130 projets de lois ayant vu le jour pendant sous la deuxième Commission de Barroso sont examinés par la nouvelle Commission de Jean-Claude Juncker. La Commission doit présenter le programme de travail prévu pour 2015 mercredi 17 décembre ; elle doit ainsi préciser les projets législatifs qui seront abandonnés et ceux qui seront finalisés.
La semaine passée, onze ministres de l'environnement, dont l'Allemande Barbara Hendricks et la Française Ségolène Royal, ont écrit une lettre à la Commission (1) , lui enjoignant de ne pas laisser tomber la législation européenne censée améliorer la qualité de l'air et le recyclage.
Les ministres de l'environnement sont particulièrement inquiets pour l'avenir du paquet de mesures concernant l'économie circulaire. Selon eux, la Commission européenne devrait "examiner de près" les bénéfices potentiels du projet de loi sur les déchets.
En 2010, l'UE a généré 2,5 milliards de tonnes de déchets. 36 % seulement de ceux-ci ont été recyclés.
La Commission estime que la transition à une économie circulaire ne se fera pas toute seule, a cependant déclaré Richard Kühnel, représentant de la Commission en Allemagne, lors d'un atelier sur l'économie circulaire et le manque de ressources organisé par EurActiv le 4 décembre à Berlin.
Beaucoup d'entreprises européennes n'ont simplement pas les capacités de réaliser la transition, explique-t-il. D'un autre côté, le système financier n'offre souvent qu'un soutien inefficace aux investisseurs dans le cadre de la gestion de ressources. De plus, beaucoup de consommateurs ne sont même pas sensibilisés, ajoute le représentant de la Commission.
Une méthodologie à définir
"Nous sommes tous d'accord, à la base", assure Andreas Jaron, du ministère allemand de l'environnement. "Nous voulons tous une économie circulaire en Europe." Cependant, les propositions de la Commission "n'abordent pas le sujet", souligne-t-il. "Elles sont pleines de bonnes intentions, mais mal exécutées, malheureusement."
Andreas Jaron estime que cela s'est ressenti également dans le débat entourant les orientations du Conseil en octobre. "Tout le monde veut que ça aille mieux, mais tout le monde s'oppose aux propositions de la Commission. Pour l'instant, il n'y a presque rien d'utile dans les textes."
Cela ne signifie toutefois pas que les choses ne peuvent pas être améliorées, insiste-t-il. La ministre de l'environnement allemande fait partie des onze signataires de la lettre adressée à la Commission européenne, qui exhorte l'exécutif européen à ne pas abandonner la proposition en question.
"Nous voulons soutenir la Commission en nous assurant que la proposition aura un réel impact positif", explique le représentant. Selon cette proposition, une des plus ambitieuses et des plus connues du paquet, l'UE devrait recycler 70% de ses déchets municipaux et 80 % de ses emballages d'ici 2030. "Il est peu probable que des États membres qui ne recyclent que la moitié de leurs déchets municipaux soient prêts à faire plus d'efforts pour respecter des quotas plus stricts", rétorque Volker Pawlitzki, de l'entreprise Aurubis AG.
Dans presque 20 États membres, la moitié des déchets est toujours déversée dans des décharges, Andreas Jaron estime donc qu'un quota de 70% est complètement irréaliste. Il est en outre important de comprendre que le calcul des quotas peut être effectué de manières diverses. L'Allemagne a choisi de comparer le volume de déchets recyclés avec le volume total de déchets municipaux.
Le modèle allemand
En Allemagne, le taux de recyclage est actuellement de 60 ou 65%. Si cette méthode de calcul était appliquée aux autres États membres, les résultats seraient entre 15 et 20%, mais les autres États calculent le taux de recyclage différemment. "Ils ne prennent en compte que les matériaux recyclables classiques récoltés, comme le métal, le plastique, le verre, le papier ou le compost", explique Andreas Jaron. Sur cette base déjà réduite, ils arrivent à un quota d'environ 50%. Si la Commission proposait un quota harmonisé, il serait possible de comparer l'Estonie à l'Espagne, ou le Royaume-Uni à la Grèce. Malheureusement, souligne-t-il, la proposition ne mentionne pas la façon dont il faudrait arriver à ce résultat.
Presque tous les participants à l'atelier s'accordaient à dire que l'Allemagne était en avance par rapport à nombre d'autres pays européens en ce qui concerne l'économie circulaire et l'utilisation des ressources. "Il existe une interdiction d'utiliser des décharges depuis 2005", explique Michael Thews, député allemand du parti social-démocrate.
"En Europe, le problème est souvent la diversité des approches", souligne-t-il. L'expérience de l'Allemagne et de ses industries pourrait s'avérer utile dans ce domaine. "L'expérience allemande montre que ce modèle est possible", assure Andreas Jaron. "Économie et écologie sont ici étroitement liées. En Allemagne, nous avons un taux de recyclage très élevé et une industrie sensibilisée ; 200.000 personnes travaillent dans le cadre de l'économie circulaire et il existe 15.000 établissements qui gèrent l'économie sans gaspillage."
Ce qui différencie l'Allemagne ? "Le facteur principal, à part une conscience environnementale très développée, est que nous faisons payer les pollueurs", explique Andreas Jaron. "On paye pour les déchets que l'on génère. Ce n'est pas l'État qui paye l'élimination des déchets, mais le citoyen, l'économie et l'industrie. De cette manière, on peut financer des normes plus strictes."
Selon Benjamin Bongardt, directeur de gestion des ressources à l'association de protection de la nature allemande (NABU) beaucoup d'Allemands se félicitent du fait que le pays soit un précurseur en Europe. Le système comporte encore nombre de faiblesse, indique-t-il pourtant, soulignant que certaines règles des lois concernant le recyclage ou les déchets commerciaux ne sont pas toujours respectées par "certaines entreprises".
En 2012, Berlin a modifié la loi sur l'économie circulaire, explique Benjami Bongardt. "Une procédure d'infraction est en cours contre l'Allemagne, parce que la hiérarchie du traitement des déchets n'est pas complètement appliquée sous certaines circonstances et pour certains cas spécifiques."
En ce qui concerne la collecte, les magasins discount et les vendeurs au détail peuvent encore mettre beaucoup de déchets électriques en circulation, qu'ils ne doivent pas ramener. "Il n'est pas surprenant que la collection ne soit pas encore parfaite. Il reste beaucoup de domaines dans lesquels l'Allemagne doit s'améliorer, tout comme les autres États membres", fait remarquer Benjamin Bongardt.