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Publié le 29 mars 2020 Mis à jour le 29 mars 2020

Comment améliorer la qualité de l’enseignement primaire et secondaire en Afrique francophone ?

De la prise de conscience à la prise de responsabilités

Classe africaine

Éducation pour tous, des choses à changer

L’éducation est un facteur clé du développement économique, social, culturel et politique d’un pays. Les États qui ont connu un niveau de performance économique élevé au cours des dernières décennies (Singapour, Taiwan, Maurice, Botswana, Rwanda, etc.) sont ceux qui ont su mettre en place des systèmes éducatifs efficaces adaptés à leurs contextes et à leurs choix d’orientation économique.

Cependant, de toutes les régions du monde, c’est l’Afrique subsaharienne (particulièrement l’espace francophone ) qui a le taux le plus élevé de jeunes exclus de la scolarité. Plus d’un cinquième des enfants âgés de 6 à 11 ans n’est pas scolarisé, suivi par un tiers des jeunes âgés de 12 à 14 ans, selon les données de l’ISU (Institut de statistiques de l’Unesco). La situation est particulièrement préoccupante pour des pays comme le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad qui affichent des taux d’alphabétisation inférieurs à 30 %.

Le taux d’alphabétisation en Afrique subsaharienne est cependant passé de 52 en 2016 à 65% en 2018. Les États africains (surtout francophones) ont beaucoup plus de mal à offrir à la fois la quantité et la qualité des services éducatifs à leurs populations extrêmement jeunes et en forte croissance. Ainsi, des insuffisances accumulées par les élèves au niveau de l’école primaire et secondaire ont des répercussions importantes lorsqu’ils abordent les études supérieures ou entament une vie professionnelle. Il existe en fait un déphasage entre les connaissances acquises à l’école et celles requises par le monde de l’emploi.

Quelles sont les réformes à initier pour améliorer la qualité de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire, pour rendre l’apprentissage plus performant en Afrique francophone ? Quels sont les rôles, responsabilités et capacités des acteurs locaux, nationaux et régionaux dans la formulation des politiques en matière d’enseignement primaire et secondaire ? Quel est le rôle des parents dans l’atteinte des acquis scolaires de leurs enfants ? S’impliquent-ils assez dans le processus d’acquisition des compétences ?

Au-delà de la présentation des freins à un enseignement qualitatif au primaire et secondaire, cet article propose aussi des idées testées et prouvées qui ont contribué à améliorer la qualité de l’enseignement primaire et secondaire.

Les défis à la dispensation d’un enseignement primaire et secondaire de qualité

La qualité de l’enseignement primaire et secondaire détermine largement la capacité d’un pays à faire face, avec des femmes et des hommes bien formés, aux défis futurs dans tous les domaines. Mais il est difficile de dispenser cet enseignement de qualité au regard de certains défis, notamment l’insuffisance d’équipements et d’infrastructures scolaires, le nombre pléthorique d’élèves dans les salles de classe, les programmes scolaires souvent inachevés, les grèves et revendications répétées pour une revalorisation des salaires des enseignants, pour ne citer que ceux-ci.

C’est sans oublier, la privatisation spectaculaire dans le secteur de l’éducation, de l’école maternelle à l’enseignement supérieur, qui a créé au cours des deux dernières décennies des systèmes éducatifs à plusieurs vitesses, avec des secteurs publics progressivement abandonnés par les parents d’élèves. Ces derniers font des efforts financiers énormes pour fournir une meilleure éducation à leurs enfants en les envoyant dans des écoles privées coûteuses.

De la prise de conscience à la prise de responsabilités

Ces dysfonctionnements démontrent l’urgence d’une prise de conscience par tous les acteurs du secteur éducatif car :

« le processus d’enseignement/apprentissage implique plusieurs acteurs. En cas d’échec, chacun de ces derniers a sa part de responsabilité, en fonction de son degré d’implication dans le processus. La responsabilité de l’échec revient bien entendu à l’élève, mais celui-ci n’est que le dernier maillon d’une longue chaîne qui commence dans les ministères en charge de l’éducation, continue dans les établissements scolaires et se termine dans les domiciles. »

nous rappelle le blogueur camerounais Fotso Fonkam. Il faut donc repenser les systèmes éducatifs dans toutes leurs dimensions pour les rendre plus adaptés aux réalités économiques, sociales et culturelles des citoyens et au type de société que l’on souhaite construire.

Voici 4 recommandations suivi d’actions pouvant contribuer au remodelage du système éducatif primaire et secondaire en Afrique francophone.

  • 1- Des pays francophones souverains dans la détermination des politiques éducatives

Les pays d’Afrique francophone doivent pouvoir déterminer de manière souveraine les orientations fondamentales dans le domaine de l’éducation et assurer leur mise en œuvre cohérente sur une durée suffisamment longue pour produire des résultats. Ils peuvent y parvenir en créant dans chaque pays une Autorité supérieure de l’éducation, indépendante du pouvoir exécutif, dont le rôle sera de définir les grandes orientations des systèmes d’éducation et de formation, d’assurer la compatibilité et la cohérence des choix effectués pour les différents niveaux d’éducation du pré-primaire au supérieur.

Il faudra également se refocaliser sur les véritables besoins en lien avec l’avenir des enfants et de prendre, quand il le faut, des distances par rapport à des objectifs et des standards internationaux qui ne tiennent pas compte des parcours historiques spécifiques de chaque pays et de leurs visions du futur.

  • 2- Prioriser la formation des enseignants

Pour y arriver, il faut renforcer les écoles nationales dédiées à la formation des enseignants du primaire et du secondaire. Cela passera essentiellement par :

  • la révision des curriculums des écoles de formation des enseignants afin d’intégrer une grande diversité d’approches pédagogiques à adapter aux contextes spécifiques et aux différents types d’apprentissage ;
  • la revalorisation du statut[5] de l’enseignant et la lutte contre l’absentéisme et le double (ou triple) emploi pratiqué par une frange importante des enseignants d’Afrique francophone ;
  • un renforcement du contrôle administratif et l’application effective de sanctions.

  • 3- Planifier en intégrant les réalités socioéconomiques dans les programmes scolaires.

Il est important de mettre en place des calendriers scolaires et des programmes adaptés aux contextes économiques et sociaux locaux, en particulier dans les zones rurales. On pourrait tenir compte des calendriers agricoles et de certaines contraintes socioéconomiques pour déterminer le calendrier scolaire.

Par exemple, l’adaptation de l’offre d’alphabétisation est un facteur majeur dans le changement de paradigme dans des pays comme le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Tchad et le Togo, qui ont mis en œuvre le « Programme régional d’éducation des populations pastorales en zones transfrontalière (PREPP). » L’ambition dudit programme, piloté par l’Association pour la promotion de l'élevage au Sahel et en Savane (APESS) depuis 2014, est de soustraire les communautés pastorales de l’analphabétisme endémique, de contribuer à un meilleur accès à l'emploi pour les jeunes, à travers le développement de leurs compétences techniques et professionnelles.

Il est aussi important d’impliquer les populations locales dans l’élaboration des curriculums scolaires à travers des processus formels annuels d’information, de consultation et de débats à l’échelle des régions, départements ou provinces. On pourrait également autoriser des variations du calendrier scolaire en fonction des régions tout en respectant strictement les standards nationaux (volumes horaires annuels, dates des examens).

  • 4- Repenser les contenus et programmes éducatifs.

Il faut enfin, mettre en œuvre de manière contrôlée et progressive une révision profonde des curriculums en s’assurant de donner la priorité à :

  • L’apprentissage de la lecture et de l’écriture aussi bien dans les langues locales que dans la langue officielle. Pour y parvenir, il faudra implémenter des politiques nationales de promotion de la lecture, de la culture générale et des TIC, dotées d’un budget autonome, au sein de toutes les classes sociales. Dans ce cadre, l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA), à travers son Pôle de qualité inter-pays sur l’Alphabétisation et les Langues nationales et son Groupe de travail sur les livres et les matériels éducatifs (GTLME), participe activement à l’animation du dialogue politique et au renforcement des capacités techniques des pays africains.

  • L’initiation aux mathématiques et aux sciences de la vie et de la terre par des activités ludiques adaptées aux enfants et recourant à des matériaux locaux;

  • L’introduction ou la réintroduction de l’éducation civique et morale, la découverte de la diversité des cultures, croyances et religions et le patrimoine historique et culturel africain ;

  • Le recours à des méthodes pédagogiques attractives pour les enfants, notamment l’utilisation du théâtre, des jeux de rôle, l’initiation aux débats ou l’usage des TIC. Par exemple, la  Fondation Didier Drogba en collaboration avec l’ADEA et l’UNESCO ont mis en œuvre un projet d’alphabétisation par le téléphone portable et les tablettes qui s’est révélée efficace dans plusieurs pays africains pour la prise en compte des apprenants en situation de mobilité ou peu disponibles pour suivre les cours en présentielle.

 

Partager les données et impliquer les citoyens

Un grand moyen de créer les conditions pour la mise en œuvre de recommandations évoquées ci-dessus est de partager des informations précises sur les différentes dimensions du défi éducatif avec les citoyens et de créer des débats publics de qualité permettant d’agir efficacement et de corriger en permanence les dysfonctionnements observés.

La création d’une vaste coalition d’organisations et de citoyens engagés sur les questions d’éducation au niveau de chaque pays ainsi que la mise en place d’un réseau au niveau régional (dépassant les barrières linguistiques) favoriserait également les échanges de leçons et d’expériences des différents pays.

Illustration : https://iwaria.com/photo/NjMwNA==/


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