie semencière forte.

Depuis l'adoption, les 17 États s’appliquent à implémenter les 14 points fondamentaux de ce règlement, non sans défis.

"Nous avons des problèmes quant à la mise en œuvre du règlement semencier régional harmonisé, parce que nous n’avons pas assez de ressources humaines pour encadrer l’industrie semencière", déclare à SciDev.Net, Okelola Folarin Sunday, conseiller technique du directeur général du Conseil national des semences agricoles du Nigeria (National Agricultural Seeds Council – NASC).

Le responsable nigérian ajoute que "le budget alloué par le gouvernement n’est pas suffisant pour permettre la mise en œuvre de certains points du règlement".

Cet aspect est également souligné par Halimé Mahamat Hissen, directrice des semences et plants au ministère tchadien de l’Agriculture et de l’irrigation.

"Le manque de financements est l’un des principaux défis que nous devons résoudre, pour avoir une filière semencière forte", affirme-t-elle dans un premier temps, avant de souligner l'insuffisance de la sensibilisation des autorités publiques à la liste des défis rencontrés.

À quelques nuances près, les défis relevés sont les mêmes au niveau de tous les États membres du comité, qui, à en croire leurs experts-représentants, ont pourtant une volonté affichée de secourir une filière semencière souffrante.

Les participants à la réunion s’accordent sur le fait qu’il faut non seulement résoudre les défis énumérés plus haut et mettre proprement en œuvre le règlement, mais aussi régler d’autres défis d’ordre structurel, propres à la filière semencière elle-même.

“Le marché des semences n’est plus sûr, puisque l’État s’est désengagé de la production des semences et de leur commercialisation.”

Léopold Lokossou – PNOPPA-Bénin

"Au Bénin, il n’y a pas de mécanisme clair de fonctionnement et surtout de financement du secteur semencier", affirme Léopold Lokossou, exploitant agricole et président de la Plateforme nationale des organisations paysannes de producteurs agricoles du Bénin (PNOPPA-Bénin).

Selon lui, "le marché des semences n’est plus sûr, puisque l’État s’est désengagé de la production des semences et de leur commercialisation."
"Les producteurs ne peuvent pas produire et aller par la suite chercher le marché pour écouler les produits", dit-il.

Même son de cloche au niveau des acteurs privés du Nigeria, pourtant leader dans l’industrie semencière en Afrique de l’Ouest, selon Okelola Folarin Sunday.

"La sécurité alimentaire est dans nos mains et si nous n’avons pas une approche pragmatique, nous n’aurons pas les résultats escomptés", avertit Olafare Richard Olakanmi, président de l’association nigériane des entrepreneurs semenciers (Seed Entrepreneurs Association – Nigeria : SEEDAN).

L’intéressé estime que "ce n’est pas qu’une question de financement, mais aussi de mise en place d’un cadre réglementaire et favorable au secteur privé, qui sécurisera le marché local".

Or, si l’on s’en tient aux propos de Halimé Mahamat Hissen, "tant qu’il n’y a pas de marché local, il n’y a pas de filière en tant que tel."
Enfin, l’autre défi majeur est celui de la qualité des semences.

"Le problème de la qualité des semences demeure le défi majeur au Burkina Faso", déclare à SciDev.Net, Pascal Zongo, directeur des intrants et de la mécanisation agricole, au ministère burkinabè de l’agriculture et des aménagements hydrauliques.

Okelola Folarin Sunday reconnaît également que "le Nigéria produit présentement plus de 100.000 tonnes métriques de semences par an, mais la qualité des semences n’est pas au niveau du standard souhaité", avant de conclure que la plainte des agriculteurs quant à la qualité des intrants obtenus auprès des fournisseurs est une difficulté de plus.

Pistes de solutions

Face à ces défis, les participants se sont accordés à réfléchir sur des pistes de solution, listées par Yamar Mbodj, directeur exécutif du Hub rural et facilitateur de la réunion.

Selon les participants, il faut une mobilisation politique au niveau régional (mobilisation et sensibilisation des décideurs politiques, mobilisation des partenaires techniques, financiers, etc.) et une mobilisation au niveau national (équipement et opérationnalisation des laboratoires, appui à la capacité de production en quantité et en qualité, création de conditions favorables à l’engagement du secteur privé, renforcement des capacités, etc.)

Les participants soulignent par ailleurs le besoin d'une meilleure gouvernance du secteur privé, afin de le structurer et de renforcer son organisation (agrégation des petits producteurs et création de véritables entreprises semencières, coopération entre les secteurs privés de la région et du reste du monde), de collaborer avec la recherche des perspectives de production de bases en termes de semences et de collaborer avec le secteur public pour participer au contrôle et à la certification.